Belgique

Des semaines vécues avec des adolescents à l’IPPJ de Braine-le-Château.

Les jeunes placés en IPPJ ont entre 14 et 18 ans et sont soumis à des placements pour des infractions telles que meurtre, viol, trafic de drogue, braquage, vol ou carjacking. L’IPPJ de Braine-le-Château accueille en tout une quarantaine d’adolescents, répartis dans quatre sections fermées.


Ils ont entre 14 et 18 ans en majorité et sont placés en IPPJ (Institution Publique de Protection de la Jeunesse) pour des faits tels que meurtre, viol, trafic de drogue, braquage, vol ou carjacking. Certains viennent d’arriver, d’autres sont familiers avec les lieux, ayant déjà effectué plusieurs placements. « Moi, j’ai fait toute mon adolescence ici, j’en peux plus, la vérité », confie Adam*, 17 ans. Il ajoute : « Tu n’es pas prêt à être en IPPJ », en se remémorant ses premières nuits loin de son quartier et de sa famille. Il se souvient surtout de l’angoisse ressentie quand il s’est retrouvé seul, enfermé : « La première nuit, c’est compliqué de trouver le sommeil, de ne pas se sentir chez soi. »

Le directeur, Jean-Yves Charlier, déclare que « priver un jeune de sa liberté à 15, 16 ans, ce n’est pas rien. » Rachel Buzitu, responsable pédagogique de la section, complète : « Pour des jeunes qui ont souvent vécu en totale liberté, ce sont des limites extrêmement fortes. »

L’IPPJ de Braine-le-Château est difficilement visible depuis la route, se trouvant au bout d’un cul-de-sac, loin de la ville. Le bâtiment, très vaste, est entouré de murs, de caméras de surveillance et de grills. Il dispose de quatre sections fermées pouvant accueillir une quarantaine d’adolescents. Nous avons rencontré des jeunes et des équipes de la section C. Dix jeunes — onze en cas d’urgence — y sont placés par des juges de la jeunesse.

Chaque jeune dispose de sa chambre, mais l’accès y est restreint durant la journée. Le soir, les éducateurs ferment les portes à clé à 21h30 pour les rouvrir le matin à 7h45. Alors, s’agit-il d’une chambre ou d’une cellule ? Omer*, placé pour la première fois en IPPJ à 14 ans, explique : « Moi, dans ma tête, je sais que c’est une cellule, mais une chambre, c’est moins carcéral. » Il nous décrit son lit, les toilettes avec « des mauvaises odeurs qui remontent », l’évier et le faux miroir. Il mentionne également le bouton à presser pour communiquer avec les surveillants pendant la nuit.

Tous les jeunes rencontrés expliquent combien l’enfermement et la surveillance permanente engendrent de l’angoisse et parfois de la colère. Ali parle de « la pression des murs », Enzo admet que « ça fait mal à la tête » et ajoute : « Le plus dur c’est de rester ici. Si la porte était ouverte, tout le monde partirait. »

Bien que l’IPPJ soit fermée, elle maintient un lien avec l’extérieur. Il y a des sorties, d’abord encadrées, puis autonomes, auxquelles les jeunes doivent se conformer par un bon comportement et divers critères. Ces sorties les aident à aborder progressivement leur réinsertion. Cependant, lors de ces sorties, des fugues se produisent parfois, qu’elles soient préméditées ou impulsives, soulevant des questions. Pourquoi risquer la fugue ? Pourquoi ne pas rattraper les jeunes durant les sorties accompagnées ? Stéphane, éducateur, répond : « Nous ne sommes pas policiers, on ne peut pas leur courir après. » Le directeur indique que « moins de 10% des sorties deviennent des fugues. » Chaque incident est déclaré à la police. Souvent, les jeunes sont ramenés par les autorités, parfois — mais cela reste rare — les fugueurs reviennent d’eux-mêmes. D’autres disparaissent sans laisser de traces. Chaque fugue incite l’équipe éducative à s’interroger : « Chaque fugue est un échec pour nous, » confie Max. « Cela signifie que le lien que nous pensions avoir établi n’est pas aussi solide que nous le croyions, » ajoute Nicolas, un autre éducateur.

