France

Les secours en montagne vont-ils devenir payants pour les imprudents ?

Le Mans accueille le 131e congrès national des sapeurs pompiers de France entre ce mercredi et vendredi. Depuis le mois de mai, les pompiers de Seine-Maritime demandent à ces imprudents une participation aux frais d’environ 1.000 euros pour les interventions de secours liées à des problèmes non urgents.

De notre envoyé spécial au Mans (Sarthe),

Du mercredi au vendredi, Le Mans, en Sarthe, organise le 131e congrès national des sapeurs-pompiers de France. Cet événement permet aux représentants des services d’incendie et de secours (Sdis) d’examiner les équipements techniques des pompiers de demain, de présenter leurs spécialités et d’aborder des sujets sensibles. La question de la gratuité des secours en montagne a été soulevée une fois de plus.

Doit-on faire payer aux victimes les opérations de secours résultant de leur imprudence ? Actuellement, si un incident se produit en montagne ou ailleurs, pompiers, Sécurité civile ou gendarmes se déplacent sans exiger aucun paiement, sans examiner la responsabilité des individus. « Cette gratuité provient d’une ordonnance royale de 1733, instaurée pour éviter les retards dans le déclenchement des alertes », explique Marc Vermeulen, contrôleur général des pompiers de Gironde. « Mais est-ce toujours pertinent aujourd’hui ? », se demande-t-il 292 ans plus tard.

Les touristes piégés par la marée mis à contribution à Etretat

En montagne, « les opérations de secours coûtent cher, impliquent souvent un hélicoptère et des équipes spécialisées », affirme le commandant Bruno Magne, ancien de la montagne actuellement au Sdis de l’Eure. Il note également que « le secours en montagne est déjà payant sur le domaine privé ou lors d’événements sportifs ». Par ailleurs, en Europe, la gratuité n’est pas la norme : « En Suisse, par exemple, les frais de sauvetage sont à la charge des victimes, remboursés pour moitié par l’assurance maladie, et le gouvernement encourage à souscrire des assurances supplémentaires. »

En Seine-Maritime, le Sdis a décidé de ne plus secourir des promeneurs inattentifs se faisant surprendre par la marée au Trou de l’homme, une cavité large creusée dans les falaises d’Etretat. « Les personnes avaient peur et appelaient les secours alors que la grotte n’est jamais submergée, il leur suffit d’attendre la marée basse pour repartir tranquillement », explique le colonel Jean-Christophe Delbassée, directeur adjoint du Sdis 76. Pour lui, « ce n’est pas de l’urgence, c’est de l’assistance ». Ainsi, depuis mai, les pompiers de Seine-Maritime demandent à ces imprudents « une participation aux frais d’environ 1.000 euros ». Bien que « cette initiative suscite le débat », le Sdis 76 a déjà comptabilisé une vingtaine de touristes égarés.

Une question de « conjoncture » mais aussi « de fric et de priorités »

Dans le cas de la montagne, la situation est différente. « Pour la saison 2022-2023, il y a eu 52.000 interventions de secours liées au ski, et la majorité a engendré l’hospitalisation des victimes », déclare le commandant Magne. Ainsi, il ne s’agit plus d’assistance mais d’urgence. Le critère du Sdis 76 pour demander une contribution financière aux victimes ne s’applique plus. « Il faudrait alors se pencher sur le comportement des victimes pour déterminer si elles doivent être facturées ou non », envisage le colonel Maxime Koch, de la direction générale de la Sécurité civile (DGSCGC). En d’autres termes, il s’agit de voir si la personne secourue s’est mise dans une situation délicate malgré les avertissements, par imprudence, inexpérience, négligence ou même bêtise. « Analyser le comportement humain pour décider de maintenir ou non la gratuité, c’est ouvrir la boîte de Pandore », considère-t-il.

Pour les départements qui gèrent les finances des Sdis, la Cour des comptes et le gouvernement, la problématique du coût élevé des secours « relève de la conjoncture », car ils « cherchent des économies partout », explique à 20 Minutes un haut responsable qui souhaite rester anonyme. Selon lui, « c’est une question de fric et de priorités ».