Gisèle Pelicot en appel ce lundi contre un de ses violeurs présumés
L’ouvrier de 44 ans comparaîtra libre du 6 au 9 octobre devant la cour d’assises du Gard à Nîmes. Gisèle Pelicot, devenue une icône féministe mondiale, « ira jusqu’au bout » en faisant face, à partir de lundi, au dernier accusé qui réfute toujours l’avoir violée.
L’ouvrier de 44 ans comparaîtra libre du 6 au 9 octobre devant la cour d’assises du Gard à Nîmes. En raison de son état de santé défaillant – il souffre d’une polyarthrite qui le contraint à se déplacer avec une canne – il a obtenu un mandat de dépôt différé. Alors que les 16 autres condamnés ayant initialement fait appel se sont désistés progressivement, ce père d’un enfant trisomique, né en Turquie et ayant vécu dans la grande pauvreté durant son enfance, est resté ferme dans sa démarche.
« Il maintient qu’il ne s’est jamais rendu au domicile du couple avec l’intention de violer qui que ce soit. Il vit très mal le fait qu’on puisse lui coller l’étiquette de violeur », précise à l’AFP Me Jean-Marc Darrigade, qui défend désormais l’accusé avec Me Sylvie Menvielle.
Il estime que « son véritable adversaire n’est pas Gisèle Pelicot, qu’il respecte profondément, mais celui qui fut son mari, qu’il considère comme l’homme cynique qui l’a piégé », ajoute l’avocat en préparation du procès dans son cabinet de Montpellier.
« Il aborde le procès évidemment très craintif, parce que le climat du premier procès avait été houleux à l’extérieur de l’audience », confie également le pénaliste. Des collectifs féministes ont d’ailleurs appelé à « accueillir » l’accusé lundi à l’ouverture des débats. Ce dernier risque à nouveau une peine maximale de 20 années de réclusion.
Gisèle Pelicot, devenue une icône féministe mondiale, sort de sa discrétion pour affronter, à partir de lundi à Nîmes, le dernier accusé qui conteste toujours l’avoir violée. « Elle aurait vraiment préféré rester là où elle est et se concentrer sur sa nouvelle vie et sur son avenir. Mais elle doit en passer par là, parce que c’est la condition pour vraiment tourner la page. Donc elle y va et est combative », explique l’un de ses avocats, Me Antoine Camus, à l’AFP.
Lors de son arrivée il y a un an pour le procès de son ex-mari et ses 50 co-accusés, cette femme de 72 ans était totalement anonyme et beaucoup pensaient que ce dossier hors-norme se déroulerait à huis clos pour la protéger. Cependant, elle a choisi de faire face publiquement pour que « la honte change de camp ».
Progressivement, des journalistes du monde entier ont afflué, et à son passage au tribunal d’Avignon (sud-est), des haies d’honneur ont commencé à se former. On lui offrait des fleurs, elle était applaudi. Elle encourageait les femmes « à ne plus se taire ».
« Regardez autour de vous, vous n’êtes pas seules », a-t-elle déclaré un jour, dédiant son combat « à toutes les personnes, femmes et hommes, à travers le monde, qui sont victimes de violences sexuelles ».
Sa silhouette élégante, avec ses cheveux roux coupés au carré et ses lunettes de soleil rondes, apparaît désormais sur des murs dans les capitales européennes, sur Internet, et à la une des plus grands journaux.
En avril, le magazine américain Time l’a désignée comme l’une des « 100 personnes les plus influentes » pour son « courage extraordinaire ». En mai, elle a reçu le Prix Liberté, décerné par 10.000 jeunes de 84 pays, « pour son combat contre la banalisation du viol et des violences sexuelles », et a été faite chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet.
Tous ces hommages lui sont attribués malgré elle, car depuis le verdict d’Avignon en décembre, elle n’a pas été revue. Toutefois, sa voix continue de résonner au cœur des luttes féministes.
Gisèle Pelicot « joue le rôle d »annonciatrice’, c’est-à-dire une figure légitime dans laquelle on s’identifie, qui nomme la violence sexuelle et permet de poser un regard neuf sur soi et son passé », notent des universitaires dans l’un des nombreux ouvrages publiés à propos de cette affaire.
En ce qui concerne sa vie privée, « ça la regarde », balaie Me Camus : « elle n’entend rien révéler » car « elle n’est pas là pour raconter ce qu’elle mange le matin, ses nouveaux amis, son nouveau compagnon, l’endroit où elle vit et ce à quoi elle occupe ses journées ».
Elle racontera toutefois « avec ses propres mots » son histoire dans ses mémoires à paraître en février, traduites dans une vingtaine de langues.
Elle y exposera son parcours : celui d’une fille de militaire, née dans le sud-ouest de l’Allemagne et arrivée en France à l’âge de cinq ans, qui a connu « peu d’amour » jusqu’à sa rencontre en 1971 avec Dominique, ce « chic type » qui deviendra son futur mari et violeur.
Dans cet ouvrage, évoquera-t-elle la relation compliquée mise sur la place publique avec sa fille Caroline Darian ? Cette dernière, dont des photos dénudées ont été découvertes dans le disque dur de son père, est convaincue que son « géniteur », comme elle l’appelle désormais, l’a également agressée, ce qu’il conteste. Le tribunal, faute de preuves, n’a pas pu lui apporter de réponse à ce sujet.
Caroline se perçoit comme « la grande oubliée » de cette affaire et reproche à sa mère de ne pas l’avoir suffisamment soutenue, au contraire même, de ne pas l’avoir crue : « ma mère a lâché ma main dans cette salle d’audience (…) Elle m’a abandonnée », a-t-elle déclaré au quotidien britannique The Telegraph, fin août.
Selon Me Camus, Gisèle Pelicot « aime sa fille et elle est mortifiée, très peinée, sincèrement affectée de la savoir en détresse et en souffrance ».

