Un pilote de chasse doit maîtriser drones, missile balistique et brouillage électronique.
La base aérienne de Mont-de-Marsan (Landes) accueille depuis fin septembre et jusqu’au 10 octobre l’édition 2025 de Volfa, le grand exercice annuel de l’armée de l’Air et de l’Espace, avec la participation d’une cinquantaine d’avions et de 1.000 militaires. Pour la première fois, des escadrilles territoriales de réserve de l’armée de l’Air participent à l’exercice, simulant des drones shahed évoluant à basse altitude afin d’entraîner les avions de chasse à les détecter et les intercepter.
À la base aérienne de Mont-de-Marsan,
Un exercice de formation au combat aérien, mais pas seulement. La base aérienne de Mont-de-Marsan, située dans les Landes, accueille depuis la fin septembre et jusqu’au 10 octobre, l’édition 2025 de Volfa, le grand exercice annuel de l’armée de l’Air et de l’Espace.
Le tarmac de la base militaire résonne des bruits de décollages des Rafale et Mirage 2000 français, accompagnés cette année par des Tornado italiens et des F-16 grecs, deux nationalités invitées. Cet exercice, qui vise à « coller au plus près de la réalité », intègre également des drones ainsi qu’un fort brouillage électronique, perturbant les avions de chasse face à d’autres menaces.
« Toute une manière de faire qu’il faut revoir »
« Pour la première fois, nous avons intégré dans cet exercice les escadrilles territoriales de réserve de l’armée de l’Air, qui vont utiliser leurs avions pour simuler des drones shahed évoluant à basse altitude, afin d’entraîner nos avions de chasse à les détecter et les intercepter », explique le colonel Jean-Christophe, chef de la division préparation opérationnelle du CDAOA (Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes) et directeur de Volfa.
La problématique des drones est soulignée par le lieutenant-colonel Samuel, commandant la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan : « Ce sont de petits objets, difficiles à détecter, qui volent lentement alors que l’avion de chasse a besoin d’énergie pour bien voler. Ils ne représentent pas de danger immédiat pour les avions, mais il est crucial de pouvoir les gérer, car si une vague de drones passe, la base arrière pourrait subir des dommages potentiels. »
Pour éviter de gaspiller un missile coûtant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros, le pilote privilégiera son canon, ce qui nécessite un entraînement spécifique pour toucher cet objet. « On s’est très longtemps entraîné au combat aérien contre aérien ; dorénavant, nous devons également faire face à des menaces très asymétriques. C’est donc toute une manière de travailler qu’il faut revoir », souligne le lieutenant-colonel.
« La guerre électronique nous fait reculer dans nos capacités »
Un autre domaine particulièrement exploré cette année lors de Volfa est celui du champ électromagnétique. « Les avions évolueront dans un environnement de brouillage électronique d’une ampleur jamais atteinte dans de tels exercices en France. Ils devront trouver des techniques pour opérer malgré cela », explique le directeur de l’exercice.
« La guerre électronique consiste principalement à réagir face à du brouillage provenant d’autres avions ou du sol, menaçant de faire perdre le GPS et certains moyens radios, indique le capitaine Florian, pilote sur Rafale biplace à la 4e escadre de chasse de Saint-Dizier. L’idée est de voir comment, malgré les obstacles, on peut contourner cette situation : cela nous empêche-t-il de mener notre mission ? Faut-il la reprogrammer ou l’effectuer différemment ? La guerre électronique nous fait finalement reculer dans nos capacités. »

Le pilote de chasse « doit être capable de revenir aux fondamentaux », considère le commandant de la 30e escadre. Cela signifie que, « privé de radio et de GPS, isolé dans son cockpit, il doit comprendre la situation et achever sa mission [de combat] si nécessaire à vue, ce que l’on appelle le dogfight. »
Un retour aux sources, précise le capitaine Florian, puisque « lors de notre formation de pilote, nous nous entraînons sans toutes ces aides ; celles-ci viennent progressivement pour aboutir à des missions complexes. » Si les pilotes maîtrisent ce retour aux fondamentaux, « l’imbrication de cela dans une mission, en présence de menaces plus complexes comme des missiles, devient compliqué », souligne le pilote de Rafale.
« L’enjeu n’est plus de faire le meilleur looping »
Le pilote de chasse moderne doit effectivement être capable de « gérer à la fois une multitude de drones, un missile balistique venant de l’espace, des missions impliquant de nombreux avions et la bataille électronique, confirme le lieutenant-colonel Samuel. C’est pourquoi il est nécessaire de s’entraîner dans toute cette gamme. C’est la philosophie de la 30e escadre de Mont-de-Marsan. »

La prise en compte de ces dimensions « multimilieux, multichamps » entraîne de facto une charge cognitive de plus en plus importante à gérer. « Pour le pilote de chasse, l’enjeu n’est plus d’effectuer le meilleur looping, mais de tirer le meilleur parti de son avion, de comprendre son environnement et de prendre les bonnes décisions au bon moment », estime le capitaine Florian.
Ce n’est pas tout. Volfa offre également cette année l’occasion d’entraîner les pilotes au principe de dispersion. Un exercice a simulé une attaque de la base de Mont-de-Marsan pendant que plusieurs avions de chasse étaient en vol. Ils ont alors reçu l’ordre de se poser ailleurs, à la base de Solenzara en Corse, tandis que les avions encore au sol ont dû décoller en urgence pour se réfugier dans un autre endroit.
« Être capable de quitter sa base sous faible préavis »
« Les Ukrainiens ont réalisé que rester constamment stationnés sur les mêmes bases risquait de descendre leur aviation de combat au sol. Ils ont donc appris à se disperser », explique le commandant de la 30e escadre. « En France, nous pensions jusqu’ici que nos bases-mères étaient des refuges sûrs, nous permettant de mener nos missions opérationnelles et de revenir, mais nous savons maintenant qu’il faut être capable de quitter sous faible préavis et de disperser nos moyens. »
Au-delà de l’exercice, « nous commençons à identifier les terrains du sud-ouest de la France susceptibles de nous accueillir sous faible préavis », poursuit le lieutenant-colonel Samuel. Il souligne que l’enjeu n’est pas uniquement d’atterrir, mais de pouvoir réactiver les appareils et de maintenir le dialogue avec les instances de commandement pour préparer les missions… C’est ce qu’on appelle le concept ACE (Agile Combat Employment), qui est actuellement au cœur de nos réflexions.
« La guerre ne repose plus uniquement sur un combat entre humains et machines »
Enfin, le domaine de la très haute altitude (THA) a été abordé durant Volfa, mais ne fait pas l’objet d’un exercice spécifique. Cependant, en juin dernier, des Rafale et Mirage 2000, préparés à Mont-de-Marsan, ont décollé de la base voisine de Cazaux (Gironde) pour effectuer avec succès les premiers tirs de missiles MICA améliorés sur des ballons stratosphériques situés au-delà de 20 km d’altitude, fournis par le Cnes (Centre national d’études spatiales). La stratosphère, située entre 20 et 100 km d’altitude, est considérée par le ministère des Armées comme « un nouvel espace de conflit ».
Notre dossier sur l’armée de l’Air et de l’Espace
« Depuis 2022, nous avons assisté à de nombreux événements en Ukraine, démontrant que la guerre ne repose plus uniquement sur un affrontement entre humains et machines, mais que de nombreux autres facteurs entrent en jeu, des menaces satellites aux drones », conclut le lieutenant-colonel Samuel. Pour le capitaine Florian, Volfa représente ainsi une occasion unique « de fusionner tous les aspects d’un conflit et d’observer nos réactions face à ceux-ci ».

