France

« Contrôle accru des entrées en déchetteries : ce n’est pas du flicage »

À partir du 1er novembre, les 90.000 habitants du syndicat mixte Valcobreizh devront être munis d’un badge pour accéder aux déchetteries. Les habitants du Smictom sud-est 35 ont droit à 18 passages par an, tandis qu’à Fougères et Liffré, le nombre de passages est illimité.

Appelez cela un pass, une carte, un titre d’accès ou un badge. Quoi qu’il en soit, assurez-vous de ne pas l’oublier, sous peine de devoir faire demi-tour. Manœuvrer une remorque sans cette carte peut s’avérer compliqué. De quoi s’agit-il ? De votre carte d’accès pour vous rendre à la déchetterie, bien sûr ! Pour certains urbains, cela représente une corvée, tandis que pour certains habitants de la ruralité, c’est un véritable hobby lié au rangement du garage.

Longtemps accessibles à tous, les déchetteries françaises resserrent progressivement leur accès aux seuls habitants d’un territoire spécifique. Cela permet de limiter les dépenses alors que le coût du traitement des déchets ne cesse d’augmenter, et permet également de réduire les allées et venues dans ces lieux de tri qui voient les apports en constante augmentation. En Bretagne, région renommée pour son excellence en matière de tri, des barrières s’érigent peu à peu, transformant les déchetteries en lieux plus sélects que certaines discothèques (sans exigence de tenue).

Dans le pays de Liffré (Ille-et-Vilaine), les élus ont longtemps été réticents à mettre en place des contrôles d’accès. Cependant, face à l’imposition de cette mesure par leurs voisins, ils ont dû s’adapter. À partir du 1er novembre, les 90 000 habitants du syndicat mixte Valcobreizh devront posséder un badge pour accéder aux déchetteries. « Nos habitants paient une redevance. Il n’est pas normal qu’elle serve à financer l’accès pour les autres », déclare Ronan Salaün, président du Smictom aux portes de Rennes. « Tout le monde l’a fait autour de nous : Dinan, Fougères, Vitré et Saint-Malo qui va suivre. Nous avons constaté que des personnes extérieures venaient dans nos déchetteries. La différence s’est aussi faite sentir quand Rennes métropole a interdit l’apport de tontes de pelouse », ajoute le président. En conséquence, l’année dernière, l’ensemble des sites a enregistré une augmentation de 6 % des quantités collectées par rapport à 2023.

Un investissement rapidement rentabilisé

Dans ce contexte, il était impossible de faire autrement. Le Smictom Valcobreizh a informé ses habitants et a investi un peu plus de 200 000 euros pour s’équiper en cartes, logiciels et barrières. « Nous comptons raisonnablement sur une baisse des apports de 5 %. Si nous atteignons cet objectif, nous aurons amorti l’investissement en un an », rassure Ronan Salaün.

Les collectivités tentent de trier au mieux les déchets afin de les valoriser. Car les résidus qui doivent être brûlés ou enfouis coûtent cher.
Les collectivités tentent de trier au mieux les déchets afin de les valoriser. Car les résidus qui doivent être brûlés ou enfouis coûtent cher. - C. Allain/20 Minutes

L’instauration de cette carte a été initiée par l’agglomération voisine de Fougères il y a dix ans, mais de manière progressive. « Nous ne souhaitions pas équiper tous nos sites, car certains sont trop petits ou vont disparaître à terme », explique Serge Boudet, président du Smictom du pays de Fougères. Cela permet déjà de distinguer les particuliers des professionnels, qui doivent régler une facture pour le service. Mais contrôler les accès est aussi un moyen de collecter des statistiques et de savoir quand les usagers viennent. Cela permet d’adapter les horaires d’ouverture et le nombre d’agents présents », ajoute l’élu. « Si nous constatons qu’un utilisateur vient trois fois par semaine, nous pourrons tenter de comprendre pourquoi. Ce n’est pas du flicage, c’est un outil statistique », complète Ronan Salaün de Valcobreizh.

Notre dossier sur le recyclage

Du côté de la métropole de Rennes, le sujet est également à l’étude. L’accès avec une carte Korrigo avait même été annoncé pour 2024, mais aucun avancement n’a eu lieu. « La mise en œuvre d’un tel système est techniquement complexe et nécessite beaucoup de temps pour le développement numérique, ce qui explique les retards. À ce jour, le calendrier de mise en œuvre n’est pas stabilisé », répond la métropole, précisant qu’un justificatif de domicile pourrait être demandé, même si cela n’a jamais été le cas.

Ronan Salaün, président du Smitcom Valcobreizh, a fini par adopter le système de contrôle d'accès par barrières pour les déchetteries de son territoire.
Ronan Salaün, président du Smitcom Valcobreizh, a fini par adopter le système de contrôle d’accès par barrières pour les déchetteries de son territoire.  - Valcobreizh

Ces systèmes de contrôle, voulus par les élus, ne sont pas toujours bien reçus par les habitants. « Je me suis rendu à Janzé parce que ma déchetterie était fermée. L’agent n’a jamais voulu me laisser entrer », témoigne Christophe, dont le coffre était bien rempli. Ce sont finalement une femme passant par là qui lui a prêté son badge pour ouvrir la barrière. « Elle m’a dit qu’elle ne venait pas souvent. » En effet, dans certains territoires, le nombre de passages à la déchetterie est limité.

La crainte des dépôts sauvages

À Janzé et dans l’ensemble du Smictom sud-est 35, les habitants ont droit à 18 passages par an. À Fougères et Liffré, l’accès est illimité. « La réflexion est en cours. Mais nous ne souhaitons pas modifier les comportements. Notre intérêt est que nos habitants trient leurs déchets autant que possible, et que nous puissions les valoriser », assure Serge Boudet.

Avec un nombre limité de passages, certaines collectivités redoutent des dépôts sauvages ou un report vers les poubelles d’ordures ménagères, à l’opposé de l’objectif visé.