Tunisie

Le sociologue : le mariage en Tunisie n’est plus un acte d’amour.

En Tunisie, l’âge moyen du mariage atteint 35 ans chez les hommes et 29 ans chez les femmes, tandis que le taux de divorcés est passé de 0,5 % en 2004 à 1,4 % en 2024. Selon les dernières statistiques de l’Institut national de la statistique, la proportion de célibataires hommes a chuté de 47,1 % à 39 %, tandis que celle des femmes célibataires est passée de 38 % à 29,8 %.


Le mariage en Tunisie subit une transformation sociale significative, se généralisant comme un “marché fondé sur les intérêts”, déclare le professeur de sociologie Mamdouh Ezzeddine. Lors de son intervention sur les ondes d’Express Fm le mardi 30 septembre 2024, l’expert réagit aux récentes données de l’Institut national de la statistique (INS) concernant le mariage et le divorce, publiées juste avant le recensement national.

D’après Ezzeddine, les statistiques de l’INS, en particulier l’augmentation des divorces et la diminution des mariages chez les jeunes, ne sont pas surprenantes, mais témoignent d’une profonde mutation sociétale. Il met en lumière trois tendances principales : le report du mariage, l’individualisation des choix familiaux et la marchandisation des relations conjugales.

L’âge moyen du mariage en Tunisie est actuellement de 35 ans pour les hommes et de 29 ans pour les femmes. Ce retard, selon le sociologue, résulte à la fois d’un choix délibéré et d’une contrainte liée à la précarité économique et sociale.

« Les jeunes ne peuvent plus assumer les responsabilités familiales dans un contexte de vie chère et d’effondrement de la classe moyenne. Le mariage devient alors un projet différé, voire redéfini », explique Ezzeddine.

La structure familiale a également évolué : on est passé d’une famille élargie à une famille nucléaire, avec des décisions de couple de plus en plus autonomes. Le mariage n’est plus considéré comme une obligation sociale ou religieuse, mais comme un moyen d’épanouissement personnel, bouleversant ainsi les rapports conjugaux traditionnels.

Le professeur va plus loin, affirmant que le mariage est aujourd’hui influencé par des logiques de rentabilité émotionnelle, sociale et économique. “Il ne s’agit plus uniquement de fonder une famille, mais de rechercher un partenaire qui apporte une valeur ajoutée, un avantage matériel ou symbolique”, souligne-t-il.

Ce changement vers une approche individualiste et utilitariste pourrait avoir des conséquences visibles : 40 % des divorces ont lieu dans les cinq premières années de mariage, avec un âge moyen de 37 ans pour les personnes divorcées.

Un autre phénomène inquiétant est le divorce silencieux, où des couples restent officiellement mariés sans lien affectif ou sexuel, uniquement pour maintenir les apparences ou préserver des avantages sociaux.

Pour rappel, d’après les dernières statistiques de l’INS : le taux de divorces est passé de 0,5 % en 2004 à 1,4 % en 2024, le taux de femmes divorcées a doublé, passant de 1,5 % à 2,8 %, tandis que la proportion d’hommes célibataires a chuté de 47,1 % à 39 %, et celle des femmes célibataires est passée de 38 % à 29,8 %.

Ces données corroborent les propos d’Ezzeddine sur l’évolution des rapports familiaux en Tunisie, entre un individualisme croissant, des exigences économiques et des aspirations sociales nouvelles.