France : Robert Badinter, artisan de l’abolition, ne rentre pas au Panthéon.
Emmanuel Macron a promis dans son discours de continuer à « porter » son combat « jusqu’à l’abolition universelle ». Le cénotaphe, cercueil au nom de l’ancien avocat Robert Badinter, décédé en février 2024 à l’âge de 95 ans, est entré dans l’ancienne église du centre de Paris, devenue monument funéraire.
Emmanuel Macron a affirmé dans son discours qu’il continuerait à « porter » son combat « jusqu’à l’abolition universelle ».
« Pour Robert Badinter, chaque jour devant nous doit être un 9 octobre », date de la loi de 1981 visant à abolir la peine de mort, a déclaré le président sous la nef du Panthéon.
Peu avant, le cénotaphe, cercueil de l’ancien avocat et garde des Sceaux, décédé en février 2024 à l’âge de 95 ans, était entré dans l’ancienne église du centre de Paris, désormais monument funéraire portant sur son fronton la devise « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ».
Sous les applaudissements d’un public nombreux, les mots du discours du ministre de la Justice de François Mitterrand avaient résonné, lorsqu’il avait demandé à la tribune de l’Assemblée nationale, le 17 septembre 1981, l' »abolition de la peine de mort en France », conformément à un engagement du président socialiste, à l’encontre de l’opinion de l’époque.
« Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue », avait déclaré l’homme de droit devenu homme politique aux députés lors de ce débat passionné.
Parmi les moments marquants, Julien Clerc a interprété sa chanson « L’assassin assassiné », dédiée en 1980 à la lutte pour l’abolition de la peine de mort.
Le comédien Guillaume Gallienne a également lu un texte de Victor Hugo, précurseur de cette même lutte. Ce texte, tout comme d’autres, a été choisi par la veuve de l’avocat qui sauva plusieurs hommes de la guillotine, la philosophe Élisabeth Badinter, accueillie avec des applaudissements à son arrivée.
« Robert Badinter entre au Panthéon avec les Lumières et l’esprit de 1789 », « avec les principes de l’État de droit », a déclaré Emmanuel Macron dans son discours. « Il entre au Panthéon et nous entendons sa voix qui plaide pour ses combats essentiels et inachevés : l’abolition universelle de la peine de mort, la lutte contre le poison antisémite et ses prêcheurs de haine, la défense de l’État de droit », a ajouté le chef de l’État.
Il a rappelé que Robert Badinter était « né dans les années vingt ravagées par la haine des Juifs » et « s’est éteint dans nos années vingt où à nouveau la haine des Juifs tue ». « N’éteignons jamais cette colère face à l’antisémitisme », a martelé le président de la République.
La journée a été assombrie par une profanation de la tombe de Robert Badinter dans la matinée à Bagneux, lieu de son inhumation. Les « tags qui insultent ses engagements contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité », dénoncés par le maire de la ville, ont été nettoyés rapidement. « Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire », a immédiatement réagi Emmanuel Macron.
Prévue de longue date, cette cinquième panthéonisation sous ses mandats intervient en pleine crise politique pour le chef de l’État, qui doit décider d’ici vendredi soir comment sortir le pays de l’impasse.
Cet homme, qui fut aussi président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, repose désormais symboliquement au Panthéon, à travers des objets déposés dans son cénotaphe : sa robe d’avocat, une copie de son discours sur l’abolition de la peine de mort et trois livres, dont un de Victor Hugo.
Dans le caveau « des révolutionnaires de 1789″, reposent Condorcet, l’abbé Grégoire et Gaspard Monge depuis le bicentenaire de la Révolution.
Emmanuel Macron a déjà rendu hommage dans la nécropole républicaine à Simone Veil, rescapée d’Auschwitz et auteure de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, à Maurice Genevoix, écrivain chroniqueur des horreurs des tranchées de la Première Guerre mondiale, à Joséphine Baker, star du music-hall, résistante et militante antiraciste franco-américaine, et à Missak Manouchian, résistant communiste d’origine arménienne.
L’historien et résistant Marc Bloch sera lui aussi panthéonisé mi-juin, 82 ans après son exécution par la Gestapo en 1944.
Pour l’historien Denis Peschanski, le fil conducteur de ces choix présidentiels est l' »universalisme républicain ». « C’est la France des Lumières, que représentait Robert Badinter à travers son combat abolitionniste, mais aussi sa défense acharnée des victimes et sa lutte pour les droits ».
L’universalisme se retrouve chez Joséphine Baker, qui ne pouvait pas accepter ce qui se passait aux États-Unis et est devenue française, ou dans la « défense des droits des femmes » chez Simone Veil, ajoute cet expert en mémoire. Il observe également une similitude chez Missak Manouchian et « tous ces résistants étrangers qui ont manifesté un attachement très fort à la France des Lumières, patrie des droits de l’homme ».

