Belgique

Athlétisme : Hanne Maudens accuse son ancien entraîneur d’abus sexuels

Hanne Maudens a révélé avoir été victime d’un comportement inapproprié de la part de son ancien entraîneur, une figure emblématique de l’athlétisme belge. La Fédération d’athlétisme a reçu une plainte de l’athlète qui a été examinée par le parquet indépendant de la Ligue et classée sans suite, car « il n’y avait pas assez d’éléments pour aller plus loin ».

« La véritable raison pour laquelle j’ai quitté l’heptathlon, pourquoi j’ai été absente aussi longtemps et pourquoi je n’ai pas concouru à haut niveau, c’est parce que j’ai subi un comportement inapproprié de la part de mon ancien entraîneur, une figure emblématique de l’athlétisme belge« , a déclaré Hanne Maudens à nos confrères de Dag Alemaal, révélant ainsi les violences qu’elle aurait subies dans un entretien qui devait initialement porter sur son futur retour à la compétition et ses relations avec Nafissatou Thiam. Hanne faisait partie de la génération d’heptathlètes qui a marqué notre pays, aux côtés de Thiam et Vidts.

Qualifiée pour les Jeux Olympiques de 2021 dans l’épreuve du septuple, Hanne Maudens a soudainement changé de discipline et d’entraîneur, évoquant un burn-out, avant de se retirer du sport professionnel.

Ce serait la situation récente avec Nafi Thiam qui aurait poussée Hanne à sortir de son silence, car elle a déclaré avoir prévenu la Fédération des actes dont elle accuse son ancien entraîneur : « La Fédération d’athlétisme est au courant, mais elle a choisi de garder le silence. C’est pourquoi je suis si en colère de la façon dont ils traitent Nafi : je sais comment ils fonctionnent et à quel point ils traitent les gens de façon épouvantable. L’histoire de Nafi m’incite à révéler ma vérité. Cette histoire d’abus dure depuis cinq ans… »

Tout comme concernant son ancien entraîneur, les accusations d’Hanne Maudens envers la Fédération sont fortes : « Ils ont rejeté mes plaintes. La Fédération n’est pas affiliée au Tribunal Arbitral du Sport, où les plaintes pour dopage, discrimination sexuelle et comportement inapproprié peuvent être déposées. Ils n’ont donc pas à répondre de leurs actes et ont étouffé mon témoignage. »

Hanne se dit soulagée par la prise de parole de Nafi Thiam et espère un éveil collectif : « C’est bien qu’elle ait soulevé le problème. On ne nous écoute pas, nous les petits, mais Nafi peut avoir un impact. Croyez-moi : d’autres athlètes se révolteront. Ensemble, nous ferons en sorte que tous ces dirigeants de la fédération d’athlétisme laissent la place à des gens compétents. Ils sont tous aussi stupides les uns que les autres. Il n’y a aucune communication, tout est secret, et surtout : les athlètes ne sont jamais mis en avant.« 

Des abus sexuels et une emprise psychologique

© Belgaimage

« Bien avant les Jeux, j’avais commencé à travailler avec un entraîneur qui avait déjà acquis une solide réputation. Quelqu’un qui pouvait me guider vers les sommets. Mais les choses ont mal tourné avec cet homme« , explique Hanne.

Elle remet le contexte en précisant davantage les situations qu’elle aurait rencontrées : « Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est peut-être précisément mon fort caractère qui m’a entraînée dans cette histoire d’abus. J’étais hyper motivée et je voulais tant réaliser mes ambitions que l’entraîneur s’en est servi pour me pousser au-delà de mes limites. (…) Il faut se rappeler que j’avais à peine 21 ans. Si cela m’était arrivé aujourd’hui, je ne me serais pas entraînée longtemps avec cet homme. »

Une emprise psychologique et la peur se seraient progressivement installées : « Ce comportement inapproprié a débuté subtilement, par de petites choses. Par exemple, à un moment donné, il me forçait à manger très peu et devait vérifier mon poids chaque jour. Il hurlait après moi, me traitant de bonne à rien. C’est vraiment difficile pour une jeune femme de 21 ans ; cela mine la confiance en soi. Je devais m’entraîner constamment dans la douleur, sous une chaleur étouffante. Je supportais cela parce que je pensais qu’il avait mes intérêts à cœur. Son statut m’a placée sous son emprise. Peu à peu, j’ai commencé à avoir peur de lui. J’ai participé aux Championnats du monde à Doha avec un tibia cassé, j’y ai terminé onzième, mais je n’avais pas le droit de parler au médecin de l’équipe. »

