RDC : La condamnation à mort de Joseph Kabila fragilisera-t-elle la paix ?
La condamnation par contumace de Joseph Kabila, prononcée mardi pour « trahison », « crimes de guerre » et « organisation d’un mouvement insurrectionnel », suscite des inquiétudes quant à ses répercussions sur le processus de paix en République démocratique du Congo. Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire de l’Afrique centrale et australe de l’Ifri, affirme : « On ne peut pas bloquer un processus qui n’avance pas ».
La condamnation à mort de l’ancien président congolais Joseph Kabila est-elle « contre-productive », comme l’indique le site d’info guinéen Le Djely, ou risque-t-elle « d’enflammer les tensions dans l’Est », selon le journal kinois Le Potentiel ? De nombreuses personnes s’inquiètent des conséquences de cette condamnation par contumace, prononcée mardi pour « trahison », « crimes de guerre » et « organisation d’un mouvement insurrectionnel ». L’ombre de l’ancien chef d’État, en exil depuis 2023, pèse-t-elle vraiment sur le fragile processus de paix ?
« On ne peut pas bloquer un processus qui n’avance pas », affirme Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire de l’Afrique centrale et australe de l’Ifri. Depuis fin 2021, la République démocratique du Congo connaît des violences intenses, notamment à l’Est, riche en ressources naturelles. Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a mené plusieurs offensives, déstabilisant le pays. L’AFC (Alliance du Fleuve Congo) intensifie le chaos en coordonnant les rebelles pour renverser le pouvoir de Félix Tshisekedi.
En juin 2025, l’accord de Washington avait permis le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. Ce traité bilatéral devait également mettre un terme aux violences dans l’Est du pays. En juillet, une déclaration de principes avec le M23 en faveur d’un « cessez-le-feu permanent » avait été signée au Qatar, sans succès. Dans ce contexte, « la condamnation de Joseph Kabila ne changera rien. Les combats ont déjà repris cet été et les négociations stagnent à Doha », explique Thierry Vircoulon. En effet, le cinquième round des pourparlers s’est achevé fin septembre sur un accord limité concernant un échange de prisonniers.
Cependant, Joseph Kabila reste une personnalité influente de l’opposition en République démocratique du Congo. Malgré son exil, il conserve un réseau solide. En mai 2025, l’ancien chef d’État a tenté d’agir comme médiateur à Goma, en RDC, en s’y rendant sous la protection du M23. Cette apparition a suscité la colère du gouvernement congolais et a probablement contribué à sa condamnation, selon l’expert de l’Ifri.
« Mais, officiellement, Joseph Kabila n’a aucun lien avec l’AFC/M23. Forme, il n’a pas de rôle de leader, juste celui de magouilleur en coulisse », souligne Thierry Vircoulon. C’est une décision qui place Kabila hors-jeu à l’intérieur du pays, même s’il était déjà en exil depuis des années. Une décision qui semble logique pour le régime, surtout après que celui-ci ait déclaré lors d’une allocution en ligne en mai que la « dictature » devait « prendre fin en RDC », affirmant être prêt à « jouer sa partition ».
Du côté du M23, la colère est manifeste. « La confiance s’effrite », dénonce Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23. Plus offensif, Patient Sayiba, proche collaborateur de l’ancien chef de l’État, déclare sur RFI : « Le peuple doit se prendre en charge et enclencher la machine pour plaquer le tyran au sol [le gouvernement de Félix Tshisekedi]. » Pour Thierry Vircoulon, la condamnation de Joseph Kabila, « l’ombre de la rébellion », ne peut pas briser la confiance, comme le prétend le M23.
« Il n’y avait déjà aucune confiance ! », s’exclame l’expert, qui admet toutefois que cette décision judiciaire pourrait fournir des « prétextes pour continuer à bloquer les négociations ». Cela favorise encore plus une instabilité dont les premières victimes sont, comme toujours, les civils. Viols, déplacements forcés, massacres… Les ONG dénoncent une multitude de violences à l’encontre de la population civile, piégée dans ce conflit complexe, où la condamnation de Joseph Kabila ne changera rien.

