Sébastien Lecornu, bon négociateur, ne remonte pas dans l’estime de Macron.
Sébastien Lecornu a remis sa démission au président de la République quatorze heures après l’annonce de son gouvernement, devenant ainsi le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont il a négocié l’adoption, se chiffre à une hausse de 40% par rapport à la précédente.
Discret et reconnu pour ses talents de négociateur, Sébastien Lecornu, loyal soldat d’Emmanuel Macron, est devenu lundi le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République, ayant échoué à consolider sa fragile coalition, ce qui enfonce encore davantage la France dans une impasse politique. Quatorze heures après l’annonce de son gouvernement, Sébastien Lecornu, 39 ans, a remis sa démission au président de la République, qui l’a acceptée.
De tous les gouvernements formés depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, ayant été ministre des Armées pendant plus de trois ans, il avait frôlé le poste de Premier ministre l’année dernière. Finalement, il a été nommé début septembre à la tête du gouvernement le plus éphémère depuis la création de la Ve République en 1958 par Charles De Gaulle, fondé précisément pour mettre fin à l’instabilité gouvernementale de l’époque. En succédant à François Bayrou, il avait promis des « ruptures » tant sur la forme que sur le fond, que les oppositions, notamment la droite ces derniers jours, estimaient ne pas constater.
Privé, comme ses prédécesseurs, de majorité à l’Assemblée nationale, Sébastien Lecornu avait assuré vouloir être « plus créatif », « plus sérieux dans la manière de travailler avec (les) oppositions ». Peu bavard, il avait principalement exercé son influence et tenté de négocier en coulisses, notamment avec les socialistes. Si le Parti socialiste (PS) avait salué sa décision de ne pas recourir à l’article 49.3 de la Constitution, permettant d’adopter un texte sans vote, il faisait toujours l’objet de menaces de censure en raison de ses refus concernant plusieurs de leurs demandes.
La nomination de son gouvernement, annoncée dimanche, a été retardée par les exigences des Républicains (LR, droite), son ancienne famille politique qu’il avait quittée pour rejoindre Emmanuel Macron. Les Républicains réclamaient davantage de garanties sur le fond, étant mécontents de la nomination de Bruno Le Maire aux Armées, mentor politique de Sébastien Lecornu, considéré comme responsable des importants dérapages budgétaires des dernières années.
À la tête du ministère des Armées (2022-2025), Sébastien Lecornu s’était distingué par ses négociations avec les parlementaires pour faire adopter, presque à l’unanimité, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, qui augmente de 40 % par rapport à la précédente, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Toutefois, un responsable du bloc central a tempéré cette réussite en affirmant que « ce n’est pas difficile » de faire passer un budget en hausse.
Concernant le budget, bien que son prédécesseur ait été accusé de dramatise la question de la dette, Sébastien Lecornu a récemment déclaré ne pas croire que le FMI soit « aux portes de Bercy », le ministère des Finances, tout en affirmant qu' »si nous ne faisons rien, le pays va s’étouffer à petit feu ». Originaire de Normandie, petit-fils d’un résistant, il a débuté sa carrière politique très jeune.
Il a commencé à droite, à l’UMP devenue Les Républicains, battant plusieurs records de précocité. Assistant parlementaire à 19 ans, il est devenu en 2008 le plus jeune conseiller dans un cabinet ministériel – celui de Bruno Le Maire aux Affaires européennes – puis, en 2015, le plus jeune président d’un département, l’Eure, après avoir été maire de Vernon. Propulsé au gouvernement à 31 ans, il a passé par plusieurs ministères : l’Écologie, les Collectivités, l’Outre-mer, puis les Armées.
Réserviste de la gendarmerie, amateur d’histoire, il a été élu sénateur en 2020 et avait exprimé son désir de rester aux Armées, mentionnant régulièrement l’action de son lointain prédécesseur Pierre Messmer, qui avait occupé ce poste sous le général de Gaulle. Bien qu’il soit resté discret dans les médias, il a attiré l’attention pendant la guerre en Ukraine, cherchant à orchestrer le « réarmement » du pays voulu par le chef de l’État et les garanties de sécurité que les Européens pourraient offrir à Kiev.

