Démission de Sébastien Lecornu : la dissolution est-elle l’unique option d’Emmanuel Macron ?
Sébastien Lecornu a été contraint de démissionner trois jours après sa nomination en tant que Premier ministre. Plusieurs élus estiment que des législatives anticipées ne changeraient pas fondamentalement la crise politique actuelle.
«On va y arriver», avait déclaré Sébastien Lecornu, vendredi, lors de l’une de ses rares interventions en tant que Premier ministre. Trois jours plus tard, le chef du gouvernement, nouvellement nommé, a dû remettre sa démission. «Les conditions n’étaient plus remplies…», a-t-il regretté, abattu, aux alentours de 11 heures, lundi matin, sur le perron de Matignon. Pouvait-il en être autrement, alors que son propre ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, menaçait de faire voler en éclats la coalition gouvernementale ?
Dans un nouvel rebondissement, le président de la République a demandé dans la soirée à son Premier ministre démissionnaire de mener «d’ultimes négociations» d’ici «mercredi soir», afin d’aboutir à une «plateforme d’action» pour la «stabilité du pays». Cela suffira-t-il à éviter la piste de la dissolution ?
Trois Premiers ministres ont déjà été balayés par la crise engendrée par la dissolution inopinée de l’Assemblée nationale en juin 2024. Cette fois, le gouvernement Lecornu n’aura duré qu’une douzaine d’heures, un record pour la Ve République. «C’est le bordel, franchement, je suis estomaqué. Les oppositions voulaient le chaos, cette fois, elles l’ont…», soupirait en matinée François Patriat, le chef des sénateurs macronistes. «Est-ce qu’il faut maintenant nommer un Premier ministre de gauche ? Pourquoi pas, on verra bien ce qu’ils font…», ajoutait ce proche d’Emmanuel Macron, alors que plusieurs responsables de gauche pressaient le chef de l’État d’appeler le NFP à gouverner. «Hors de question», prévenait cependant Bruno Retailleau, le patron de LR.
Finalement, le président de la République a décidé de tenter le tout pour le tout avec le même Sébastien Lecornu. L’annonce de Bruno Le Maire, qui annonçait ce lundi soir sur X son renoncement à participer au gouvernement, sera-t-elle suffisante pour convaincre la droite de revenir au bercail ? Un peu plus tôt, Marine Le Pen ne voyait qu’une seule issue pour sortir de la crise : «Il n’y a pas de solution, il n’y en aura pas demain : j’appelle le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale», tonnait la triple candidate Rassemblement national à la présidentielle. «C’est la seule décision sage […] la farce a assez duré».
Une dissolution demandée par plusieurs responsables de gauche, comme le leader du PCF Fabien Roussel. Cette possibilité était désormais évoquée ouvertement chez Les Républicains. «Nous n’avons rien à redouter pour nous-mêmes d’une dissolution» et des législatives anticipées, affirmait le vice-président des Républicains François-Xavier Bellamy lundi matin sur France Inter.
Une dissolution serait un pari très risqué pour le chef de l’État, qui avait déjà fait perdre à son camp près d’une centaine de sièges au Palais Bourbon en 2024. «Je n’ai rien contre une dissolution, et s’il faut perdre nos postes, on les perdra. Mais derrière ça, ça aboutirait à quoi ? Je ne vois pas se dégager une majorité, ça ne réglerait rien», observait Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. «Si la situation est aussi pourrie, c’est que tout le monde a déjà en tête la présidentielle», déplorait l’élu centriste.
Plusieurs élus estiment que des législatives anticipées ne changeraient pas fondamentalement la crise politique actuelle, puisqu’elles pourraient reconstituer peu ou prou les trois forces existantes au sein de l’hémicycle (bloc central, RN, gauche). Si tel était le cas, la pression sur Emmanuel Macron s’accentuerait. «J’attends de savoir ce que va décider le président… mais s’il opte pour une dissolution, derrière, qu’est-ce qu’il lui reste en cas d’échec ?», s’inquiétait François Patriat. La démission forcée du président de la République, réclamée par Jean-Luc Mélenchon et les insoumis depuis des mois, est désormais évoquée par le Rassemblement national et aussi par certains responsables de droite.
Dans un message cryptique, l’entourage d’Emmanuel Macron a fait savoir qu’en cas de nouvel échec de Sébastien Lecornu, le président «prendra ses responsabilités», laissant planer la menace d’une nouvelle dissolution.

