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Netflix : Analyse du programme « Pour le meilleur est à l’aveugle » en France

La nouvelle émission de téléréalité Pour le meilleur et à l’aveugle, lancée début septembre sur Netflix, a tiré sa révérence ce dimanche 5 octobre. Judith Duportail explique que « les femmes sont toujours dans une posture passive » et que la stratégie du slut-shaming employée par Sarah représente un biais inscrit dans la société.


Lancée début septembre sur Netflix, la nouvelle émission de téléréalité *Pour le meilleur et à l’aveugle*, la version française tant attendue de *Love is Blind*, a pris fin ce dimanche 5 octobre. Attention, spoilers à venir… Parmi tous les couples formés lors du tournage, aucun n’a survécu à la vie quotidienne. Ce format, qui transpose l’expérience sociale américaine en France, agit néanmoins comme un reflet de nos habitudes amoureuses.

En France, pays de passions et de baisers, l’idée de s’engager à l’aveugle semble contre nature. Pourtant, ce programme, avec ses rencontres dans des capsules, met en lumière une réalité actuelle : dans un pays où plus de 50 % des 18-35 ans utilisent des applications de rencontre, la « dating fatigue » est bien présente et les traditions de genre restent profondément ancrées.

### Quand l’urgence biologique mène au slut-shaming

Il est impossible de parler de cette émission sans revenir sur une scène particulièrement critiquée. Sarah, prétendante de Charles, s’engage dans un comportement risqué : le slut-shaming. Elle pointe du doigt Sarah, qui discute également avec le même homme. Son grief ? Avoir exprimé ses désirs et avoir été choisie par l’homme en question. Si l’on peut y voir un cruel manque de sororité, Judith Duportail soulève une problématique plus profonde et sociétale. « Les femmes sont toujours dans une posture passive. Encore aujourd’hui, c’est aux hommes de prendre les devants et d’être en position de force dans une relation », explique la journaliste et autrice. « L’attaque de Sarah devient une stratégie, elle utilise cette carte dans un jeu qui leur a été imposé. C’est la stratégie du désespoir. » Les participantes abordent souvent la situation avec une vulnérabilité assumée, tandis que les hommes optent pour une approche plus calculée, pesant leurs options comme un investissement.

Cette technique illustre bien notre époque : alors que les hommes peuvent vieillir tranquillement et, même à 60 ans, avoir des enfants, les femmes sont confrontées à l’urgence de leur horloge biologique. « C’est une pression mentale qui crée une posture encore plus pénible. » conclut Judith Duportail. Au lendemain du mouvement #MeToo, on célèbre l’empowerment, mais l’émission révèle que ces schémas de genre, ancrés dans nos mœurs, résistent aux expériences contemporaines, rappelant discrètement nos progrès encore inachevés.

### Le poids des ex

Isolés dans leurs capsules en Suède, sans accès à leurs téléphones ni à leur famille, les célibataires n’ont d’autre choix que de s’ouvrir et de se confier. La magie opère souvent et ils trouvent une personne avec qui poursuivre l’émission. Le problème surgit lorsque l’aventure s’ouvre vers l’extérieur : ils récupèrent leurs téléphones, et donc l’accès aux réseaux sociaux. Le passé de chacun est alors accessible. Van-My, ostéopathe réservé, a eu du mal à s’ouvrir au début mais a finalement fait découvrir ses ex à Sabrina, sa fiancée. Le physique de ces dernières a quelque peu déstabilisé la jeune femme, qui a alors utilisé des mots durs, un brin violents.

Mais qui pourrait condamner Sabrina ? Il est fréquent de vouloir voir les anciens partenaires pour évaluer les raisons de se méfier. D’autant plus qu’aujourd’hui, avec la diversité des types de relations – relations régulières, *sexfriends*, coups d’un soir… – « il est plus difficile de savoir qui est un ex ou non. Cela engendre de nombreuses rivalités et beaucoup de souffrances », note Judith Duportail. Sans oublier qu’avec les réseaux sociaux, accéder aux souvenirs et photos d’un passé amoureux est devenu très facile, entraînant un stress, car par exemple, Instagram ne permet pas d’effacer totalement ces souvenirs.

On pourrait penser que le programme met en lumière le pire de nous-mêmes : la peur de l’abandon, le stress de fonder une famille, tout en devant composer avec l’avis de la famille, plus ou moins bienveillant. Néanmoins, il est réjouissant de constater que l’amour suscite encore de l’enthousiasme, comme en témoigne le succès du programme. « Il y a quelque chose de beau à vivre ce moment où un destin peut basculer. On souhaite voir cette magie opérer », conclut l’autrice de *Amour sous algorithme*.