La Machine : l’objet tech qui ne sert pas à rien deviendra-t-il indispensable ?
Olivier Mével, l’un des papas du lapin Nabaztag, prépare le lancement de La Machine, un gadget en précommande vendu 79 euros. En quelques semaines, il y a eu 2.500 commandes pour La Machine.
Cet été, 20 Minutes a présenté le projet aussi audacieux qu’inattendu d’Olivier Mével. Ce pionnier de la technologie française, connu notamment comme l’un des créateurs du lapin connecté Nabaztag, était sur le point de lancer La Machine. Lorsque l’on active l’interrupteur rouge de cette petite boîte jaune, son couvercle se soulève, laissant apparaître un petit levier qui a pour unique fonction… de rééteindre l’interrupteur (et il y parvient à chaque fois!). Un concept à la fois humoristique et déconcertant.
Nous avons eu l’occasion de tester La Machine, qui est encore en phase prototype (disponible en précommande à 79 euros). Il apparaît que les réactions imprévisibles de ce gadget évoquent celles d’un chat que l’on irait taquiner… et qui répondrait à sa manière !
En attendant la version finale de La Machine, les précommandes s’emballent. 20 Minutes fait le point avec son créateur.

Les réactions de La Machine ressemblent à celles d’un chat, est-ce intentionnel ?
C’est le meilleur compliment qu’on puisse faire, car c’est exactement cela que j’ai toujours souhaité réaliser avec des objets « vivants » : ils ressemblent à de petits animaux de compagnie ! La Machine est effectivement un peu comme un chat : elle semble indifférente mais, au fond, elle aime jouer ! Avec elle, il y a une dimension cognitive importante. Après le lapin Nabaztag, je me rends compte encore une fois que les objets technologiques qui se déplacent modifient complètement notre perception d’eux, surtout quand il ne s’agit pas de robots humanoïdes. On projette beaucoup de choses sur eux !
Si Nabaztag n’avait pas eu des oreilles mobiles, il n’aurait probablement été qu’un haut-parleur déguisé en lapin. Le mouvement change totalement l’interaction.
Comment est né ce projet un peu fou de créer avec La Machine un objet inutile ?
C’est un ancien projet qui s’inspire de La Machine Ultime, créée en 1952 par Marvin Minsky, l’un des pionniers de l’intelligence artificielle. Il avait conçu une boîte avec un interrupteur : lorsque celui-ci était sur « ON », une main mécanique sortait de la boîte pour remettre l’interrupteur sur « OFF » ! J’ai retrouvé des notes datant de plus de dix ans où je réfléchissais déjà à cette boîte inutile, et j’ai décidé de me lancer dans l’aventure en janvier 2024.

Y a-t-il des droits d’auteur sur cet appareil ?
J’ai fait des recherches, mais je n’ai rien trouvé de concret. J’ai également lu que Marvin Minsky avait exprimé son souhait de breveter son invention, mais que Bell Labs, où il travaillait, l’avait dissuadé. Minsky étant décédé en 2016, j’ai écrit à sa fille, sans obtenir de réponse. Je n’ai pas souhaité aller plus loin. Nous verrons bien si cela me cause des problèmes par la suite !
Quelles sont les différences entre votre version et celle de Minsky ?
A ma connaissance, il n’existe pas vraiment de photo de son appareil. Nous ajoutons des sons et une personnalité à la boîte. Elle développe des émotions ; elle peut être ennuyée ou joyeuse… En somme, plusieurs éléments ont été incorporés. Ce que nous conservons, c’est l’idée d’un objet inutile ou ultime !
La Machine est-elle un pied de nez à la surabondance des objets technologiques ?
Oui, c’est certain. Cela fait longtemps que je suis impliqué dans le secteur high-tech. On ne peut pas dire qu’elle ait bien évolué… J’ai aussi dirigé un bureau d’études et créé des produits qui n’étaient pas nécessairement utiles, contribuant ainsi à cette situation. En lisant les commentaires, parfois durs, suite à la présentation de La Machine sur Facebook, je me suis demandé si cet objet n’avait pas aussi pour but de remettre en question l’utilité de certains objets connectés…
Vient-on à « revendiquer » la tech ?
En observant le smartphone, on constate l’impact dévastateur de certains de ses usages. Pourtant, nous continuons tous à l’utiliser ! C’est frustrant de voir ces critiques sur la technologie, des discours que je partage mais qui, au final, semblent sans conséquence. Demain, nous serons entourés de nombreux gadgets intégrant de l’IA… la tendance est inéluctable. La Machine est donc un clin d’œil à cela, mais elle reste aussi un grain de sable. D’ailleurs, La Machine sera mon dernier projet.
La Machine aurait-elle pu prendre une autre forme ?
Elium Studio, qui l’a conçue, avait d’autres propositions. Cependant, le projet est resté centré autour d’un cube. En effet, il existe un mécanisme interne qui nécessite un positionnement précis du moteur. La Machine aurait pu prendre d’autres formes, mais celle choisie était le minimum techniquement acceptable en termes de compacité. Pour information, j’en possède aussi une version d’un mètre par un mètre !
Les premières commandes vous surprennent-elles ?
Je ne m’attendais pas à un démarrage si rapide. Nous avons atteint 2.500 commandes en quelques semaines. J’avais également souhaité travailler l’aspect marketing. J’ai passé entre six et neuf mois à préparer le message afin d’expliquer le soin apporté au produit, à sa fabrication en Normandie, ainsi qu’à sa philosophie. Après ces premières commandes, il faudra poursuivre la vente. L’idée serait peut-être de décliner La Machine avec des éditions limitées ou thématiques, comme La Machine Saint-Valentin ou La Machine Noël…
Pourrait-on lui associer la parole ?
C’est possible. Cependant, lors des premiers essais avec des répliques de films, cela n’a pas toujours bien fonctionné en termes de perception. C’est amusant deux minutes, mais pas plus. Il serait peut-être envisageable d’utiliser des voix générées par l’IA. Je ne suis pas opposé à l’intelligence artificielle, même si elle me fait un peu peur, mais La Machine ne s’aventurera pas sur ce terrain.
Restera-t-elle un objet low tech ?
À l’intérieur, se trouve un microcontrôleur connu, le SP32, qui est largement utilisé dans divers produits connectés. Je n’entends pas que cet appareil soit connecté, ni qu’il dispose d’un compte utilisateur ou d’une application. Il pourra être mis à jour via le port USB, mais il conservera sa dimension poétique.

