COP30 : une traversée féministe de l’Atlantique, quel but ?
Le voilier « L’esprit d’équipe » a quitté Saint Nazaire à 6h15 le mercredi 8 octobre pour rejoindre le Brésil avec un équipage exclusivement féminin, dont Lucie Morauw, 24 ans. Lors de la COP29 à Bakou, au moins 1773 lobbyistes des énergies fossiles avaient été agréés, dépassant les délégations de certains pays comme l’Azerbaïdjan, le Brésil et la Turquie.
Il était seulement 6h15 ce mercredi 8 octobre lorsque le voilier « L’esprit d’équipe » a quitté Saint-Nazaire en direction du Brésil. À bord, un équipage belgo-français exclusivement féminin. Parmi elles, Lucie Morauw, 24 ans, originaire de Bruxelles, avoue être « nerveuse et apeurée » avant sa première expérience en mer.
Cinq autres militantes, chacune avec un parcours spécifique en antiracisme, écologie, droits humains, féminisme et jeunesse populaire, font également partie de l’équipe : Adélaïde Charlier, Coline Balfroid (chanteuse et vidéaste), Maïté Meeûs (Balance ton bar), Camille Etienne et Mariam Touré (cofondatrice de la Jeunesse populaire). Ensemble, elles incarnent une convergence des luttes et sont accompagnées de trois skippeuses expérimentées : Philippa Rytkönen (Finlande), Laura Blaauw (Pays-Bas) et Capucine Treffot (France), pour une navigation prévue de 30 à 40 jours.
Cependant, ce départ a failli ne jamais avoir lieu. Malgré la préparation du projet depuis janvier 2025, de nombreux obstacles ont entravé le processus. L’équipe a dû abandonner un premier puis un second voilier pour des raisons techniques et financières liées aux assurances. Le départ, initialement fixé au 2 octobre, a été repoussé suite à une avarie survenue fin septembre.
Heureusement, grâce au bouche-à-oreille et à la solidarité, un troisième voilier, « L’Esprit d’équipe », a pu être trouvé.
La COP30, prévue à suivre, sera accompagnée d’un Sommet des Peuples, événement citoyen axé sur les droits humains et le changement climatique. Lucie Morauw souligne : « Là, nous pourrons beaucoup plus discuter entre citoyens et personnes engagées. » Elle affirme également que la présence massive de lobbyistes lors des COP doit inciter les citoyens à une mobilisation significative. Lors de la COP29 à Bakou, 1773 lobbyistes des énergies fossiles avaient été recensés. Si ces lobbyistes avaient formé une seule délégation, ils auraient constitué l’une des principales équipes de négociation. Seules les délégations de l’Azerbaïdjan, du Brésil et de la Turquie étaient plus nombreuses.
« Les citoyens ont tout à fait leur place dans ce type de sommet, car ce sont eux qui subissent les conséquences et qui font bouger les choses dans leur pays », exprime-t-elle, dépitée. Sa consœur française, Camille Etienne, abonde dans son sens : « C’est pourquoi, avec beaucoup d’humilité, je me dis ‘je ne sais plus quoi faire’ et donc je vais aller là où on n’est pas invité. » Les six activistes pourront assister aux négociations des États membres, ayant été accréditées par leur délégation nationale respective.
Le Women Wave Project entend également rester actif durant les 30 jours de navigation. Lors de leurs escales aux Canaries et en mer, les militantes effectueront des prélèvements. L’équipage transporte des filtres à eau pour réaliser des analyses d’ADN environnemental en partenariat avec l’université de Montpellier. Camille Etienne apportera également des éprouvettes d’eau à analyser pour détecter les PFAS en milieu Atlantique, un prélèvement qui pourrait s’avérer symbolique en raison des protocoles stricts qui l’entourent.
À bord, les femmes militent pour faire entendre la voix de celles qui subissent davantage les conséquences du réchauffement climatique. Lucie Morauw déclare : « Nous voulons rappeler combien les femmes sont plus affectées par le réchauffement climatique que les hommes, alors qu’elles sont déjà sous-représentées dans les médias et les délégations. » Les statistiques soutiennent son propos : lors de la COP28, seules 34 % des délégations étaient composées de femmes, alors qu’elles représentent environ la moitié de la population mondiale.
Des études à travers le monde illustrent cette inégalité. Une étude de juin 2023, réalisée auprès de 190 000 femmes en Inde, au Pakistan et au Népal, révèle qu’une hausse de la température d’un degré entraîne une augmentation de 6,3 % des actes de violence conjugale, en raison de conditions de vie de plus en plus précaires. Les femmes enceintes souffrent également d’une augmentation des fausses couches et des accouchements prématurés.
En Asie du Sud-Est, une étude parue en novembre 2020 établit un lien entre les vagues de chaleur et les droits des femmes au Bangladesh. Les résultats montrent que les vagues de chaleur augmentent le risque de mariage pour les femmes, en particulier celles de 18 à 23 ans, qui se marient souvent avec des hommes moins éduqués. Certaines familles utilisent le mariage de leurs filles comme une stratégie pour faire face aux chocs climatiques.
En Europe, une étude néerlandaise de 2021 met en avant des facteurs physiologiques expliquant pourquoi plus de femmes décèdent lors des vagues de chaleur, tout en soulignant le besoin de recherches complémentaires.
La COP30, marquant un triste anniversaire dix ans après l’accord de Paris, se tiendra à l’entrée de la forêt amazonienne dans un contexte de catastrophes climatiques récurrentes et de dirigeants climatosceptiques. Néanmoins, les activistes restent engagés, Lucie Morauw espérant des avancées concrètes : « La phrase ‘phase out fossil fuel’ ainsi que de réels financements pour les pertes, préjudices et pour l’adaptation. »

