France

« C’est le nouveau costume » : le pyjama s’invite aux défilés, malgré son absence le jour.

Michael Kors, Giorgio Armani et Prada ont tenté d’intégrer le pilou pilou dans leurs collections la saison dernière, tandis que Dolce & Gabbana en a fait la star de sa dernière collection. Vincent Grégoire, tendanceur chez NellyRodi, rappelle que faire ses courses en pyjama est une chose banale à Shanghai ou Suzhou.


Les réunions du jeudi matin en pilou pilou ne sont pas notre tasse de thé. Pourtant, selon les experts en tendances, cela pourrait bien devenir notre réalité. De nombreuses maisons de mode intègrent ce style dans leurs collections. Michael Kors, Giorgio Armani et Prada l’ont adopté lors de la saison dernière, tandis que Dolce & Gabbana l’a érigé en vedette de sa dernière collection. Il ne s’agit bien sûr pas du pilou pilou que l’on enfile rapidement pour rendre visite aux beaux-parents le matin de Noël, mais plutôt de pyjamas.

Si cette tendance peut surprendre en France, elle n’est pas étonnante aux États-Unis ou en Chine, où faire ses courses ou se promener en pyjama est devenu courant, notamment à Shanghai ou Suzhou, souligne Vincent Grégoire, tendanceur chez NellyRodi. Malgré un ralentissement de la consommation des biens de luxe en Chine, comme l’indique un récent rapport de Bain & Company et Altagamma, quel est le principal marché que visent les plus grandes maisons de mode ?

La tendance du pyjama se propage discrètement mais sûrement dans nos rues. Une simple recherche sur les réseaux sociaux, TikTok en tête, révèle des influenceurs en pyjama et Crocs, le duo le plus inattendu, déambulant à Dubaï et à Paris dans un style décontracté. Ce phénomène est né après le confinement avec la montée du télétravail et l’intérêt croissant pour des vêtements cocooning, qui ne cesse de s’intensifier, propulsant le pyjama au rang d’incontournable.

« On en voit un peu partout sur les podiums, certes à dose homéopathique, mais avec de belles propositions pour ce vêtement, symbole d’intimité et de lâcher-prise », analyse Vincent Grégoire. Il précise également : « C’est une réappropriation du bien-être, à mettre en lien avec les tendances récentes autour du sommeil et de la sieste, particulièrement chez les générations Z. »

Ces dernières années ont vu le retour de nombreux vêtements naguère jugés démodés, tels que la doudoune sans manches, les sweats à coulisse, le jogging, le short cycliste, le bob et, bien sûr, les claquettes-chaussettes. « Depuis le confinement, il y a un besoin de faire moins d’efforts et d’une image sociale moins contraignante », ajoute le spécialiste. L’idée est de se présenter dans la rue comme on se sent chez soi, une philosophie que Dolce & Gabbana met en avant dans sa dernière collection. « C’est une proposition sociologiquement intéressante », estime Vincent Grégoire.

Il est important de préciser qu’il n’est pas question de se rendre au bureau en pyjama décoloré, abandonné au fond du tiroir. Les maisons de luxe s’intéressent peu au pilou pilou et à ses nombreuses variantes bon marché, et proposent des pyjamas confectionnés dans des matières nobles comme le satin et la soie, souvent ornés de cristaux et d’accessoires très raffinés. Le pyjama de jour est tout sauf démodé, comme l’ont prouvé Hailey Bieber, Charli XCX et Rosé, confortablement installées au premier rang du défilé Saint Laurent.

« C’est le nouveau costume, car c’est stylé et a un côté aristocratique », estime le tendanceur. De séries comme *Gossip Girl* à *Downton Abbey* en passant par *Succession*, la haute société nous immerge dans l’univers des pyjamas de luxe… que les jeunes générations s’approprient désormais dans la rue.

Cette tendance s’inscrit également dans un phénomène plus large : les jeunes s’amusent à réinterpréter les codes des générations plus âgées. Cela a été observé avec les tendances « coastal grandmother » et « old money », ou encore le regain d’intérêt pour les cardigans et les cordons de lunettes, et cela continue avec le pyjama. « Le pyjama et les chemises de nuit, bien que considérés comme des vêtements de personnes âgées, deviennent cool et peuvent être revisités pour sortir ou organiser des soirées pyjama », complète Vincent Grégoire.

Alors, que faire nous ? Tenter le pyjama dans le métro et au travail, ou se contenter de le porter pour dormir ? « Aujourd’hui, porter un jogging pour aller travailler ne pose plus de problème. Aller en pyjama, c’est une forme de rébellion, un côté punk, mais c’est assez extrême », tempère le tendanceur. « Mais on n’en est pas loin », ajoute-t-il. Évitons donc le pyjama au travail sous toutes ses formes, mais on peut oserez pour une sortie. Dans ce cas, on privilégie une nuisette en satin ou un pyjama oversize, agrémenté de sneakers, d’un blazer ou d’une veste en cuir, et de nombreux accessoires.

Il est clair que le pyjama n’a pas fini de faire parler de lui, d’autant plus qu’il pourrait devenir la vedette du second volet du film *Le diable s’habille en Prada*. L’équipe du film était présente au défilé Dolce & Gabbana, où Meryl Streep, alias Miranda Priestly, a fait une entrée remarquée, à la surprise amusée d’Anna Wintour. De là à faire du pyjama un incontournable de la mode, il n’y a qu’un pas.