Gouvernement bruxellois : une issue pour former un « nouveau » gouvernement.
Le gouvernement fédéral belge détient le record mondial de 541 jours sans gouvernement, enregistré entre 2010 et 2011. Les négociations budgétaires se poursuivent depuis le 22 septembre entre six partis : MR, PS, Les Engagés côté francophone et Groen, Open VLD, Vooruit côté néerlandophone.
On s’approche inéluctablement des 500 jours sans gouvernement, dépassant bientôt les 541 jours, le record mondial détenu par le gouvernement fédéral belge entre 2010 et 2011. La dernière tentative du leader libéral David Leisterh de constituer un gouvernement régional se base sur la négociation budgétaire. Depuis le 22 septembre, six partis discutent du budget : le MR, le PS et Les Engagés du côté francophone, et Groen, Open VLD et Vooruit du côté néerlandophone, formant ainsi une majorité au parlement et au sein du collège francophone, mais seulement 8 sièges sur 17 du côté néerlandophone.
Le CD&V a souhaité participer aux négociations, mais l’Open VLD a opposé son veto à la présence du parti social-chrétien flamand. Les discussions auraient pu se terminer là, mais elles se poursuivent. Comment alors former un nouveau gouvernement de plein exercice sans majorité du côté néerlandophone ?
Au milieu des tableaux Excel truffés de chiffres, les négociateurs disposent également d’un projet de loi de 26 pages, particulièrement complexe : la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises du 12 janvier 1989.
## Manœuvre de contournement
Comment, en dépit des divers vétos (PS contre la N-VA, MR-Engagés-VLD contre la Team Fouad Ahidar, Open VLD contre le CD&V), mettre en place une nouvelle équipe gouvernementale ? Cette idée n’est pas nouvelle, car le PS Ahmed Laaouej l’avait déjà proposée en février dernier : nommer de nouveaux ministres par un vote au parlement. L’implémentation de cette idée serait différente : au lieu de passer par l’article 35, qui exige une double majorité, l’article 36 permet l’utilisation d’une « motion de défiance » : cette motion propose un remplaçant à un membre actuel du gouvernement bruxellois. En clair, elle propose de nommer David Leisterh en tant que ministre-président, à la place de Rudi Vervoort : un simple vote à la majorité suffit. Le MR aurait également droit à un autre poste de secrétaire d’État : un vote à la majorité du groupe linguistique francophone serait suffisant. Ainsi, il serait relativement simple de remplacer Ecolo et Défi par le MR et Les Engagés.
Du côté néerlandophone, sans majorité dans ce groupe linguistique, un changement de personnel ne seraient pas possibles. Cependant, comme les partis flamands autour de la table budgétaire font déjà partie du gouvernement, cela ne pose pas de problème.
Une fois la nouvelle équipe en place, le parlement peut voter une motion pour lever le statut des affaires courantes. Ainsi, un gouvernement régional bruxellois de plein exercice pourrait émerger.
Ce scénario, exposé tel quel à la RTBF, a également été mentionné par Bruzz.
## Difficultés néerlandophones…
Ce scénario présente plusieurs défis, notamment pour la partie néerlandophone, qui ne bénéficierait pas d’une majorité. Ce serait une première dans l’histoire récente de la région bruxelloise. L’Open VLD est opposé à l’idée d’une minorité néerlandophone. Les libéraux flamands devront faire des avancées sur cette question, et un bon accord budgétaire sera nécessaire pour faciliter cette transition. D’un point de vue personnel, le ministre Open VLD, Sven Gatz, ne souhaite pas rester ministre dans la future équipe : le trouver un remplaçant nécessiterait une voix de l’opposition flamande, ce qui semble difficile à identifier. Mais chaque chose en son temps.
## … Et esprit (bafoué) de la loi
Cependant, cette piste semble contredire l’esprit et le texte de la loi. Interrogé par la RTBF, le constitutionnaliste de l’ULiège Christian Behrendt rejette cette hypothèse : « Je suis certainement quelqu’un qui prône la souplesse intellectuelle lorsqu’il y a des difficultés. La souplesse, toutefois, doit s’arrêter là où le texte dit exactement le contraire de ce que vous souhaitez envisager. Donc, à partir du moment où le texte stipule que vous devez disposer, pour proposer un ministre néerlandophone, d’une majorité de parlementaires néerlandophones, la seule manière de procéder ainsi serait de disposer d’une majorité de parlementaires néerlandophones. Cette solution me semble relativement inéluctable compte tenu de la teneur même du prescrit légal. »
Ce ne serait pas la première fois que la classe politique belge déformerait un texte de loi. Néanmoins, pour le constitutionnaliste, un élément fondamental existe ici dans l’équilibre général de l’architecture belge : « Le modèle régional qui divise la Belgique en trois régions est très favorable aux francophones, puisqu’il leur permet d’être majoritaires dans deux régions sur trois, même s’ils ne représentent qu’environ 40% de la population nationale… Le modèle régional doit tendre à l’équilibre entre les deux grands groupes linguistiques du pays, et le fait que Bruxelles assure des garanties pour les néerlandophones est basé sur la nécessité de rechercher cet équilibre national. »
En des termes moins châtiés, cette solution ouvrirait une boîte de Pandore constitutionnelle. S’il est question d’aspects légaux suite à la mise en place de cette solution, « Un gouvernement qui serait constitué de cette manière-là se verrait confronté immédiatement à des contestations de la légalité de ses décisions, celles-ci pouvant être attaquées devant les juridictions au motif que le gouvernement a été illégalement formé. »
Ajoutons aussi que l’utilisation de l’article 36 – la motion de méfiance – est conditionnée, selon Christian Behrendt, par le fait que le membre du gouvernement appelé à partir ne soit pas démissionnaire, ce qui n’est pas le cas de l’équipe actuellement en affaires courantes.
En somme, c’est une fin de non-recevoir constitutionnelle. Est-ce suffisant pour écarter cette solution ? En attendant, les six partis continuent de négocier. Ce vendredi, les négociateurs travaillent toujours sur la deuxième version du tableau budgétaire proposé par le MR. Une troisième version est attendue la semaine prochaine. Dans un « monde idéal », un accord pourrait être atteint à la mi-octobre. Ce sera alors le moment de décider de la manière de procéder pour former un « nouveau » gouvernement régional bruxellois.

