France

Budget 2026 : Les socialistes pourraient-ils ne pas censurer Lecornu ?

Sébastien Lecornu a été nommé Premier ministre le 9 septembre et multiplie les tractations pour faire adopter son projet budgétaire 2026. Le Parti socialiste a mis en avant plusieurs lignes rouges, waaronder ne pas taper au portefeuille des classes populaires et moyennes, et a demandé une taxation sur le patrimoine à hauteur de 15 milliards d’euros.


C’est un nouveau suspense, et encore une fois, les socialistes en sont les principaux acteurs. Le discret Sébastien Lecornu mène de nombreuses tractations depuis sa nomination à Matignon, le 9 septembre, afin de faire passer en douceur son projet de budget 2026. Pour obtenir son adoption à l’Assemblée nationale et éviter une nouvelle chute du gouvernement macroniste, le Premier ministre compte sur un accord tacite avec le Parti socialiste. Cependant, Olivier Faure et ses équipes, qui rencontreront à nouveau Sébastien Lecornu vendredi, ont déjà une liste de revendications. Quelles sont les exigences du groupe PS en échange d’un engagement de non-censure ?

### Un peu de considération

Recevoir des marques de considération est toujours apprécié, surtout pour les socialistes qui ont mal vécu ces derniers mois sous le mandat du Béarnais. « Lecornu n’a pas l’arrogance et la mégalomanie de Bayrou, qui se croyait l’expression ultime du centrisme français. C’est d’ailleurs l’une des raisons de sa chute », déclare le député socialiste Laurent Baumel. « Lecornu a compris cela. Il semble plus à l’écoute, même s’il ne propose rien de concret, ce qui lui permet de gagner du temps, et nous ne voyons pas encore la rupture promise », ajoute l’élu d’Indre-et-Loire.

Le nouveau chef du gouvernement, toujours pas désigné, a rapidement changé de méthode et abandonné l’idée de supprimer deux jours fériés, la mesure la plus mal perçue de son prédécesseur. Lundi, lors d’un déjeuner avec les élus du socle commun, Sébastien Lecornu s’est montré plutôt optimiste quant à la possibilité de parvenir à un accord. « Le PM (Premier ministre) nous a indiqué qu’il négociait avec le PS. Mais ils mettent toujours la barre très haut. Ils cherchent à marquer des points, à obtenir des succès. Nous sommes dans une partie de poker », remarque François Patriat, le dirigeant des macronistes au Sénat.

### Une taxation des plus aisés

Les socialistes ont défini plusieurs lignes rouges : ne pas impacter les classes populaires et moyennes, notamment en évitant le gel des pensions ou le déremboursement des médicaments, taxer les plus riches, réduire de moitié les efforts budgétaires (environ 22 milliards d’euros), abaisser la CSG pour augmenter les petits salaires, et suspendre la réforme des retraites. « Nous pouvons discuter, mais il faut que nous trouvions un terrain d’entente sur ces principes, sinon il y aura censure », prévient Philippe Brun, député PS de l’Eure.

Alors que la taxe Zucman et l’ISF ont d’ores et déjà été écartées par Sébastien Lecornu, le PS a dit être ouvert à d’autres options. « Il faut de la justice fiscale, nous souhaitons une taxation sur le patrimoine, ainsi qu’un ensemble de mesures totalisant 15 milliards d’euros », avertit Philippe Brun. L’idée semble gagner du terrain parmi les macronistes. « L’opinion publique y est favorable. Nous ne sortirons pas de cette situation sans une mesure fiscale visant les plus riches, en laissant de côté le patrimoine productif, ce qui pourrait rapporter 3 à 4 milliards », admet François Patriat. En revanche, il sera beaucoup plus difficile de trouver un consensus sur la réforme des retraites. Une meilleure prise en compte des carrières des femmes et des métiers pénibles sera-t-elle suffisant pour éviter la censure du PS ?

### « Si on cède trop, on va dans le mur »

La première déclaration publique sur le budget de Sébastien Lecornu, faite vendredi dans *le Parisien*, a en tout cas agacé les responsables socialistes. L’ancien ministre des Armées a été très vague sur les demandes formulées par le PS. Olivier Faure lui a donc demandé lundi une « copie complète du budget » lors de leur entretien prévu à la fin de la semaine, évoquant un « rendez-vous de la dernière chance » avant la censure. « Être député, ce n’est pas menacer de censure en permanence, les débats doivent se dérouler dans l’hémicycle », soupire Prisca Thévenot, députée Ensemble des Hauts-de-Seine. « Les socialistes doivent se souvenir qu’ils ont gouverné le pays. François Hollande siège dans leur groupe. Sont-ils toujours un parti de gouvernement ? », tranche l’ancienne porte-parole du gouvernement Attal.

Le PS aborde ces négociations dans un contexte social tendu, avec une nouvelle journée de mobilisation prévue jeudi par l’intersyndicale. Les insoumis ont indiqué qu’ils déposeraient une motion de censure dès la nomination du gouvernement Lecornu. Dans ce cadre, les socialistes ne négocieront avec Lecornu qu’en cas de réelles victoires politiques. « Si on cède trop au PS, nous allons vers le mur financièrement. Si nous restons trop rigides, le gouvernement tombera », résume à sa manière François Patriat. La partie de poker ne fait que commencer.