Tunisie

Mes Humeurs : Équilibre entre nourritures terrestres et spirituelles

Erri De Luca est un écrivain, poète et journaliste italien originaire de Naples, connu pour ses romans, dont Montedidio, lauréat du prix Femina étranger. Selon l’Organisation tunisienne de défense du consommateur (ODC), près d’un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdu ou gaspillé chaque année, ce qui pourrait nourrir 2 milliards de personnes.


La Presse — Il y a quelques jours, un ami proche, expert en tourisme, m’a remis un ouvrage que je tenais absolument à découvrir. Il s’agit de Récits, publié cet été par Erri De Luca, écrivain, poète et journaliste italien originaire de Naples, qui est le centre de ses romans. Il a écrit des ouvrages de grande qualité, acclamés par la critique, dont Montedidio, lauréat du prix Femina étranger.

De Luca a été l’un des révolutionnaires des années romaines de 1970, engagé dans un mouvement d’extrême gauche et devenu l’un des leaders du mouvement Lotta Continua. Ses romans évoquent son enfance, ses choix sociaux, sa ville, etc. Son dernier livre, Récits de saveurs familières (Gallimard), aborde la thématique de la cuisine, non pas celle de la gastronomie, mais de la cuisine de son enfance à Naples.

Ces récits sont accompagnés d’informations rédigées par le biologiste nutritionniste Valerio Galasso, qui décrit et analyse les effets de la nourriture au-delà de la simple satiété. Je reviendrai sur ce livre dans une note de lecture.

L’ami qui m’a offert cet ouvrage m’a raconté une anecdote en lien avec la cuisine, qui m’a interpellé. Il a été invité à modérer un colloque à Genève, où l’organisateur l’a conduit dans un restaurant situé à la frontière française, très fréquenté par les frontaliers suisses en raison des prix moins élevés.

Ce restaurant asiatique, réputé dans la région, ne prend pas de réservations. Sa spécialité est les produits de la mer, offrant des dizaines de plats de poissons et de crustacés (crevettes, langoustes, poulpes, seiches, etc.). La formule est simple : on se sert soi-même à volonté, le tout à un prix raisonnable, ce qui explique son succès.

Ce qui est original dans ce restaurant, et qui nous semble particulièrement intéressant, c’est la règle morale appliquée : chaque client qui laisse de la nourriture dans l’une des assiettes (qu’il s’agisse de plats ou de desserts) doit s’acquitter d’une amende de 6 euros. Cela constitue une belle leçon contre le gaspillage.

Il est utile de rappeler certains chiffres : près d’un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdu ou gaspillé chaque année. Ce gaspillage pourrait alimenter 2 milliards de personnes, soit plus du double du nombre de personnes vivant dans la pauvreté. Il est à noter que la majeure partie du gaspillage se produit dans les pays riches, tout en étant également présente dans nos pays.

Le citoyen tunisien est-il conscient des enjeux du gaspillage ? Le mois de Ramadan, par exemple, révèle souvent des pratiques de gâchis alimentaires. L’Organisation tunisienne de défense du consommateur (ODC) met en place des actions de communication et de sensibilisation louables, mais il me semble qu’il existe d’autres canaux pour faire passer les informations à ce sujet. Le principal canal de sensibilisation devrait être l’école.

Dans certains restaurants d’hôtels, notamment ceux proposant des formules tout compris, j’ai été témoin de scènes révoltantes : des clients, jeunes et adultes, remplissent leurs assiettes à ras bord, pour en consommer à peine la moitié, voire moins. La vulgarisation d’une bonne nutrition, tout comme celle d’une bonne culture, devrait être intégrée dans l’éducation.