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De la dissolution à la démission de Lecornu : comment la France y est-elle parvenue ?

Le 9 juin 2024, le parti d’extrême droite Rassemblement National a obtenu 31,7% des voix lors des élections européennes, tandis que le camp présidentiel a recueilli 14,6% et la gauche morcelée 23,72%. Emmanuel Macron a nommé François Bayrou (MoDem) Premier ministre le 13 décembre 2025, après la démission de Michel Barnier et dans un contexte politique sans majorité évidente.

9 juin 2024 : l’extrême droite française arrive en tête lors des élections européennes

Près de deux ans après les élections législatives de 2022 durant lesquelles la majorité présidentielle a perdu sa majorité absolue, les regards sont tournés vers les élections européennes. Le 9 juin 2024, bien que seulement 51 % des Français aient voté, le résultat est indiscutable : le parti d’extrême droite Rassemblement National est le grand vainqueur avec 31,7 %, suivi du camp présidentiel à 14,6 % et de la gauche divisée à 23,72 %.

Ce résultat envoie un message fort, semblable à celui de l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002, qui révèle la division de la société française face au gouvernement d’Emmanuel Macron.

Le président français prend note de cette lourde défaite et déclare avoir « entendu votre message, vos préoccupations et je ne les laisserai pas sans réponse« . Il juge nécessaire un « temps de clarification indispensable » et annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, prévoyant de nouvelles élections législatives.

Cela témoigne d’une volonté de redonner la parole au peuple français, mais également d’un coup de poker d’Emmanuel Macron. Bloqué par un gouvernement minoritaire devant constamment négocier avec d’autres formations politiques de gauche et de droite, il espère un regain de soutien de la population pour retrouver une majorité absolue ou constituer un bloc plus conséquent à l’Assemblée.

Cependant, cette stratégie, après trois semaines de campagne électorale, se soldera par un échec.

7 juillet 2024 : une France divisée

L’hémicycle se divise en trois blocs. Aucun d’entre eux ne possède de majorité absolue, soit 289 des 577 sièges. Leur poids, relativement égal, ne permet pas non plus de créer un moteur potentiel d’une majorité.

Juillet à septembre 2024 : Attal à la tête d’un gouvernement démissionnaire

Suite aux élections législatives, le Premier ministre Gabriel Attal présente sa démission au Président de la République. Emmanuel Macron refuse cette démission et maintient Attal à la tête d’un gouvernement démissionnaire « afin d’assurer la stabilité du pays« , dans l’attente de la nomination d’un nouveau Premier ministre.

Le temps des tractations commence, entrecoupé par une « trêve politique » durant les Jeux Olympiques de Paris.

Le président Emmanuel Macron sera-t-il contraint d’opter pour la cohabitation ? La gauche, arrivée première lors des élections, demande le poste de Premier ministre à Matignon, envisageant Lucie Castet. Cette option est rapidement écartée par le président.

Vers qui se tourner alors ? Plusieurs options sont rapidement écartées : les extrêmes, comme le Rassemblement National à droite, ainsi que La France Insoumise à gauche, sont exclues des plans présidentiels.

Cependant, le clan présidentiel se tourne vers des partenaires plus modérés, incluant les socialistes et les écologistes à gauche, ainsi que Les Républicains à droite, un parti en crise suite à la volonté de son ancien président, Eric Ciotti, de s’allier avec le RN.

Après une réflexion prolongée de près de trois mois depuis les élections, Emmanuel Macron choisit Michel Barnier, député LR et ancien commissaire européen en charge de la négociation du Brexit, comme nouveau Premier ministre. Barnier est perçu comme une figure consensuelle susceptible de rassembler à droite comme à gauche.

C’est donc une coalition de « socle commun » qui se forme autour de Michel Barnier : un gouvernement minoritaire fragile entre le clan présidentiel et les Républicains. Avec 210 sièges sur 577, cette majorité relative devra conclure des accords avec des députés ou des groupes extérieurs, ou encore engager la responsabilité du gouvernement pour faire passer des textes en recourant à l’article 49 alinéa 3 de la constitution, tout en risquant une motion de censure.

Septembre à décembre 2024 : le gouvernement Barnier trébuche sur le budget de la sécurité sociale

Décembre 2024 à septembre 2025 : le gouvernement Bayrou ne convainc pas

À la suite de la démission du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron se voit contraint, pour la troisième fois en moins d’un an, de nommer un nouveau Premier ministre.

Dans une France toujours fracturée et sans majorité claire, le casse-tête institutionnel persiste. En proie à une crise politique majeure et confronté à de nombreuses difficultés pour établir un budget, le nouveau Premier ministre devra faire preuve de consensus.

