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« Shutdown » aux Etats-Unis : l’unique arme législative des démocrates contre Trump

Les États-Unis connaissent actuellement une paralysie budgétaire entraînant un « shutdown » en raison de l’incapacité des démocrates et des républicains à trouver un accord sur le budget. Les négociations sont dans l’impasse, le vice-président J.D. Vance ayant affirmé que « vous ne pouvez pas récompenser la prise d’otages ».

Alors que les États-Unis traversent une crise budgétaire, les deux camps politiques s’accusent mutuellement : les démocrates mettent en cause les républicains, tandis que ces derniers répliquent en accusant les démocrates. L’incapacité des deux partis à parvenir à un accord budgétaire a conduit à un « shutdown » dans le pays.

Des centaines de milliers de fonctionnaires vont se retrouver en chômage technique, et des perturbations significatives sont attendues dans les services publics. Cette impasse est possible car, bien que les républicains détiennent la majorité dans les deux chambres du Congrès, un budget doit être adopté avec 60 voix sur 100 au Sénat, nécessitant ainsi au moins sept voix démocrates. C’est l’un des rares leviers de négociation dont disposent encore les progressistes.

Un premier retournement démocrate

En mars dernier, les démocrates avaient déjà laissé planer la menace d’un « shutdown » total, alors que leurs adversaires refusaient de négocier sur les coupes budgétaires massives proposées par le gouvernement. « Le chef de la minorité, Chuck Schumer, avait déclaré qu’il résisterait à Trump au printemps, avant de faire marche arrière. Il espérait que les conséquences économiques des tarifs douaniers entraîneraient un retour de bâton, et craignait que le « shutdown » ne soit utilisé par le département de l’Efficacité gouvernementale [DOGE] pour démanteler davantage les agences fédérales. Il ne pouvait pas se rétracter une seconde fois », explique Olivier Richomme, maître de conférences en civilisation américaine à Lyon-2.

Selon Challenges, ce bras de fer dépasse les simples revendications politiques techniques, car « il s’agit de s’opposer à Trump en utilisant la seule arme législative qui reste » aux démocrates. « Les démocrates ont un intérêt politique à montrer qu’ils résistent à Trump et n’acceptent pas son budget », ajoute Olivier Richomme. Dans une Amérique divisée en deux camps opposés, il est en effet difficile d’imaginer des négociations sereines entre leurs représentants.

Affronter une administration républicaine « anormale »

Les bases démocrates ont mal pris le vote initial de Chuck Schumer en faveur du budget républicain en mars. D’après une enquête de Data for Progress, 70 % des électeurs démocrates estiment que le parti ne répond pas correctement à Donald Trump. « Les démocrates ne peuvent pas prétendre qu’il s’agit d’une administration républicaine normale. Ils ne peuvent pas ignorer les agents masqués dans les rues, les troupes armées dans les villes, les milliards de dollars qui vont dans les poches de la famille Trump, une administration qui, en une semaine, génère des scandales qui auraient anéanti d’autres présidences pendant des années », écrit l’éditorialiste Ezra Klein dans le New York Times pour illustrer l’atmosphère actuelle.

Officiellement, l’accent est toutefois mis sur les dépenses de santé. « Les démocrates n’ont pas opté pour un thème tel que l’immigration, mais plutôt quelque chose de plus fédérateur : l’assurance maladie. C’est ce qu’on appelle l’Obamacare et les républicains souhaitent que les aides expirent », analyse Olivier Richomme. Or, sans ces aides, les bénéficiaires verront leurs cotisations exploser. D’après Challenges, cela pourrait entraîner un quasi-triplement des cotisations mensuelles d’un ménage de classe moyenne avec deux enfants au Texas, passant de 147 à 346 dollars.

Chacun reste campé sur ses positions

Le dernier « shutdown » américain qui a eu lieu entre décembre 2018 et janvier 2019, sous la présidence de Donald Trump, avait duré trente-cinq jours. « C’était le plus long de l’histoire américaine, mais il est possible que ce record soit à nouveau battu », prévient Olivier Richomme. Les négociations semblent dans une impasse. Mercredi, le vice-président J.D. Vance a déclaré qu’aucune négociation n’aurait lieu tant que le budget n’aurait pas été voté par les démocrates. « Vous ne pouvez pas récompenser la prise d’otages », affirme-t-il. Chacun attend donc que l’autre camp fasse des concessions.

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Pendant ce temps, les parcs nationaux sont privés de rangers, de nombreuses aides sociales sont suspendues et la NASA est fermée. Chaque semaine de shutdown pourrait coûter 0,2 point de croissance annuelle du PIB, selon la compagnie d’assurances Nationwide. « Historiquement, il serait logique que le parti au pouvoir souffre le plus de cette situation car ce sont eux qui sont responsables du budget. Mais cela fait dix ans que les États-Unis ne respectent plus les règles habituelles », souligne Olivier Richomme. Pour l’expert, ce blocage nuit de toute façon aux républicains et aux démocrates, incapables de s’entendre et, à terme, « la confiance dans les institutions et les deux partis va s’éroder », envoyant ainsi un nouveau « mauvais signal pour la démocratie américaine ».