Qui sont les inspecteurs du permis de conduire ?
Environ 1.200 inspecteurs du permis de conduire sont en France, et le taux de réussite à l’examen est de 58 %. L’an passé, 47 agressions à leur encontre ont été recensées, principalement de nature verbale (83 %).
Ils sont environ 1.200 en France à s’installer sur le siège passager, où rien ne leur échappe. Trente minutes leur suffisent pour évaluer votre capacité à conduire en toute sécurité, et donc décider si vous aurez le droit de vous déplacer librement. Les inspecteurs du permis de conduire, qui sont en grève ce 29 septembre, ont une lourde responsabilité qui leur vaut parfois d’être peu appréciés.
L’an passé, 47 agressions à leur encontre ont été recensées, principalement de nature verbale (83 %). La pression liée à l’obtention du permis pousse en effet certains candidats à dépasser les limites, ce qui peut entraîner une interdiction de passer l’examen pendant plusieurs mois. Pourtant, « l’inspecteur, ce n’est pas le méchant qui ne donne que 5 permis sur 10 », affirme Christophe Nauwelaers, qui a exercé pendant seize ans en Lorraine et en Île-de-France.
Cet ancien enseignant reconnaît que « l’inspecteur du permis est un personnage parfois redouté » en raison de l’importance de la petite carte rose. Un passage obligé pour nombre de personnes, presque un sésame pour l’emploi. « Les inspecteurs des impôts, on ne les apprécie pas trop. Les policiers, ça dépend… Nous, on est stables ! », plaisante-t-il, soulignant que les inspecteurs ne sont « pas là pour être aimés ».
« Notre première responsabilité, c’est de s’assurer que les personnes sur la route ne représentent pas un danger pour elles-mêmes ni pour les autres. Nous n’avons pas de dimension sociale, il n’y a pas d’états d’âme à avoir. Au contraire, celui qui aurait des états d’âme ne ferait pas correctement son métier », confie le secrétaire général du Syndicat autonome national des experts de l’Éducation routière et de la Sécurité routière.
Maxime Bourgeois, en fonction depuis quatorze ans à Lyon, a déjà été confronté à une femme d’une soixantaine d’années qui passait son épreuve pratique pour… la 21e fois. « Nous sortons d’un parking et elle s’engage sur un rond-point alors qu’une voiture était déjà présente, je suis contraint de freiner. Elle me dit : »C’est dommage, je crois que je ne suis pas faite pour conduire… » Nous aurions aimé qu’elle réussisse, nous ne sommes pas inhumains. Mais nous ne pouvons pas lâcher sur la route des gens qui n’ont pas le niveau. »
Christophe Nauwelaers est également tombé quatre fois sur la même candidate à l’examen, qui voulait simplement son permis pour « faire ses courses au Cora ». Mais « la question n’est pas là, affirme l’ancien inspecteur. Nous ne pouvons pas nous permettre d’accorder le permis à des personnes qui sont dangereuses. » Pas de sentimentalisme, donc… ni de corruption. « J’ai déjà reçu des propositions d’enveloppes ! Du genre : »Ah, il y a quelque chose pour vous dans la boîte à gants… » Cela arrive, mais c’est très rare », explique-t-il avec un sourire.
L’inspecteur peut donc paraître froid et sans cœur. Il peut faire peur – qui sait si cela n’explique pas pourquoi Kylian Mbappé refuse toujours de passer son permis ? Mais derrière cette façade d’agent de l’État se cache un être humain comme les autres. « Nous partons en examen avec une petite dame, je la sentais tendue, se souvient Maxime Bourgeois. À la fin, le formateur me demande exceptionnellement d’obtenir le résultat, alors qu’il y a normalement un délai de 48 heures : »Sa maman est sur son lit de mort. Elle va mourir dans la journée et cette dame lui avait promis qu’elle aurait le permis avant son décès. » Je lui ai donné le résultat et je l’ai félicitée, c’est humain. »
L’inspecteur fait également preuve de souplesse face à des candidats stressés. « Je leur dis : »Écoutez, nous allons nous arrêter, respirez, faites une pause. Vous êtes prêt ? Nous repartons. » Cela ne change rien à l’examen. Si je vois un candidat stressé au moment d’une manœuvre, je lui propose que nous descendions pour faire les questions de vérification. Cela permet une petite coupure de 3-4 minutes », assure-t-il.
Depuis une quinzaine d’années, la formation initiale des inspecteurs a évolué. D’une durée de six mois, elle comprend désormais une dimension relationnelle. « Une partie de la formation est axée sur le candidat pour l’aider : faire en sorte que le message soit bien reçu, diminuer le stress… L’objectif est que le candidat puisse montrer au mieux tout ce qu’il sait faire », explique Maxime Bourgeois.
L’examen a lui aussi changé, passant de « la recherche de l’erreur » à un bilan de compétences, où l’inspecteur évalue « toutes les capacités nécessaires pour conduire en sécurité ». Ce qui permet parfois de donner une seconde chance. « Devant un stop, si la voiture avance au ralenti, qu’elle est presque à l’arrêt et que le candidat redémarre, nous allons le représenter sur un autre stop et s’il est bon, cela pourra passer. Nous ne sommes pas des ayatollahs de la sécurité routière. »
Bien que l’inspecteur ne soit pas toujours bien vu, c’est parce que le permis de conduire est souvent le premier examen de la vie impliquant un véritable risque d’échec. À la fin de la chaîne, c’est lui qui subit les conséquences d’un système de plus en plus sous pression. « Si les délais d’attente augmentent, c’est à cause du taux de réussite qui n’est que de 58 %, et cela résulte d’une qualité de formation médiocre », affirme Christophe Nauwelaers.
Le candidat qui sort et claque la porte de la voiture, « nous n’y prêtons même plus attention », confie-t-il. Maxime Bourgeois témoigne de plusieurs agressions verbales « de la part de personnes qui ne supportaient pas d’entendre un non », ainsi que de rares menaces. « Nous savons que cela fait partie du métier, mais cela reste marginal. »
Pourtant, cela n’entame en rien l’amour du métier de nos deux témoins. « Nous ne sommes pas coincés dans un bureau. C’est un métier intéressant, qui peut être varié », assure Christophe. Même si sa douleur au dos nécessite souvent une visite chez l’ostéopathe, Maxime apprécie également son travail. « Je fais de la voiture, de la moto, des poids lourds. Nous pouvons aussi aller contrôler des auto-écoles, des centres de récupération de points… J’ai un contact avec les gens, j’ai un impact sur la société à ma petite échelle. »
Maxime, qui supervise 13 examens par jour, admet que son métier déborde parfois sur sa vie personnelle. Quand il entre dans une voiture, « c’est automatique, je regarde ce que fait le conducteur… », confesse-t-il. « Nous sommes très pénibles, nos familles nous le disent », enchaîne Christophe. « Nous ne pouvons pas nous en empêcher, nous sommes toujours sur le qui-vive. Le bras gauche qui s’avance un peu vers le volant, le pied droit qui essaie de trouver une pédale de frein, les coups d’œil pour voir les rétros… »
Cela peut être agaçant. Mais Christophe Nauwelaers rappelle une chose essentielle : « Une fois qu’ils l’ont, les gens sont contents. L’inspecteur qui leur a attribué le permis, c’est Dieu sur Terre ! »

