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Voiture électrique : « Revenir au bon sens » pour conserver votre thermique en 2035 ?

Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques en 2035 sur son territoire. En Europe, en 2024, le prix moyen d’une voiture électrique était de 63.000 euros, contre 37.000 euros en moyenne pour un véhicule thermique.

En tant que conducteur responsable, le 8 juin 2022 a probablement marqué le début de votre deuil concernant vos futurs véhicules. Ce jour-là, le Parlement européen a voté pour interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique d’ici 2035 sur son territoire, dans le but de réaliser ses ambitions écologiques. Repose en paix, pompe à essence, diesel, moteur rugissant et pots d’échappement crachant de la fumée noire sur nos routes.

Cependant, ne soyez pas trop éploré : vos futurs achats thermiques ne sont peut-être pas encore condamnés. Dix ans avant cette date fatidique, les pressions des différents constructeurs pour repousser ce délai s’intensifient. Ce mardi, c’est au tour du chancelier allemand de s’opposer fermement à l’idée de mettre fin aux moteurs thermiques d’ici 2035, en citant les difficultés d’une industrie automobile nationale en crise, touchant ainsi huit cent mille emplois directs en Allemagne.

Une approche « totalement idiote »

Alors, les voitures thermiques peuvent-elles survivre après 2035 ? « Cela représenterait un retour à la raison, déclare Eric Saint-Frison, consultant automobile. La volonté de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans le secteur automobile, est certainement louable, mais les moyens d’y parvenir sont complètement déplorables. » Il déplore notamment un changement trop brutal, d’une technologie entièrement fossile à une technologie totalement électrique en l’espace de quelques années, « sans évaluer si l’Europe dispose des ressources et des compétences nécessaires, ni sans examiner les conséquences sur une industrie cruciale pour le continent ».

Flavien Neuvy, directeur de l’observatoire Cetelem de l’automobile, souligne que les volumes de ventes demeurent trop faibles « avec des répercussions économiques et sociales désastreuses pour l’Europe ». Les ventes de voitures en Europe ont chuté de 17 % entre 2000 et 2025, alors que les ventes de véhicules chinois ont augmenté de dix fois depuis 2010. En 2024, le constructeur allemand Volkswagen a indiqué qu’il lui manquait plus de 500 000 ventes annuelles pour atteindre ses objectifs. Trente-cinq mille postes vont être supprimés d’ici 2030, et plusieurs usines sont menacées. Au début du mois de septembre, Ford a annoncé la suppression de jusqu’à 1 000 postes dans son usine de Cologne, tandis que Stellantis prévoit de placer des milliers d’employés en chômage partiel à travers l’Europe, encore une fois à cause de ventes insuffisantes.

Des chiffres de vente trop bas pour l’électrique

En France, les ventes de véhicules neufs ont chuté de 12 % au printemps 2025 par rapport à 2024. Les véhicules qui se vendent le mieux sont… les hybrides, loin toutefois des exigences pour 2035. Les ventes de véhicules 100 % électriques sont très en retard par rapport aux prévisions. En 2024, l’électrique représentait seulement 15,8 % du marché automobile européen, alors que ces ventes devraient atteindre entre 20 et 25 % pour respecter l’objectif de 2035.

Eric Saint-Frison poursuit : « La prépondérance de la Chine dans le secteur électrique a été sous-estimée. Aujourd’hui, l’Europe ne contrôle plus la chaîne de valeur : matières premières, technologies, production de batteries. » Selon le cabinet McKinsey, 85 à 90 % de la valeur ajoutée d’une voiture à moteur thermique en Europe est produite sur le continent, contre seulement 75 % pour les voitures électriques.

Les coûts finaux des véhicules sont bien supérieurs aux prévisions, « en raison de l’absence de progrès technologiques et techniques suffisants concernant l’électrique », précise l’expert. En 2024, en Europe, le prix moyen d’une voiture électrique s’élevait à 63 000 euros, contre 37 000 euros pour un véhicule thermique. Gaëtan Toulemonde, ancien analyste du marché automobile à la Deutsche Bank, constate une relation de cause à effet implacable : « Quand le prix augmente de 1 %, les ventes baissent de 1 %. »

Une clause de révision en 2026, voire avant

« Il y a pu avoir un faux pas initial de certains constructeurs européens. Lorsqu’on se sent plus fort que la concurrence, on favorise généralement des réglementations strictes, pensant qu’on peut tirer parti de cette situation », ajoute Gaëtan Toulemonde. Cependant, « tous les constructeurs réalisent qu’ils ont perdu, car le marché est tout simplement devenu plus petit qu’auparavant ».

Mettre fin aux moteurs thermiques semble donc pousser de nombreux constructeurs européens dans une impasse. Cela pourrait, peut-être, sauver vos futurs achats thermiques. « Il est nécessaire de reprendre des décisions raisonnables. Oui à l’électrique, en particulier pour les trajets urbains et de courte distance, mais il est également essentiel de conserver le thermique », estime Eric Saint-Frison. À la lumière de l’avancée des Chinois et de tous les défis exposés dans cet article, « il n’est pas encore trop tard pour agir, mais plus on attend, plus on perd notre savoir-faire. C’est maintenant ou jamais pour que l’Europe se réveille. »

« Une réglementation peut évoluer, tant qu’elle n’est pas entrée en application », assure Flavien Neuvy. Une révision de l’accord de 2035 est prévue pour 2026, mais plusieurs entreprises demandent à avancer cette date de révision. Le sort de votre thermique devrait bientôt être déterminé.