Belgique

Affaire Marc et Corine : de fait divers à combat citoyen

Marc Kistermann était âgé de 21 ans et Corine Malmendier de 17 ans lorsqu’ils ont été assassinés dans l’été 1992. Huit jours après leur disparition, leurs corps ont été découverts dans les bois de Lierneux, tous deux abattus d’une balle dans la tête.


Un fait divers tragique a marqué l’été 1992. Marc Kistermann, âgé de 21 ans, et Corine Malmendier, 17 ans, disparaissent sans donner de nouvelles à leurs familles, qui s’inquiètent mais ne déclenchent pas de recherche immédiate par les autorités. Un gendarme impliqué dans l’affaire témoigne : « On ne s’inquiète pas, ben non. Brigade rurale, brigade de garde champêtre comme on dit. La criminalité elle est un peu à base zéro. On lui dit, c’est peut-être une escapade, il n’y a pas lieu de s’inquiéter dans l’immédiat, il faut attendre, ils vont rentrer. » Huit jours plus tard, leurs corps sont retrouvés dans les bois de Lierneux, tous deux abattus d’une balle dans la tête. Thierry Muselle, le principal suspect, est arrêté, suivi peu après par son complice Thierry Bourgard.

L’indignation des familles des victimes va au-delà du verdict judiciaire. Apprenant que les deux suspects n’auraient jamais dû être libérés, Jean-Pierre Malmendier, le père de Corine, et François Kistermann, le père de Marc, initièrent un combat pour modifier les lois sur les congés pénitentiaires et les libérations conditionnelles. Ils rédigent une pétition qui recueille 250 000 signatures. La fille de Jean-Pierre précise : « Ce n’était pas du tout un plaidoyer pour la peine de mort. Mon père, il a eu de la colère, mais il a jamais voulu se venger. Il est resté humaniste toute sa vie. »

Les deux pères créent ensuite l’association « Marc et Corine », qui, trois ans plus tard, participe aux recherches des victimes de Marc Dutroux, en distribuant des affiches dans les rues. À cette époque, aucune organisation comme Child Focus n’existait pour aider lors de disparitions. L’affaire Dutroux choque profondément le pays, et l’association lance une nouvelle pétition exigeant des peines incompressibles pour les criminels. Elle obtient le soutien de plus de 2,5 millions de personnes.

Parallèlement, les premières démarches en matière de médiation restauratrice émergent. Dix ans après les événements, le père de Corine rencontre Thierry Muselle dans un acte de compréhension. Muselle lui exprime ses regrets, et ce dernier confiera : « Muselle m’a exprimé ses regrets. Je suis loin de pardonner, mais cet entretien a contribué, passez-moi l’expression, à mieux vivre avec. » La sœur de Corine rencontrera également Thierry Bourgard.

Cette famille a été l’une des pionnières à expérimenter cette approche, comme le souligne Antonio Buonatesta, médiateur lors de ces rencontres : « Avec le recul, on ne peut pas s’empêcher de constater que cette rencontre a vraisemblablement joué un rôle important dans la législation belge en matière de justice restauratrice. Il semblerait que le législateur ait été tellement convaincu de la pertinence des rencontres qu’il a accouché d’une loi qui, encore maintenant, sert de référence au niveau européen. »

Le documentaire qui traite de cette affaire met en lumière non seulement les failles d’un système judiciaire, mais aussi la capacité de citoyens ordinaires à provoquer des changements significatifs.

« **Mécanique du crime : Au-delà de la peine** », un documentaire à voir le 1er octobre à 20h25 sur la Une, et en streaming sur Auvio.