Comment l’Union européenne peut-elle éliminer la flotte fantôme russe ?
Le Boracay est un bateau de 244 mètres de long, construit en 2007, qui bat actuellement pavillon du Bénin. Les commandos de la Marine française ont inspecté le Boracay le 27 septembre au large de l’île d’Ouessant et ont constaté une importante cargaison de pétrole en provenance de Russie.
C’est un imposant pétrolier de 244 mètres de long, avec une coque noire et une surface rouge, arborant un bâtiment de commandement blanc à l’arrière. Construit en 2007, il est difficile de lui attribuer un nom unique. Selon l’inscription à l’arrière, il se nomme Boracay, mais il est aussi connu sous le nom de Pushpa. Selon le journal Le Monde, lors d’une interception par l’armée estonienne au printemps dernier, il était désigné sous le nom de Kiwali. De plus, ce navire a changé de nationalité plus d’une dizaine de fois et bat actuellement pavillon du Bénin.
Le Boracay figure parmi les navires d’une flotte fantôme russe, composée de centaines de bateaux, souvent anciens et à l’identité ambiguë, que Moscou utilise pour contourner les sanctions occidentales sur le pétrole russe. Depuis 2022, l’Union européenne et les pays du G7 ont mis en place un ensemble de sanctions visant les pétroliers russes, incluant un embargo, l’arrêt des services de courtage pour les cargaisons concernées, et la cessation de l’assistance technique dans les ports européens. En conséquence, Moscou a massivement investi dans une flotte de navires sous pavillons de complaisance.
Louis le Hardÿ, professeur de droit international et spécialiste du droit de la mer à l’UCLiège, déclare : « L’Union européenne a identifié quelque 444 navires qui feraient partie de cette flotte fantôme, mais l’exercice de recensement est délicat. Ces bateaux changent de nom, de pavillon, on les repeint, ils falsifient la signature électronique qui permet de les identifier et de savoir dans quel port ils ont chargé leur cargaison. »
Depuis que l’Union européenne a commencé à répertorier ces navires, les livraisons de pétrole brut russe ont chuté de 76%, se réjouit la Commission européenne. Cependant, ceci est jugé insuffisant. Emmanuel Macron, Président français, a affirmé lors d’un sommet européen à Copenhague : « D’après nos chiffres clés actuels, 30 à 40% de l’effort de guerre sont financés par les revenus de la flotte fantôme, ce qui représente plus de 30 milliards d’euros. Il est donc extrêmement important d’augmenter la pression sur cette flotte fantôme, car cela réduira clairement la capacité à financer cette guerre. »
« Chaque jour, entre dix et quinze bateaux de la flotte fantôme continuent de passer au large de Brest, » confie une source militaire. Jusqu’à présent, les Européens observaient ces navires naviguer dans leurs eaux territoriales. Néanmoins, l’épisode récent de mystérieux drones survolant des aéroports danois a modifié la situation. Les services de renseignement européens soupçonnent le Boracay d’avoir servi de base de lancement pour ces engins. Lors de son passage près des côtes bretonnes, les commandos de marine français ont intercepté le Boracay. Bien qu’aucun drone n’ait été trouvé à bord, une importante cargaison de pétrole en provenance de Russie et à destination de l’Inde a été découverte.
Cette opération a été justifiée par des incohérences concernant la nationalité du pétrolier, selon le procureur de la République de Brest, qui a déclaré : « L’enquête de la Marine nationale a conclu à une absence de pavillon. » Le bateau a été immobilisé plusieurs jours, avant de reprendre son chemin ce vendredi. Son capitaine sera jugé dans quelques semaines pour « refus d’obtempérer ».
Cette initiative pourrait indiquer un changement de stratégie de l’Union européenne. Louis le Hardÿ souligne : « C’est une décision politique. C’est aux dirigeants européens de décider de taper du poing sur la table ou de continuer à laisser filer. » Lors de ces contrôles, les garde-côtes vérifient l’enregistrement des navires et, en cas de doute, peuvent immobiliser un bateau temporairement pour plusieurs jours, voire semaines, afin de mener des investigations plus approfondies.
Il ajoute : « S’il y a trop de risques de se faire prendre, si les coûts sont trop élevés, ça peut sérieusement handicaper le modèle économique russe. » Louis le Hardÿ explique également que cela pourrait ralentir les trajets des bateaux et entraîner des pertes financières pour les armateurs qui coopèrent avec Moscou. Il est essentiel que tous les États membres de l’UE collaborent. Emmanuel Macron a déclaré : « Dans les prochains jours, nos chefs d’État-major, en coordination avec l’Otan, se réuniront pour bâtir des actions communes dans les prochaines semaines afin d’adopter une politique d’entrave à l’égard de la flotte fantôme. »

