Et si l’Europe ne disposait jamais de GAFAM ?
Le gouvernement danois a amorcé une transition vers davantage d’indépendance numérique en annonçant que les ordinateurs de son ministère se passeraient progressivement d’office et Microsoft au profit de logiciels open source. Selon Nicolas Van Zeebroeck, “l’Europe est dans une situation d’extrême dépendance des États-Unis à beaucoup d’égards”, ce qui complique l’imposition de règles propres face aux géants technologiques.
Au Danemark, le gouvernement a débuté une transition vers une plus grande indépendance numérique vis-à-vis des grandes plateformes américaines, notamment Microsoft. En juin, la ministre danoise du Numérique a annoncé que les ordinateurs de son ministère se passeraient progressivement de logiciels Microsoft au profit de solutions open source. L’objectif est de réduire la dépendance aux géants technologiques américains tout en économisant sur le coût des licences.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis que Donald Trump a exprimé son intérêt pour le Groenland, les tensions entre les États-Unis et le Danemark se sont intensifiées. Si Donald Trump exigeait l’arrêt des services de Microsoft dans le pays, cela pourrait paralyser le royaume tout entier. Cette menace pèse également sur l’Europe.
Nicolas Van Zeebroeck souligne : « L’Europe est dans une situation d’extrême dépendance des États-Unis à beaucoup d’égards […]. Donc c’est très difficile pour l’Europe d’imposer des règles qui lui sont propres face à des géants qui la dépassent en taille et qui répondent à une autre autorité de tutelle. »
Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po et spécialiste des médias sociaux, va plus loin lorsqu’il déclare : « On est un territoire colonisé et l’arrivée de Donald Trump amène une question qu’on aurait dû se poser depuis bien longtemps, qui est celle de notre souveraineté numérique. Il existe une quantité ahurissante de solutions informatiques qui sont du logiciel libre et c’est plutôt là-dessus que l’Europe peut miser pour reconquérir sa souveraineté numérique. »
### Des GAFAM européens ? Plutôt un autre modèle…
Jusqu’à présent, l’Europe a surtout opté pour la réglementation, multipliant les règlements et les conflits avec les GAFAM, sans obtenir des résultats concluants, selon Cédric Leterme : « L’Europe est à bien des égards à la pointe en matière de numérique mais elle surestime un peu son rôle en se présentant comme une pionnière qui va changer la face de l’internet à travers ses régulations. »
Le cas du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en témoigne : « La plupart des procédures qui ont été intentées au titre du RGPD n’ont abouti à rien », constate Cédric Leterme.
Pour Nicolas Van Zeebroeck, cette approche réglementaire nuit souvent à une véritable politique industrielle visant à développer des acteurs européens capables de rivaliser avec les GAFAM. Selon lui, « Les Européens ne développeront plus des entreprises aussi colossales que les GAFAM, je pense que l’enjeu n’est pas là, pour autant l’Europe aurait intérêt à favoriser le développement d’entreprises européennes qui intégreraient dès le départ nos valeurs et pourraient être plus facilement régulées. »
### Comment l’Europe pourrait-elle reconquérir sa souveraineté numérique ?
Nicolas Van Zeebroeck identifie trois éléments clés pour aider l’Europe à construire cette souveraineté numérique face aux menaces :
1. **Clarification des enjeux** : Il est essentiel de définir la souveraineté numérique par rapport à d’autres enjeux, tels que le développement durable ou les droits fondamentaux.
2. **Travail sur l’offre** : Il faut soutenir les acteurs européens et les inciter à s’unir « pour arriver à fournir collectivement un service à peu près analogue à celui que les géants américains fournissent de manière complètement monolithique. »
3. **Travail sur la demande** : Selon lui, l’accent doit être mis sur la nécessité d’encourager les gouvernements et les administrations publiques à privilégier l’achat de solutions européennes. Cela nécessiterait des règles rapides pour définir ce qu’on entend par une offre européenne souveraine, ainsi que l’imposition d’une obligation de favoriser les solutions européennes dans les marchés publics.
Il est donc préférable de miser sur des logiques de coopération entre acteurs et sur la diversification, notamment grâce aux logiciels libres, plutôt que sur l’éventuel essor de GAFAM européens pour reconquérir la souveraineté numérique.