Emmanuel Macron nomme finalement François Bayrou (MoDem) à Matignon le 13 décembre 2025. Contrairement à son prédécesseur, Bayrou se positionne au centre. Candidat à plusieurs reprises à la présidence, il a toujours refusé de donner ses voix à la droite au second tour (notamment à Sarkozy en 2007), avant de soutenir Emmanuel Macron dès 2017.

Néanmoins, le Nouveau Front Populaire ne sera encore une fois pas intégré, tout comme l’extrême droite. Les socialistes demandent à François Bayrou de s’engager à abandonner le 49.3 et à procéder à une « réorientation de la politique gouvernementale » en échange d’un accord de non-censure.

Le nouveau gouvernement sera donc composé du clan présidentiel et des Républicains, ce qui marque une renaissance de ce dernier avec l’entrée de figures de droite plus marquées : Bruno Retailleau à l’Intérieur, Rachida Dati à la Culture.

Cependant, un peu plus de huit mois après, le gouvernement vacille à l’approche des discussions budgétaires. François Bayrou propose, entre autres, la suppression de deux jours de congé pour équilibrer les comptes publics, ce qui provoque une forte réaction de la gauche. Il demande un vote de confiance à l’Assemblée Nationale.

Face à une forte opposition et à la fragilisation du « socle commun » (les Républicains ayant la liberté de vote et n’ayant pas soutenu la coalition à l’unanimité), le gouvernement ne reçoit pas la confiance de l’Assemblée, un fait sans précédent sous la Ve République.

François Bayrou remet donc sa démission à Emmanuel Macron le 9 septembre dernier.

Septembre-octobre 2025 : un record pour Lecornu, dans une France qui semble ingouvernable

Emmanuel Macron fait face à un nouveau défi pour stabiliser et consolider les différents blocs politiques autour de son projet.

Après Michel Barnier et François Bayrou, le président français mise sur un homme de confiance, Sébastien Lecornu, ancien ministre des Armées, propulsé à Matignon le 9 septembre. Son objectif est de maintenir la fragile coalition avec la droite et d’ouvrir un dialogue avec les socialistes pour élargir sa base.

Sébastien Lecornu a présenté une partie de son nouveau gouvernement qui, cependant, ne convainc pas. À gauche, l’absence de nouveauté est critiquée. À droite, la situation est tout aussi délicate. Bien que les Républicains Rachida Dati et Bruno Retailleau restent en fonction, ce dernier a tweeté peu après l’annonce que « la composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise« . Cela marquerait le début de la fin de son mandat.

Au sein du socle commun, des voix s’élèvent pour signaler que Lecornu n’a pas fait d’engagements suffisants, notamment sur l’immigration. Le retour de l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, jugé responsable de la situation budgétaire, ne fait qu’aggraver la tension au sein des Républicains.

Ce lundi matin, Sébastien Lecornu présente sa démission à Emmanuel Macron, seulement 27 jours après sa nomination et moins de 24 heures après l’annonce de son gouvernement. Il devient ainsi le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République, entraînant la France dans une crise politique sans précédent.

Quelles options pour Macron ?

Emmanuel Macron se retrouve donc à nouveau à la case départ, pour la sixième fois depuis sa réélection en 2022. Il doit à nouveau nommer un nouveau chef de gouvernement ou envisager d’autres options. Le temps presse car un budget doit être trouvé d’ici le 13 octobre, soit dans une semaine, conformément au calendrier de la procédure budgétaire.

Après les échecs de Barnier, Bayrou et Lecornu, il semble peu judicieux pour le président français de choisir à nouveau un Premier ministre issu du « socle commun », qui semble avoir implosé avec l’échec de ce bref gouvernement.

L’option la plus probable pour Emmanuel Macron et son clan serait de nommer un Premier ministre de gauche, qui réclame ce poste depuis sa victoire aux élections législatives de 2024. Cette nomination pourrait s’accompagner d’une coalition avec les socialistes et les écologistes. Cependant, cela risquerait de déplaire à la droite, ce qui pourrait entraîner un abandon du soutien envers le clan présidentiel, sans garantir pour autant une majorité à l’Assemblée.

Autre possibilité, bien que peu probable, Emmanuel Macron pourrait choisir de démissionner, moins de deux ans avant la fin de son second mandat présidentielle, prévue pour mai 2027. Il avait jusqu’à présent écarté cette option à plusieurs reprises.

Une chose est sûre, l’attention se concentre désormais sur le président français. À l’heure actuelle, le président a de nouveau demandé au Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu de mener « d’ultimes négociations » d’ici « mercredi soir« .

L’ancien ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, dont la nomination au ministère des Armées a contribué à la démission de Sébastien Lecornu, a annoncé renoncer à participer au gouvernement pour « permettre la reprise des discussions« .

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