Hanne évoque les abus sexuels dont elle accuse son ancien entraîneur : « Pendant mon stage en Afrique du Sud, mon kinésithérapeute n’était pas là, alors mon entraîneur a décidé de faire la kinésithérapie lui-même, dans l’appartement que nous louions. C’était tellement étrange. À un moment, j’ai dû enlever mon soutien-gorge de sport, pour une raison que j’ignore. Il m’a tenue de partout et a manipulé mon dos. Puis il m’a demandé de m’allonger par terre. Nous n’avions même pas de table de massage. Il s’est assis au-dessus de moi et m’a massé le dos. À partir de ce moment, je ne me souviens plus vraiment de ce qui s’est passé. Depuis ce jour-là, je vis ‘par fragments’ et j’ai refoulé ces ‘moments de massage’. Grâce à la thérapie du traumatisme, les détails émergent peu à peu.« 

Après avoir acquiescé à avoir été victime d’attouchements sexuels, Hanne confie ne plus se souvenir de tout : « Que s’est-il passé ensuite ? Combien de fois ai-je eu ce genre de massages ? Je suis en thérapie pour mon traumatisme. Je me demande toujours : pourquoi cet homme a-t-il investi tant de temps en moi, tout en me détruisant ? Je pense qu’il a profité de ma motivation extrême.« 

« J’étais envahie de doutes et je suis passée en mode survie. Mon corps a plongé dans la dépression. Je ne dormais plus et devais constamment aller aux toilettes. (…) Je pleurais sans arrêt et n’arrivais plus à me concentrer sur mes études. J’avais aussi des pensées noires. Plus rien n’y faisait. (…) Si je n’avais pas été une femme aussi forte, je ne serais peut-être plus là. Je peux à nouveau fonctionner à peu près normalement depuis deux ans, mais les trois années qui ont suivi Tokyo ont été – je vais utiliser un vilain mot – merdiques. Désolée, je ne peux pas dire autrement. J’ai été hospitalisée durant plusieurs mois, mais à part ma famille et mes amis, personne n’est au courant.« 

Le manque d’écoute dont Hanne dit avoir été victime l’a particulièrement affectée : « Après avoir renoncé à l’heptathlon des Jeux olympiques de Tokyo, soi-disant pour cause de burn-out, je suis soudainement devenue ‘cette athlète prometteuse qui a ruiné sa carrière en faisant des choix mauvais’. Oui, j’avais des problèmes de santé mentale, mais c’était à cause des abus. Et comme je ne pouvais pas en parler, je n’étais pas assez forte pour tenir tête à cet entraîneur. Je n’avais pas non plus les moyens financiers de porter une action en justice. J’ai entrepris toutes les démarches auprès de la fédération, avec un avocat et tout ce qui s’ensuit. Mais puisque je n’étais pas entendue, à aucun niveau, cela a cessé. Vivre un traumatisme est pénible, ne pas en être entendue l’est encore plus et est plus traumatisant.« 

« La Fédération d’athlétisme a voulu m’enterrer pour éviter que leur sport n’ait une mauvaise réputation. Je n’avais plus le droit de m’entraîner en Belgique avec un entraîneur fédéral ; j’ai commencé à m’entraîner en Allemagne et en Suède. Mais je ne laisserai pas cela se reproduire. Je vais m’en prendre à cet entraîneur et à la fédération. Dans le monde du sport, je n’ai qu’un seul soutien : Olav Spahl, le directeur du Comité olympique belge.« 

La ligue flamande d’athlétisme se défend d’avoir étouffé l’affaire

Le président de la Ligue flamande d’athlétisme, Gery Follens, a confirmé à Belga que l’organisation avait reçu une plainte de l’athlète. Il a précisé que le dossier avait été examiné par le parquet indépendant de la Ligue et classé sans suite, car « il n’y avait pas assez d’éléments pour aller plus loin« .

Il a nié que l’affaire ait été passée sous silence et a affirmé que la fédération avait fourni toutes les informations à la police. Le parquet du Limbourg a confirmé mardi que l’ancien entraîneur de Hanne Maudens faisait l’objet d’une information judiciaire depuis plus d’un an, évoquant une « potentielle atteinte à l’intégrité sexuelle dans une position d’autorité« .

L’enquête a été ouverte à la suite d’une plainte déposée à la police. Elle est actuellement menée par la Police judiciaire fédérale (PJF) du Limbourg, sous la direction du parquet limbourgeois. La présidente de la Ligue belge francophone d’athlétisme (LBFA), Jessica Mayon, s’est déclarée « choquée et scandalisée » dans un communiqué en réaction aux révélations de la sportive. « Je demande à tous les athlètes ayant rencontré des problèmes de me contacter afin de pouvoir les écouter et agir en conséquence« , a-t-elle ajouté.

Mme Mayon a précisé qu’elle n’était pas en fonction à la fédération à l’époque et qu’elle n’avait pas connaissance du dossier jusqu’à « la lecture de la presse du jour« . L’affaire a déjà pris une tournure politique, le parti Groen ayant demandé une enquête indépendante. Le député flamand Bogdan Vanden Berghe a sollicité une enquête sur le fonctionnement de Belgian Athletics (la fédération belge) auprès de la ministre flamande des Sports, Annick De Ridder.

Parallèlement à ses études en psychologie à l’Université de Gand, Hanne Maudens a repris les entraînements et espère parvenir à se qualifier pour les Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028.