Djihad en Syrie : Première historique d’une Française jugée pour génocide à Paris
Sonia Mejri, revenante de Syrie, sera entendue lors d’assises à Paris pour le crime de génocide concernant les Yazidis, minorité ethno-religieuse kurdophone, ainsi que pour d’autres infractions terroristes et pour complicité de crimes contre l’humanité. En mai, la Cour de cassation avait considéré qu’il était possible d’être poursuivi pour génocide en s’en prenant à un seul membre d’un groupe faisant l’objet d’« un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle ».
Pour la première fois en France, une femme sera jugée pour le crime de génocide. Sonia Mejri, revenue de Syrie, sera entendue lors d’assises à Paris, qui s’annoncent historiques suite à la non-admission de son pourvoi. Cette dernière conteste avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie au printemps 2015.
D’après des sources proches du dossier, Sonia Mejri, âgée de 36 ans, sera la première revenante française de Syrie à comparaître en France pour génocide sur les Yazidis, une minorité ethno-religieuse kurdophone. Elle sera également la première Française à être jugée pour ce crime, qui peut entraîner une réclusion criminelle à perpétuité. Elle comparaîtra en détention devant la cour d’assises spéciale à Paris, à une date qui reste à déterminer, et sera aussi jugée pour d’autres infractions terroristes ainsi que pour complicité de crimes contre l’humanité.
Un de ses avocats, Me Nabil Boudi, a déclaré que « l’innocence de ma cliente sera prononcée par les juges du siège » lors du procès. Une juge d’instruction antiterroriste à Paris avait initialement ordonné en septembre 2024 ce procès pour Abelnasser Benyoucef, un émir de l’État islamique (EI), et son ex-épouse Sonia Mejri, les soupçonnant d’avoir réduit en esclavage une Yazidie de 16 ans au printemps 2015.
Le magistrat avait justifié que Benyoucef « savait qu’en acquérant » l’adolescente et en la soumettant à un enfermement, à des viols répétés et à des privations sévères, il participait à l’attaque orchestrée par l’EI contre la communauté yézidie. Sonia Mejri était décrite comme « garante de l’enfermement » de la jeune Yazidie, détenant la clé de l’appartement et portant, selon l’ordonnance de mise en accusation, une arme pour l’empêcher de fuir. L’accusation lui reprochait notamment des « atteintes graves à l’intégrité physique et psychique » de l’adolescente, soumise à des conditions de vie pouvant mener à la destruction de sa communauté.
Cependant, la cour d’appel de Paris avait partiellement infirmé en janvier ce renvoi, considérant qu’il fallait plusieurs victimes pour retenir le crime de génocide. Me Boudi a commenté que « les magistrats de la cour d’appel n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les charges, c’est dire la fragilité et la faiblesse de l’accusation ».
En mai, la Cour de cassation a statué que l’on pouvait être poursuivi pour génocide en s’en prenant à un seul membre d’un groupe dans le cadre d’un « plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle ». La chambre de l’instruction a finalement validé début juillet ces poursuites pour génocide, avant le feu vert définitif en cassation le 1er octobre.
Les violences sexuelles ont été utilisées par les djihadistes de l’EI comme des armes afin de briser la résistance des Yazidis et d’instaurer un climat de peur généralisé, voire la création de marchés aux esclaves sexuelles.
La parole de la victime est centrale dans ce dossier. Son avocat, Romain Ruiz, n’a pas souhaité faire de commentaires pour le moment. Retrouvée par les enquêteurs, elle a déclaré avoir été séquestrée pendant plus d’un mois au printemps 2015 en Syrie, n’ayant pu ni boire, ni manger, ni se doucher sans l’autorisation de Sonia Mejri. Elle a également accusé cette dernière de l’avoir violentée et d’avoir été au courant des viols quotidiens perpétrés par son mari. Son témoignage rejoint de nombreux rapports d’associations décrivant la stratégie de l’EI contre les Yazidis : marchés aux esclaves, mise en place d’un « département des butins de guerre », etc.
Sonia Mejri a contesté toute infraction liée à la jeune Yazidie, affirmant que son ex-mari en était le « propriétaire » et qu’elle n’avait « aucun droit » sur elle. « La défense a multiplié les recours. La Licra se satisfait que ce procès pour génocide […] puisse enfin se tenir », a précisé Me Ilana Soskin, avocate de l’association. Abel Nasser Benyoucef, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt et qui est présumé mort depuis 2016, sera jugé par contumace en tant qu’auteur de génocide, de crimes contre l’humanité et pour des infractions terroristes.

