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Prix Nobel de la paix 2025 : María Corina Machado, opposante clandestine

María Corina Machado a recueilli plus de 90 % des voix lors des primaires de l’opposition en octobre 2023, avec 3 millions de votants. Elle a été disqualifiée de la course présidentielle pour 15 ans par le régime Maduro, sous prétexte d’« irrégularités administratives ».


« María Corina Machado est l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps », a déclaré Jørgen Watne Frydnes, président du comité Nobel norvégien, qui a remis vendredi le prix Nobel de la paix à la cheffe de l’opposition vénézuélienne. Elle a été récompensée pour ses efforts « en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Figure emblématique de l’opposition au président Nicolás Maduro, voici trois éléments importants la concernant.

### Un engagement politique débuté sous Chávez
María Corina Machado, âgée de 58 ans, a vu sa notoriété grandir lors des primaires de l’opposition en octobre 2023, où elle a obtenu plus de 90 % des voix avec 3 millions de votants. Ingénieure de formation d’une famille prospère, héritière d’une grande entreprise d’électricité à Caracas, elle a commencé son engagement politique au début des années 2000 en militant pour un référendum contre Hugo Chávez. Ayant fait de la chute du régime chaviste sa priorité, elle a poursuivi son combat lors de l’élection de Nicolás Maduro en 2013.

En 2002, elle participe à la création de l’organisation de défense des droits des électeurs, Súmate, qui est liée au coup d’État avorté de cette même année durant lequel Hugo Chávez a été détenu pendant 47 heures. En 2004, elle rassemble trois millions de signatures pour demander un référendum sur le départ d’Hugo Chávez, ce qui lui vaut une interdiction de sortie du territoire. L’année suivante, elle est accusée de trahison avec d’autres membres de l’association Súmate pour avoir reçu des fonds du National Endowment for Democracy (NED), une organisation américaine qui promeut la démocratie libérale.

### Elle vit dans la semi-clandestinité
Surnommée « Libertadora » en hommage à Simon Bolivar, María Corina Machado est contrainte de se cacher dans son propre pays. Malgré sa popularité, elle a été disqualifiée de la présidentielle de 2024 pour 15 ans par le régime Maduro, sous prétexte d’« irrégularités administratives », et a été accusée de trahison et de complot dans l’affaire Súmate. Son équipe et ses proches subissent des harcèlements, des arrestations ou sont contraints à l’exil, comme Edmundo Gonzalez Urrutia, un ancien candidat opposant qui a dû quitter le pays. Elle a même envoyé ses trois enfants, Ana Corina, Henrique et Ricardo, vivre aux États-Unis.

Bien qu’elle continue de mener des tournées au Venezuela pour diffuser son message contre le pouvoir, elle vit toujours sous couvert. « Je suis là où je me sens le plus utile pour la lutte. Si quelque chose m’arrive, la consigne est très claire […], personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté », a-t-elle répété plusieurs fois. C’est depuis un endroit tenu secret qu’elle a réagi à l’annonce de son prix : « Je suis sous le choc, a-t-elle déclaré à l’AFP, c’est quoi ce truc ? Je n’arrive pas à y croire. »

### Parfait opposé à Maduro, elle prône une résistance pacifique et une politique libérale
L’un des critères ayant conduit à l’attribution du prix Nobel à María Corina Machado est son engagement envers une opposition pacifique au régime. Elle a toujours soutenu que la violence ne ferait qu’aggraver la crise humanitaire et politique du Venezuela, offrant ainsi des prétextes au régime pour renforcer la répression. Lors des manifestations de 2017 et 2019, elle a appelé à éviter les affrontements avec les forces de sécurité, malgré la répression violente ayant causé plus de 200 morts en 2017 selon l’ONU.

Cette approche lui a valu d’autres distinctions, comme le prix Sakharov pour les droits humains en 2024, décerné par l’Union européenne, et le prix Václav Havel, attribué par le Conseil de l’Europe. En opposition à Nicolás Maduro, elle soutient une économie de marché libérale et a proposé la privatisation de l’entreprise publique pétrolière Petroleos de Venezuela (PDVSA), dont la production a chuté en raison de la mauvaise gestion et de la corruption.