L’humour ne fait pas défaut à Jafar Panahi, réalisateur d’Un simple accident
Jafar Panahi a été présent pour la première fois depuis quinze ans dans un festival international lors de son passage à Cannes en mai dernier. « Cela fait près d’un demi-siècle que la République islamique essaye de nous priver de notre joie », confie Jafar Panahi à 20 Minutes.
Palme d’or et potentielle nomination aux Oscars, le film Un simple accident de Jafar Panahi montre le retour du réalisateur iranien. Le régime qu’il combat depuis de nombreuses années n’a pas réussi à faire taire ce grand cinéaste de 60 ans. Une incarcération et une grève de la faim ont accentué son combat.
Il a été présent pour la première fois en quinze ans dans un festival international lors de son apparition à Cannes en mai dernier. En effet, il n’avait pas pu se rendre à Venise l’année précédente pour recevoir son prix du Jury pour Aucun ours, qu’il avait réalisé dans la clandestinité. Sa présence à Cannes avec Un simple accident, un drame intense dans lequel il confronte un garagiste tranquille à son tortionnaire des prisons iraniennes, a été un véritable événement.
L’humour comme une arme
Le désir de vengeance du protagoniste se heurte au déni du père de famille qu’il a enlevé. N’ayant jamais vu le visage de son bourreau, le kidnappeur, envahi par le doute, choisit de le montrer à ses anciens compagnons de lutte avant d’exécuter sa vengeance. Cette aventure poignante intègre souvent de l’humour. « Cela fait près d’un demi-siècle que la République islamique essaie de nous priver de notre joie, confie Jafar Panahi à 20 Minutes. L’humour est une forme de résistance. Ils nous imposent tous les deuils possibles en tentant de détruire notre culture, mais nous ne nous laissons pas faire. »

Le cinéma de Jafar Panahi, loin d’être élitiste, se révèle très accessible avec ce suspense captivant. Les anciens opposants réussiront-ils à accomplir une vengeance légitime ou risquent-ils de commettre une erreur judiciaire ? Le réalisateur reflète leurs doutes et invite le spectateur à partager leur cheminement.
Une expérience personnelle
« Quand j’étais en prison, j’ai croisé toutes sortes de personnes, raconte Jafar Panahi. Des violentes, des non-violentes, des virulentes ou des plus calmes. Chacun des personnages de mon film représente une attitude, une manière de réagir après une expérience qui les a transformés à jamais. » Les justiciers improvisés s’efforcent de reconstruire leur vie après leur détention. Ils tentent d’oublier les horreurs vécues, mais se retrouvent contraints de replonger dans le passé. « Ce que j’aime chez eux, c’est qu’ils sont maladroits : ils commettent toutes les erreurs possibles, explique Jafar Panahi, ce sont des gens ordinaires qui ne sont pas faits pour accomplir des actes violents. »
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Les prisonniers, les yeux bandés pendant leur détention, n’entendent que la voix et le bruit de la prothèse de jambe de leur bourreau. « Le seul sens qui se développe chez un prisonnier, c’est l’ouïe, confirme le réalisateur. C’est pourquoi j’ai mis l’accent sur le son et cherché un bruit dérangeant qu’une voix. Je voulais que le spectateur écoute tout autant que les protagonistes. » Ce choix est une réussite : ce divertissement captivant prend des aspects de film d’horreur où le « méchant » réel est encore plus effrayant qu’un monstre fictif.
Ne pas céder
Jafar Panahi est déterminé : il ne quittera jamais son pays malgré les menaces qui pèsent sur lui. « Je cite souvent l’exemple d’une femme arrêtée pour être sortie sans voile, raconte-t-il. On la menace de pires ennuis si elle recommence et, le lendemain, elle sort à nouveau sans voile. Comment appelle-t-on cela ? De la jubilation ? De la résistance ? De la provocation ? Je ne sais pas comment qualifier cette réaction, mais elle correspond à ma vie. » Le cinéaste refuse de se considérer comme courageux. « Je vais continuer à faire mes films, même si cela m’expose à des ennuis, même si je dois retourner en prison. » Un simple accident, qui illustre sa détermination, est d’autant plus significatif.

