Augmenter le temps de travail des professeurs en Fédération Wallonie-Bruxelles : mesure réaliste ?
La Fédération Wallonie-Bruxelles souffre d’un déficit d’1,5 milliard et les experts recommandent de réaliser 300 millions d’économies d’ici 2029. Philippe Defeyt estime qu’il faut aligner la charge horaire des enseignants du secondaire supérieur sur celle des enseignants du secondaire inférieur pour des raisons d’équité.
Dans un contexte de troubles financiers pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), un comité d’experts a été mandaté par Élisabeth Degryse pour examiner les possibilités d’économies. Actuellement, le budget de la FWB présente un déficit de 1,5 milliard d’euros. Les experts recommandent de réaliser 300 millions d’euros d’économies d’ici 2029 afin de redresser la situation financière de la FWB.
Le rapport des experts souligne à la fois la nécessité et l’urgence de ces mesures. Parmi leurs propositions figurent l’augmentation des heures de cours pour certains enseignants du secondaire, l’augmentation du minerval dans l’enseignement supérieur, et une révision du système de facturation des crèches. Bien que ces mesures visent à éviter un endettement accru, elles suscitent de vives inquiétudes parmi les enseignants. La décision d’appliquer ces mesures incombe désormais au gouvernement et au Parlement de la Communauté française.
Les experts recommandent d’accroître le nombre d’heures de cours dispensées par les professeurs du secondaire supérieur, ainsi que d’augmenter la charge horaire des enseignants d’éducation physique et d’éducation artistique et musicale. Philippe Defeyt, économiste membre du groupe d’experts, défend que l’harmonisation des charges horaires des enseignants du secondaire supérieur avec celles de leurs collègues du secondaire inférieur serait équitable, tout en s’alignant sur les pratiques dans la majorité des pays européens.
Adrien Roosman, permanent du SETCa, questionne les bases objectives de cette évaluation : « J’aimerais bien savoir sur quelles bases objectives les experts ici se sont prononcés. Cela fait des années que nous demandons, en tant qu’organisation syndicale, que l’on objective le temps de travail des enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles. » Roosman estime que, d’après l’exemple de la Flandre, les enseignants y consacreraient environ 46 heures par semaine, ce qui dépasse déjà le temps légal. Il souligne également que le travail des enseignants inclut des tâches invisibles, non comptabilisées, remettant en question les chiffres avancés dans le rapport.
Philippe Defeyt, conscient que le travail d’un enseignant dépasse le temps passé en classe, insiste sur la nécessité de calculer la charge annuelle pour la comparer à d’autres professions. Il s’interroge également sur les justifications de la différence de préparation entre enseignants du supérieur et du secondaire inférieur, une question à laquelle une auditrice répond : « Est-ce qu’une dissertation de quatre pages prend le même temps à corriger qu’un texte d’une centaine de mots ? »
Marc Sirlereau, journaliste à la RTBF, estime que la plupart des recommandations des experts s’accordent avec les objectifs du gouvernement MR-Engagés, bien que certaines ne le soient pas. Une mesure clé du gouvernement Degryse vise à mettre fin aux nominations dans l’enseignement, pour privilégier des contrats à durée indéterminée, ce qui pourrait causer des surcoûts significatifs. Les experts remettent également en question les disponibilités précédant la retraite des enseignants, proposant qu’il faudrait les réexaminer.
Pour Adrien Roosman, il sera « difficile de dénicher des mesures positives dans ce catalogue des horreurs », tout en identifiant une mesure qui rejoint certaines attentes des syndicats : la question des CDI pourrait représenter un surcoût intolérable pour la FWB.
Philippe Defeyt nuance les critiques en soulignant que le rapport des experts aborde aussi des besoins d’investissement pour l’avenir, comme le meilleur accompagnement des enseignants débutants et la possibilité pour les enseignants en fin de carrière de se dégager de tâches trop lourdes en mettant leur expérience au service de leurs collègues et de l’établissement.
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