France

Procès de Cédric Jubillar : « Je ne lui ai rien fait » devant la famille de Delphine.

Cédric Jubillar et ses ex-beaux-frères et belle-sœur s’accordent à dire qu’entre eux, le courant n’est jamais passé au cours de quinze années de relation. Le 16 décembre 2020, les gendarmes ont informé la fratrie de la disparition de Delphine vers 10 heures du matin.

À la cour d’assises du Tarn,

Cédric Jubillar et ses ex-beaux-frères et belle-sœur s’accordent sur un point : la relation entre eux n’a jamais été cordiale. Quinze ans d’union, deux enfants n’ont pas changé la donne. « Dès le début, je n’ai pas été accepté », déclare l’accusé, vêtu de noir, les mains jointes dans le box. Il évoque notamment le refus de sa belle-sœur de se porter caution pour lui. Cet épisode peut sembler anecdotique, mais vingt ans plus tard, malgré la disparition de Delphine, son ressentiment demeure. « On était plutôt distants, il n’y avait pas d’affinité », résume Cédric Jubillar. Les interactions familiales se réduisaient aux anniversaires et à quelques célébrations.

« Je n’ai jamais pu lui faire confiance », confie sans hésitation Stéphanie, la sœur aînée de Delphine. À la barre, cette quadragénaire, au carré court auburn et au pull moulant rose, décrit un homme « toujours énervé » qui « pestait à la moindre chose ». Elle évoque également un comportement violent : verbal envers Delphine et physique envers leur fils aîné. Elle se souvient d’un « coup de pied assez violent » donné à Louis alors qu’il avait « 5 ou 6 ans ». Ses frères se remémorent également une occasion où Cédric Jubillar a grondé son fils si fort qu’un passant a dû intervenir.

Les témoignages tendent à présenter Delphine comme effacée, presque soumise. Cédric Jubillar conteste cette image. Bien qu’il admette une éducation « sévère » pour son fils – « sinon on se fait bouffer », il estime que c’est Delphine qui « portait la culotte » dans leur couple. « Elle n’était pas soumise, elle sortait comme elle voulait, elle faisait ce qu’elle voulait, quand elle voulait », martèle-t-il.

« Je ne voulais pas la brusquer »

Les tensions familiales ne s’apaisent pas dans l’adversité. Le 16 décembre 2020, les gendarmes appellent la fratrie vers 10 heures pour leur annoncer la disparition de Delphine. Pourtant, deux membres de la famille avaient échangé avec Cédric Jubillar quelques heures plus tôt. Il y a d’abord Stéphanie, qui reçoit un appel d’un numéro inconnu à 8 heures. Un homme à la voix « calme » demande le numéro de son frère Sébastien sans se présenter. Elle découvre plus tard qu’il s’agissait de Cédric. À ce moment-là, elle n’a aucune idée que les gendarmes sont déjà en quête de sa cadette. « Je ne voulais pas la brusquer, elle était en convalescence », justifie l’accusé.

Alors pourquoi s’est-il emporté peu après contre Sébastien ? « Quand je déverrouille le mode avion de mon téléphone, je vois que Cédric Jubillar a cherché à me joindre à 8h02. À 8h03, il rappelle et me dit d’un ton très énervé : « où est ta sœur, je sais qu’elle est chez toi, dis-moi sinon j’appelle les flics » », raconte Sébastien, qui était surpris au réveil et ne comprenait pas la situation. Lors de son interrogation, Cédric Jubillar n’a expliqué que son intention de vérifier si Delphine se trouvait chez lui. Pourquoi une telle colère ? Il évite la question. Pourquoi ne pas avoir dit que les gendarmes la recherchaient ? Cela ne lui a pas semblé crucial. Quelques heures plus tard, lorsque les deux hommes se recontactent, le ton est désormais apaisé. « Il est passé de très énervé à calme, ça m’a étonné », souligne Sébastien.

« Je n’avais pas l’impression de voir quelqu’un qui pleurait »

Les doutes de Sébastien concernant son beau-frère ont émergé dès les premiers jours. « Je n’avais pas l’impression de voir quelqu’un qui pleurait », déclare le frère de Delphine, avec un ton calme et résigné. Lui, comme le reste de la famille, est surpris par le manque d’implication de Cédric Jubillar et par sa rapidité à « oublier Delphine » et la possibilité qu’elle ait décidé de quitter le foyer, une hypothèse qu’ils trouvent invraisemblable. Bien qu’ils aient remarqué que Delphine semblait différente ces derniers mois, ayant perdu du poids et se préparant, tous s’accordent à dire qu’elle ne serait jamais partie sans ses enfants, « sa raison de vivre », selon son plus jeune frère.

Notre dossier sur l’affaire Jubillar

Cinq ans ont passé, mais Cédric Jubillar reste convaincu, lors de son procès, que sa femme a pu choisir de disparaître. Son corps n’a jamais été retrouvé. La seule trace de sang identifiée dans la maison est trop infime pour être exploitable ou visible à l’œil nu. « Est-ce que cette piste a été suffisamment exploitée ? », s’interroge-t-il. À l’époque, il avait même suggéré qu’elle puisse avoir rejoint une secte ou Daesh, des pistes rejetées par les enquêteurs, mais qu’il défend toujours. En affichant un air grave, il raconte avoir un jour aperçu son épouse prier « les mains vers le ciel » sur le canapé. L’idée de la secte provient d’un prospectus qu’il a reçu des témoins de Jéhovah. « En tout cas, moi, je ne lui ai rien fait », conclut-il.

Bien que ces idées paraissent farfelues, cette journée de débats n’a pas permis d’éclaircir la situation. En effet, un caractère peu avenant, des relations tendues et des explications complexes ne conduisent pas nécessairement à une condamnation. Cédric Jubillar et ses avocats continuent de lutter pour le prouver.