Cocaïne, herbe, cannabis : que devient la drogue des forces de l’ordre ?
Près de dix tonnes de cocaïne ont été saisies par la Marine nationale au large des côtes africaines le 22 septembre 2025. La marchandise est détruite sous ordre du magistrat une fois que la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité.
Près de dix tonnes de cocaïne ont été saisies la semaine dernière au large des côtes africaines. Pilotée par la marine nationale, l’opération effectuée à bord de ce bateau de pêche est devenue l’une des plus grosses saisies de ces dernières années. La valeur estimée de la marchandise atteint près de 519 millions d’euros, selon le ministère de la Justice français. Cette somme ne sera évidemment pas touchée par quiconque. La marchandise saisie le lundi 22 septembre ne sera pas vendue ni consommée. Comme pour chaque saisie réalisée par les forces de l’ordre, l’ensemble de la drogue est détruit. Mais comment fait-on pour faire disparaître dix tonnes de cocaïne ? Que faire des 10 grammes de cannabis saisis chez un petit consommateur arrêté la semaine dernière ? 20 Minutes vous explique.
Tout est cadré, très cadré
Pour toutes les quantités, qu’il s’agisse de cocaïne, de cannabis ou de drogues de synthèse, le processus reste le même. « Dès que la drogue est saisie, tout est mis sous scellé. Tout est pesé, étiqueté », souligne un ancien policier de la brigade des stupéfiants. Avant de consigner la marchandise, les douanes, les gendarmes ou les policiers effectuent des prélèvements. « Pour la cocaïne, par exemple, nous prenons de très petites quantités de différents blocs. Cela permet d’analyser le taux de pureté, d’étudier la provenance et de vérifier qu’il s’agit bien de cocaïne », précise l’ancien des stups. Ces échantillons sont conservés jusqu’à ce que les personnes concernées soient jugées. « Il faut pouvoir prouver l’infraction ». Des analyses en laboratoire sont donc réalisées pour vérifier la composition de la marchandise saisie.
Comment la conserver ?
Ces échantillons sont placés dans des coffres-forts sécurisés, généralement intégrés dans les murs de l’entité qui a réceptionné la saisie. C’est également dans ces endroits très surveillés que la police ou la gendarmerie stocke les petites quantités de produits saisies quotidiennement. « Nous disposons d’une armoire forte. Avant chaque dépôt, il est impératif de remplir un registre en présence d’un témoin. Chaque armoire a, en général, deux gestionnaires de scellés, qui sont les seuls autorisés à y accéder. Tout est très encadré », explique un commissariat de police en province. L’objectif est clair : limiter au maximum le nombre de personnes ayant accès à la marchandise pour réduire les risques de disparition ou de vol. Cela peut parfois causer des désagréments. Il y a une dizaine d’années, des policiers du commissariat de Roubaix se plaignaient de l’odeur de cannabis qui persistait dans leurs locaux après une saisie.

Les scellés peuvent également être transférés dans les coffres des tribunaux avant les procès. Dans ce cas, des référents sont désignés. Pour les saisies de grandes quantités, comme les dix tonnes de cocaïne interceptées la semaine dernière, la drogue est directement envoyée à la destruction.
Pourquoi la drogue doit-elle disparaître rapidement ?
« La destruction se fait sous ordre du magistrat », assure l’ancien gradé de la brigade des stups. Le juge peut prendre cette décision dès que la conservation « n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ». Si des échantillons ont été réalisés, il n’est plus nécessaire de conserver le reste de la drogue. « Plus vite c’est détruit, moins on a d’ennuis », poursuit le policier. Conserver la drogue encombre les commissariats ou brigades de gendarmerie et augmente le risque de vol par des personnes extérieures, voire même des membres des forces de l’ordre. En 2014, cinquante kilos de cocaïne avaient disparu du 36 quai des Orfèvres, à Paris. Plusieurs personnes, dont un policier, avaient été jugées et condamnées à de lourdes peines.
Comment fait-on pour la détruire ?
La méthode employée est unique : l’incinération. Une fois l’ordre de destruction validé par le magistrat, un convoi sécurisé est organisé pour se rendre à l’incinérateur le plus proche. L’équipement est alors réquisitionné pour permettre l’opération. Le brûlage d’autres déchets est souvent suspendu. Là aussi, la pratique est très encadrée. « La drogue reste sous la surveillance des policiers ou des gendarmes jusqu’à ce qu’elle entre dans le four. Nos agents sont scrupuleusement observés du début à la fin de l’opération », explique l’exploitant d’un incinérateur. La vigilance a été renforcée depuis que des agents d’un site d’incinération à Dijon ont été mis en examen pour avoir détourné entre 100 et 300 kg d’herbe devant être détruite.
D’après nos informations, l’unité d’Ivry-sur-Seine, près de Paris, est régulièrement utilisée pour ces destructions. La même technique est d’ailleurs appliquée pour détruire des articles de contrefaçon ou des médicaments de contrebande.
À découvrir
On peut alors se poser une question. Brûler des kilos d’herbe ou de résine de cannabis peut-il présenter un risque d’intoxication pour la population ? « Alors non, personne n’est défoncé », répond l’ancien des stups en riant. « Les incinérateurs que nous utilisons sont gigantesques et dotés de filtres très performants ». Tous les pays ne sont pas aussi organisés. En Turquie, la police avait provoqué une intoxication en brûlant vingt tonnes de cannabis en plein air au printemps dernier.

