Deux ans après les massacres du 7 octobre, quel avenir pour le Hamas ?
Les pourparlers entre Hamas et médiateurs se sont achevés lundi soir dans une « atmosphère positive ». Le Hamas, qui a perdu près de la moitié de ses combattants ces deux dernières années, a recruté entre 10 et 15.000 jeunes pour les remplacer.
Les discussions entre le Hamas et les médiateurs ont pris fin lundi soir dans une « atmosphère positive », selon un média égyptien. L’objectif initial des négociations indirectes en Égypte entre le Hamas et le gouvernement israélien est d’établir des bases concrètes pour le premier acte du plan : la libération de tous les otages dans le cadre d’un cessez-le-feu. En revanche, la suite des événements demeure incertaine.
Un des points du plan, rendu public par la Maison Blanche, stipule que le Hamas et d’autres factions doivent s’engager à ne pas jouer de rôle dans la gouvernance de Gaza. Toutefois, le Hamas n’accepte pas cette condition.
Est-il alors en mesure de se redéployer ? Près de la moitié des combattants du Hamas ont été tués au cours des deux dernières années, mais durant cette même période, entre 10 000 et 15 000 jeunes ont été recrutés pour remplacer les combattants décédés. Didier Leroy indique : « En termes de masse critique des forces vives, on a un phénomène de même taille qu’auparavant ». Bien que l’effectif reste stable, la qualité de ces ressources humaines est différente. Leroy évoque une chaîne de commandement très affaiblie et un leadership décapité. « On a surtout une force plus jeune, moins expérimentée, mais davantage enragée, puisqu’elle a récemment été endeuillée », souligne le chercheur de l’IRSD.
Concernant les ressources matérielles et logistiques du Hamas, tout dépend de l’angle d’analyse, d’après Didier Leroy : « Le Hamas était surtout une force de nuisance à travers son arsenal de projectiles, les roquettes, les missiles. Il est fort probable que l’écrasante majorité de ces éléments ait été détruite ou soient devenus inutilisables, car les stocks résiduels ne sont peut-être plus accessibles. »
« La force de nuisance qu’Israël redoutait avant le 7 octobre n’est plus présente ». Cependant, les armes automatiques et légères existent toujours. « Il y a un phénomène milicien encore présent, surtout dans Gaza City, qui peut continuer à opérer comme une force de guérilla ». Cela inclut la possibilité d’employer des dispositifs piégés, tels que des véhicules ou des portes explosives.
Les tunnels emblématiques du Hamas ont également subi de graves dommages. Avant l’attaque, le Hamas avait développé une stratégie de tunnellisation, créant un réseau souterrain complexe sous Gaza. Ce réseau, qui s’étendait sur toute la superficie des centres urbains de la bande, servait d’infiltration, abritant des postes de commandement et des dépôts d’armes. Actuellement, le réseau a été presque entièrement démoli. « Le réseau résiduel, qui peut encore être opérationnel, est réduit à sa portion congrue et se trouve essentiellement dans Gaza City », assure le chercheur de l’IRSD.
Suite à l’attaque du 7 octobre 2023, les forces israéliennes ont réussi à éliminer les principaux leaders du Hamas : Ismaël Haniyeh, le chef politique, et Yahya Sinwar, l’architecte des massacres. Toutefois, un autre homme émerge dans l’organisation : « le fameux Khalil El Hayya, qui est le chef des négociateurs », selon Didier Leroy. Il y a quelques semaines, il était la cible principale des frappes israéliennes sur Doha, au Qatar, mais il a échappé à l’attaque. Dans son entourage : Khaled Meshal, « un ancien leader très important du passé » qui a progressivement été mis de côté dans les années 2010.
De nombreux cadres ou anciens combattants du Hamas sont également incarcérés en Israël. Ils font l’objet de négociations pour les échanges d’otages en cours. Parmi eux, certains ont des peines particulièrement lourdes, allant jusqu’à la peine capitale, et pourraient être libérés dans les prochains jours, révèle Didier Leroy : « C’est parmi ces individus qu’on peut s’attendre à voir certaines figures émerger à nouveau. Ils ont des faits d’armes à leur actif, ils ont été emprisonnés en Israël », ce qui peut être une manière pour eux, dans le milieu du Hamas, de ‘gagner du galon’ et de diriger une nouvelle unité.
Sur la scène internationale, la question est de savoir qui pourrait permettre au Hamas, fragilisé, d’exercer une certaine pression dans les négociations en cours. Au cœur du conflit au Moyen-Orient, « l’axe de résistance » constitué par l’Iran et ses alliés régionaux soutenait le Hamas au moyen d’armements et de savoir-faire. « Or, c’est bien suite à l’initiative du Hamas du 7 octobre 2023 que s’est enclenchée une réaction en chaîne qui a affaibli chaque maillon de cet axe jusqu’à la matrice iranienne elle-même ». Concernant le soutien politique, deux acteurs étatiques demeurent derrière le Hamas, selon Didier Leroy : le Qatar et la Turquie.
Didier Leroy rappelle que tous les acteurs étatiques – membres de la Ligue arabe, tous les États membres de l’Union européenne et 17 autres pays – ont récemment co-signé une déclaration en amont de la conférence de New York visant à relancer la solution à deux États, condamnant « noir sur blanc » le Hamas.
Est-il envisageable que le Hamas renonce à la lutte armée ? Didier Leroy répond : « C’est difficilement imaginable, c’est le point le plus contentious. Je sais que Donald Trump a annoncé que le Hamas avait accepté le fameux plan, mais le Hamas a dit ‘oui’ très tôt dans la chronologie. Ils ont émis des réserves, notamment en ce qui concerne le statut des armes ». Le Hamas considère comme légitime de conserver des armes, notamment dans un contexte d’occupation prolongée. « Un cadre qui déborde donc largement le seul contexte des deux dernières années ».

