Des maires de petites communes s’insurgent contre les frais XXL.
Jean Menvielle, maire depuis trente-cinq ans de Verlus, petit village de 300 habitants dans le Gers, a déclaré qu’il n’a pas de notes de frais et prend uniquement la moitié de son indemnité de maire. Kristina Leinen, maire du village de 195 habitants de Bébing, a affirmé qu’ils n’ont pas de frais de représentation et qu’elle ne prend même pas de note de frais pour ses déplacements.
Loin des plateaux de BFM TV et des mairies parisiennes, Jean Menvielle, maire depuis trente-cinq ans de Verlus, un petit village de 300 habitants dans le Gers, s’étonne des polémiques autour des notes de frais. « Quand j’ai vu ça, ça m’a bien fait rire. Moi je n’en ai même pas », déclare cet agriculteur au fort accent. « Je prends la moitié de mon indemnité de maire et cela couvre à peine mes frais », avoue-t-il. Les 35.779 euros dépensés par Jeanne d’Hauteserre, maire LR du 8e arrondissement de Paris, pour des vêtements de luxe lui semblent totalement incongrus. « C’est moi qui m’occupe de l’entretien du cimetière, des pelouses, des accotements avec mon matériel. Quand tu vois ça à Paris, on vit vraiment dans un monde différent. »
Un constat similaire vient de Bébing, en Moselle. « Trente-cinq mille euros utilisés… Je trouve ça démesuré, voire choquant », réagit Kristina Leinen, maire du village de 195 habitants. « Nous, ici, on n’a pas de frais de représentation. On n’a même pas de note de frais du tout. Ça ne passerait même pas par la tête. » Cela inclut même ses déplacements en voiture en tant qu’élue. À l’instar de Jean Menvielle, elle réclame plus de transparence : « Il faut vraiment une mesure de transparence sur les notes de frais pour éviter des abus. »
Dans sa commune de 700 habitants, un maire, qui préfère garder l’anonymat avant les élections municipales de 2026, est tout aussi modeste : « Mes déclarations de frais sont publiques. Je n’ai rien à cacher. Je ne prends rien en déplacement sauf pour le Congrès des maires. Globalement, en note de frais, je suis à 2.000 euros en quatre ans. » Concernant les vêtements, cela ne lui traverse même pas l’esprit. « Je n’ai pas de frais de représentation », précise-t-il. Selon l’article L2123-19 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), c’est au « conseil municipal (de) voter, sur les ressources ordinaires, des indemnités au maire pour frais de représentation. » Maire-info.com ajoute : « Et c’est tout : ni plafond, ni barème, ni précisions sur le champ des dépenses que peuvent couvrir ces indemnités. » « On est une grande partie des maires à ne pas les demander, reprend cet élu. On est déjà assez bien payé pour ça. On peut quand même s’acheter nos propres vêtements. » Cela fait écho aux 84.200 euros de frais de représentation enregistrés par Anne Hidalgo entre 2020 et 2024, incluant des robes Dior à 6.320 euros et un manteau Burberry à 3.067 euros.
« Ici, on n’est pas au niveau de madame Hauteserre. Ses déclarations m’ont d’ailleurs profondément choqué, aussi bien pour la forme que pour le montant des vêtements », renchérit Ronan Loas, maire depuis douze ans de Ploemeur dans le Morbihan, une commune de plus de 18.000 habitants. Il est transparent sur ses dépenses : « Sur mon mandat 2020-2026, on a une moyenne de 62 euros par mois de notes de frais s’il faut étaler. Ces notes ne concernent que des réunions de travail le midi pour la nourriture. Et depuis deux ans, plus rien : je mange chez moi. » En 2022, il a dépensé 1.500 euros, précise ce comptable de formation.
« Pour les déplacements, pour l’instant, j’en compte trois liés à ma fonction : en Ukraine, lors d’une rencontre pour un jumelage en Belgique et pour le Congrès des maires. Sur aucun de ces déplacements, je n’ai pris de notes de bouche. Sauf une fois, sur une aire d’autoroute pour un casse-croûte en rentrant de Belgique. » Tout est voté et affiché sur le site de la mairie, souligne-t-il.
Les grandes villes, en revanche, dérapent. Anne Hidalgo a riposté aux critiques en publiant les frais des 17 maires d’arrondissement, faisant état de dépenses comme du champagne, des lampes anti-odeur, ou encore des jeux de société et un pantalon de ski. « C’est ridicule. Après, on nous dit qu’il y a 20.000 communes en trop, que ça coûte cher alors que c’est nous les petites qui sommes menacées alors qu’on coûte le moins cher », s’irrite le maire de Verlus.
À Lyon, Alexandre Dupalais (RN) ironise sur X : « Tout le monde fait comme si le problème des notes de frais des élus ne concernait que Paris alors que les Lyonnais paient aussi les virées shopping de Grégory Doucet. Avec près de 10.000 euros par mois d’indemnités, M. Doucet pourrait peut-être se payer ses cravates ? »
À Toulouse, Jean-Luc Moudenc aurait cumulé 20.750 euros entre 2020 et 2022 pour des hôtels de luxe, des plats d’escargots et des transports, selon Médiacités. « On est vraiment, mais vraiment, très loin de ça. On essaie juste de faire au mieux notre travail d’élu avec les moyens qu’on nous donne. On n’est pas là pour profiter de l’argent du contribuable », dénonce un maire d’une île bretonne.