Le lien est un des fondements du travail en IPPJ. « Nous essayons de ne pas nous focaliser uniquement sur l’infraction commise », explique le directeur. Harold Pelgrims, chef éducateur, précise : « On peut ne pas le comprendre, mais pour moi, ça reste des ados. Je ne vais pas les cataloguer en disant ‘lui, c’est un violeur’, ‘lui, c’est un tueur’. »

Au-delà des limites et des règles, les équipes tentent de créer un lien, en pratiquant des activités sportives, en partageant des repas ou en jouant aux échecs, aux cartes et au ping-pong. En toile de fond, l’équipe observe attentivement les jeunes, leurs évolutions et leurs difficultés. « C’est un travail qui ne s’apprend pas dans les manuels, » poursuit Jean-Yves Charlier. « C’est un peu un travail d’orfèvre de la relation, il faut pouvoir établir des liens avec le jeune. » Rachel, la responsable pédagogique, confirme : « Nous misons sur le lien, sur l’attachement. » D’autant que certains jeunes peuvent rester plusieurs mois, parfois plus d’une année, en IPPJ.

Pourquoi des placements si longs ? Parce qu’avec des jeunes ayant commis des infractions, l’IPPJ remplit une double mission : protéger la société et protéger le jeune. Les jeunes de section fermée ont généralement traversé des enfances particulièrement difficiles. En discutant avec eux, on découvre par exemple que l’un a grandi dans un quartier rempli de dealers, un autre dans un milieu familial violent, et un troisième a suivi sa mère toxicomane dans des squats avant d’être placé d’institution en institution.

La violence, la drogue, l’absence des parents et une grande précarité caractérisent de nombreuses enfances chaotiques de ces adolescents. Chaque semaine, ils peuvent s’exprimer et se confier à des psychologues et assistantes sociales de l’IPPJ. Ils travaillent aussi sur « leurs actes », abordent la question des victimes et envisagent les réparations possibles. En vue de leur réinsertion, ils se penchent avec l’équipe sur leur projet de vie. Pour certains, cela réside dans un retour à l’école, pour d’autres, il s’agit d’un déménagement, d’une formation ou de la recherche d’un emploi étudiant.

Les placements en IPPJ sont également ponctués de rendez-vous avec le juge. Certains jeunes sont « mis en congé » et quittent l’IPPJ après quelques mois, parfois un an. D’autres voient leur placement prolongé. D’autres encore risquent le dessaisissement, ce qui signifie qu’on considère, en raison de leur comportement et des faits qui leur sont reprochés, qu’ils doivent être jugés en tant qu’adultes. Cela les expose à des peines de prison, les retirant ainsi de la protection de la jeunesse. « Je joue ma vie, » explique Omer, conscient qu’il risque d’être dessaisi. Cependant, certains jeunes étonnent tout le monde. Mike, qui pensait être dessaisi et condamné à 10, 15 ou 20 ans de prison, voit son placement se dérouler très positivement. Une thérapie familiale est mise en place, un bénévolat à la ferme débute, il obtient une autonomie, son projet inclut d’écrire à la famille de sa victime. La juge lui offre alors une seconde chance.

L’IPPJ est-elle LA solution face à la délinquance juvénile ? Cela constitue un plaidoyer pour une autre approche de la délinquance des jeunes. En Belgique francophone, six IPPJ sont disponibles, en régime ouvert ou fermé. Leur objectif est d’influer positivement sur la trajectoire des adolescents placés et de les accompagner vers leur réinsertion. Il n’existe pas de chiffres précis sur l’impact d’un passage en IPPJ, car les jeunes passent de mineurs à majeurs durant ou juste après leur placement, ce qui rend difficile l’obtention d’études chiffrées sur leur vie d’après l’IPPJ.

Les équipes de l’IPPJ rencontrées croient en tout cas à l’importance de leur rôle, malgré les moments de découragement. Les jeunes, pour leur part, réalisent parfois longtemps après ce qu’ils ont appris ici. Un éducateur nous confie combien un coup de téléphone d’un jeune devenu papa et ayant trouvé un emploi après un passage par l’IPPJ et la prison l’a touché.

*Pour préserver l’anonymat des mineurs et des jeunes en placement en IPPJ, tous les prénoms ont été modifiés.