Tunisie

Visite au MACAM : l’exposition « Illuminations contemporaines » ne brille pas

L’exposition temporaire, inaugurée le 26 septembre, est intitulée « Illuminations contemporaines » et présente 54 œuvres issues du Fonds national des arts plastiques du ministère des Affaires culturelles. À l’entrée, un court montage vidéo rend hommage à l’artiste Abdelhamid El Hajem, disparu en mars 2025, mais la musique de fond est jugée inappropriée par rapport aux œuvres exposées.


Si cette présentation illustre la richesse du fonds national, elle souffre d’un manque évident de direction curatoriale. Aucun commissaire d’exposition n’est cité et l’ensemble ressemble davantage à une vitrine qu’à une exposition conçue comme un projet significatif. En effet, une exposition temporaire devrait être fondée sur un concept solide, susceptible de la transformer en événement, voire en phénomène culturel.

La Presse — L’on continuera à signaler et à critiquer, mais cela semble tomber dans des oreilles sourdes, l’absence flagrante de plan et de signalétique clairs à l’entrée de la Cité de la culture. Ces éléments essentiels sont pourtant indispensables pour orienter les visiteurs vers les différentes institutions qui y sont présentes.

Pour les non-initiés, il est presque impossible de se repérer uniquement par soi-même. Les rares plans disponibles se trouvent relégués dans des couloirs isolés, où leur utilité est plus que discutable. Cela s’applique au Musée national d’art moderne et contemporain (Macam), dont un visiteur – qu’il soit tunisien ou étranger – aurait bien du mal à trouver l’emplacement.

En visite au musée pour découvrir la nouvelle exposition temporaire inaugurée le 26 septembre, nous avons également revisité l’exposition permanente située au rez-de-chaussée. Intitulée « Mémoire de générations 1894-2004 », elle retrace les différentes approches artistiques à travers trois grands ensembles : les pionniers, l’école de Tunis et ses contemporains, puis une sélection plus récente illustrant l’émergence de nouvelles générations et l’avènement de l’art contemporain tunisien. Malheureusement, toutes les œuvres manquent d’informations temporelles (sans date de signature).

L’exposition temporaire – qui, comme toute manifestation muséale occasionnelle, devrait attirer un large public, créer un événement marquant avec des tables rondes, des conférences, etc., promouvoir la culture et renforcer la notoriété de l’institution – nécessite normalement une planification rigoureuse, une recherche approfondie des œuvres, une scénographie étudiée et une logistique soignée.

Cependant, cette exposition risque de passer inaperçue, non seulement auprès du grand public mais aussi des amateurs éclairés, tant la communication autour de cet événement inaugural de la saison artistique du musée reste insuffisante. L’affiche promotionnelle, presque introuvable en dehors de la page Facebook du musée, ne mentionne que le titre et la date de l’exposition, sans contenu incitatif supplémentaire.

Située au troisième étage du musée, l’exposition porte le titre plutôt vague – et peu inspirant, il faut le reconnaître – d’« Illuminations contemporaines ». Elle commence par un texte introductif en arabe (sans traduction en français ou en anglais, excluant ainsi les visiteurs non arabophones), censé présenter les nouvelles tendances de l’art tunisien. Toutefois, aucune précision n’est fournie sur les artistes, les générations représentées ou les orientations esthétiques.

Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par le son d’un qanun accompagnant un court montage vidéo en hommage à l’artiste Abdelhamid El Hajem, disparu en mars 2025. Bien que ce geste soit louable, il aurait mérité un espace dédié, séparé de cette exposition collective. De plus, la musique, qui évoque davantage un fond sonore d’ascenseur, est en décalage avec les œuvres exposées et l’esprit des lieux.

Dans cette vidéo, apparaissent certaines de ses créations (dont trois sculptures figurent déjà dans l’exposition), mais aussi l’artiste lui-même, probablement en train d’évoquer son travail. Toutefois, au lieu d’une musique générique, cela aurait été plus pertinent d’entendre directement sa voix, par un dispositif audio individuel.

Né en 1940, Abdelhamid El Hajem est l’une des grandes figures de l’art plastique tunisien. Diplômé de l’École nationale des beaux-arts de Tunis au début des années 1960, il a marqué la scène artistique nationale en insufflant une nouvelle dynamique à la peinture et à la création plastique.

Professeur passionné autant qu’artiste accompli, il a exploré le dessin, la gravure, la sculpture et la recherche plastique avec une curiosité et une maîtrise remarquables. Ses œuvres, conçues à partir de matériaux variés (bois, métal, tissu), sont les témoins d’une quête de sens intime et profonde. Il a également réalisé des fresques collectives symboliques, témoignant d’un esprit ouvert et collaboratif. Par son œuvre, il a durablement enrichi le patrimoine culturel tunisien et a ouvert la voie à une esthétique authentiquement ancrée dans son contexte.

Outre cet hommage, l’exposition rassemble 54 autres œuvres provenant du Fonds national des arts plastiques du ministère des Affaires culturelles. Elles portent la signature d’artistes aux univers très variés, parmi lesquels : Houda Rjab, Nizar Megdich, Faten Chouba, Zakaria Chaïbi, Najet Ghrissi, Chahrazed Fkih, Mohamed Amine Inoubli, Lynda Abdellatif, Kaouther Jellazi, Mouna Jmal Siala, Mourad Ben Brika, Khaled Abida, Basma H’lel, Imed Jmail, Nadia Jlassi, Aïcha Filali, Mohamed Ben Soltan, Samir Makhlouf, Wissem El Abed, Amira Mtimet, Thameur Mejri, Adnen Hadj Sassi, Rachida Amara, Ahmed Zelfani, Mohamed Ghassen, Majed Zalila et Rym Karoui.

Bien que cette présentation offre une vision de la richesse du Fonds national, elle souffre d’un manque criant de direction curatoriale. Aucun commissaire d’exposition n’est mentionné, et l’ensemble ressemble davantage à une vitrine qu’à une exposition conçue comme un projet porteur de sens. Or, une exposition temporaire devrait être construite autour d’un concept fort, capable de faire de la présentation un événement, voire un phénomène culturel.

Montrer les œuvres de nos artistes est essentiel, mais il est nécessaire de les valoriser : les citer dans la communication, présenter leurs démarches à travers de courtes biographies et offrir aux visiteurs un véritable texte curatorial avec des brochures explicatives. Quant à la médiation culturelle, elle doit être renforcée afin de rendre la collection accessible au plus grand nombre. Car au fond, n’est-ce pas là l’une des missions premières d’un musée ?