États-Unis : Chicago, « les gens ne veulent pas vivre en paix » malgré la police de l’immigration
Depuis un mois, plus de 1.000 personnes ont été arrêtées dans la région de Chicago dans le cadre d’une vaste opération fédérale visant, selon Washington, des réseaux liés à l’immigration illégale. À l’Université de l’Illinois à Chicago (UIC), la direction a réactivé sa page « Know Your Rights » (« Connaissez vos droits » en bon français), invitant personnels et étudiants à prévenir la police du campus en cas de présence d’agents fédéraux et à refuser tout contact sans mandat.
Depuis un mois, plus de 1.000 personnes ont été arrêtées dans la région de Chicago dans le cadre d’une vaste opération fédérale visant, selon Washington, des réseaux liés à l’immigration illégale. Toutefois, parmi les interpellés se trouvent des citoyens américains, des enfants et des résidents en règle de la ville récemment désignée par Condé Nast comme « meilleure grande ville » des États-Unis.
Les agents du département de la Sécurité intérieure ont déployé des moyens rappelant une opération militaire : hélicoptères Black Hawk, gaz lacrymogènes, véhicules banalisés et descentes nocturnes. Une vidéo publiée par la secrétaire d’État à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, montre des agents masqués, armés, forçant des portes au bélier, accompagnés d’une musique digne d’un film hollywoodien. Sur CNN, le gouverneur démocrate de l’Illinois, JB Pritzker, dénonce une dérive et affirme que les autorités « transforment la ville en zone de guerre ». La réponse locale s’organise : plaintes, consignes aux étudiants, rappel des « zones protégées » et vigilance accrue à l’approche d’événements majeurs.
Connaître ses droits
Différentes pratiques suscitent la contestation. Dans le sud de la ville, une opération a mobilisé des camions banalisés et un hélicoptère, avec des agents descendus en rappel pour effectuer des contrôles porte à porte, entraînant la mise sous menottes d’enfants et de citoyens américains avec des colliers de serrage. Ailleurs, l’utilisation de gaz lacrymogènes ou de fumigènes près d’une école a conduit à une mise en « lockdown » de l’établissement, où les élèves ont été maintenus à l’intérieur, tandis qu’une élue de Chicago, Jessie Fuentes, dit avoir été menottée à l’hôpital après avoir demandé à voir un mandat.
Alors que la semaine des examens de mi-semestre débute, l’anxiété s’installe sur les campus. En banlieue de Chicago, Astrid*, une Française naturalisée américaine vivant dans la région depuis plus de vingt ans, constate une montée de la tension. « Vendredi, l’université de mon fils a rappelé aux étudiants que s’ils craignaient les services d’immigration, ils pouvaient rester chez eux et que les professeurs s’arrangeraient. »

À l’Université de l’Illinois à Chicago (UIC), la plus grande de la ville avec 33.000 étudiants (dont 8 % viennent de l’étranger), la direction a réactivé sa page « Know Your Rights » (« Connaissez vos droits » en français). Elle encourage le personnel et les étudiants à alerter la police du campus en cas de présence d’agents fédéraux et à refuser tout contact sans mandat. « Il est important que vous connaissiez vos droits, quel que soit votre statut migratoire », indique la page.
« Pris pour des sans-papiers à cause de la couleur de leur peau »
« Les amis de mon fils, beaucoup issus de familles hispaniques mais nés ici, se déplacent avec une photo de leur passeport américain », raconte Astrid. « Ils craignent d’être pris pour des sans-papiers juste à cause de la couleur de leur peau. »
Elle-même connaît des familles naturalisées américaines qui demandent à leurs enfants de garder leur passeport sur eux, « par sécurité ». « C’est injuste qu’ils aient à se justifier pour exister. Les jeunes ont déjà assez de stress avec leurs études, ils n’ont pas besoin de cela », s’indigne Astrid.

Ville sanctuaire
« On sait pourquoi Chicago a été choisie, c’est une ville sanctuaire », souligne Astrid. « On verra comment se passent les prochains jours. » Le terme « ville sanctuaire » signifie que la police locale ne collabore pas avec l’immigration fédérale concernant le statut migratoire. Cela n’empêche pas les fédéraux d’intervenir. Le maire de la ville a dû rappeler lundi que certains espaces, comme les écoles, les hôpitaux et les églises, sont considérés comme zones protégées, où les agents fédéraux ne sont pas supposés intervenir. « Les gens veulent juste vivre en paix », soupire Astrid.
À quelques jours du marathon de Chicago prévu ce week-end, la population craint de nouveaux incidents. De plus, à l’approche du No Kings Day, une journée de manifestations le 18 octobre, beaucoup hésitent à sortir. « Les gens se soutiennent, mais chacun a peur de ce qui peut arriver », confie la Française. « Je connais de nombreuses personnes qui aimeraient participer, mais qui réfléchissent à deux fois par crainte des représailles. »
Une crise politique nationale
Dans ce contexte, 200 soldats de la Garde nationale du Texas doivent se déployer dès mercredi autour de Chicago, tandis qu’environ 300 militaires de l’Illinois se tiennent prêts, selon un responsable militaire américain.
Officiellement, ces troupes n’auront pas de prérogatives de police : elles doivent appuyer les opérations des agents fédéraux de l’immigration (sécurisation, logistique). Des responsables locaux dénoncent une « invasion inconstitutionnelle » ordonnée par Donald Trump. Une audience fédérale est prévue jeudi.
* Le prénom a été modifié.

