1.600 euros pour deux jours : un sentiment amer pour les EVG/EVJF
Les enterrements de vie de célibataire (EVJF/EVG) représentent un marché annuel compris entre 15 et 25 millions d’euros en France, avec plus de 100.000 EVJF organisés chaque année. En 2019, 72 % des femmes de moins de 30 ans célébraient ce rite, contre seulement 12 % dans les années 1990, selon l’Ined.

Week-end à Marrakech, escape game à Paris, villa avec piscine en province ou trekking en Slovénie… Les enterrements de vie de célibataire (EVJF/EVG) se déclinent aujourd’hui sous de nombreuses formes. Devenus presque incontournables avant le mariage, ils représentent désormais entre 15 et 25 millions d’euros par an en France, avec plus de 100.000 EVJF organisés chaque année, selon Le Monde.
« L’enterrement de vie de jeune fille apparaît comme un moyen de célébrer une fête de la même manière que les hommes, de transgresser les normes », souligne la sociologue Florence Maillochon dans Le Monde. Toutefois, cette transgression s’est progressivement transformée en un rituel codifié. « Une fête mixte offre aux agences et magasins spécialisés l’opportunité de commercialiser une variété d’articles adaptés aux hommes et aux femmes », précise-t-elle.
« Une charge énorme pour les témoins »
En dépit de son appellation, ce « rite » n’a rien de traditionnel. « Bien que certains le décrivent comme une tradition, il s’agit en réalité d’une pratique très récente, qui a pris son essor dans les années 2000 », insiste Florence Maillochon sur BFMTV. Dans les années 1960, ces célébrations étaient rares et inexistantes pour les femmes. « À cette époque, il s’agissait véritablement d’enterrer sa vie de garçon, de passer une dernière soirée de liberté avant de s’engager. Aujourd’hui, les couples cohabitent souvent avant le mariage, et l’on enterre surtout un statut civil. »
La popularité de ces fêtes a explosé : dans les années 1990, seulement 12 % des femmes françaises célébraient ce rite, contre 72 % des moins de 30 ans en 2019, selon l’Ined. L’essor de ces événements a entraîné une hausse des coûts, ouvrant la voie à un nouveau marché. Dans l’Essonne, Stéphanie Galzin, 37 ans, a fondé l’agence Bachelorette Party en 2021. « Je voulais être indépendante après le Covid. En creusant, j’ai réalisé à quel point l’organisation d’un EVJF était une vraie charge pour les témoins : cela leur tombe dessus du jour au lendemain. »
Son agence gère désormais l’organisation : plateforme interactive, catalogue d’activités, tests personnalisés et blog conseils. Les demandes reflètent les tendances actuelles : logements Airbnb avec piscine, spa, hammam, pyjamas assortis, et activités « instagrammables ». Le traditionnel strip-tease d’un chippendale, autrefois incontournable, est en déclin. « L’image de la femme qui s’enthousiasme pour des abdos est devenue dépassée. » En ce qui concerne les tarifs, la moyenne se situe entre 150 et 250 euros par personne (hors transports et hébergement), pour des groupes de 5 à 12. Cependant, l’inflation complique la situation : « Les billets de train et les locations grimpent, ce qui réduit notre marge de manœuvre », déplore Stéphanie Galzin.
Quand l’amitié coûte cher
C’est exactement le budget de l’EVJF de Maëlys, 32 ans, Parisienne. « J’ai choisi un format simple : cours de pâtisserie, dîner et soirée à Paris. » Coût : 250 euros par amie. « Je voulais que tout le monde puisse venir », explique-t-elle, refusant de se prêter à une surenchère qu’elle a observée parmi ses connaissances. « J’ai assisté à douze mariages et quatre EVJF en deux ans, avec des budgets de 800 euros à chaque fois. »
La démesure, Louis, 30 ans, banquier à Lausanne, l’a vécue. Le jeune Suisse a été entraîné dans un EVG en Slovénie sans jamais connaître le coût. « Le témoin ne nous avait rien révélé sur le prix. J’ai réservé mon vol à 250 euros, pensant que cela serait ma plus grande dépense. Sur place, chaque activité surprise était très coûteuse : ascension du Triglav, Airbnb luxueux à 2.000 euros, voitures de location… »
À la fin, l’addition s’élève à 1.600 euros pour deux jours, comme l’a révélé le Tricount. « Même les pourboires généreux que le témoin avait laissés à chaque prestataire étaient inclus. Je n’ai pas osé demander le coût avant le week-end, ni protester après. J’ai payé, mais j’en ai gardé un goût amer », confie le trentenaire.
« L’important, être avec mes proches »
Isabelle avoue pour sa part n’avoir « jamais vraiment aimé le concept des EVJF ». Pour elle, l’essentiel ne réside pas dans le programme. « Ce qui compte, c’est d’être avec mes proches, y compris ceux de mon futur mari, car avec le temps, nous sommes tous devenus amis. » Elle a donc décidé de tourner le dos aux enterrements de vie de célibataire traditionnels et genrés, même si cela a pu contrarier certaines de ses amies.
C’est sa meilleure amie Gabrielle, 33 ans, Parisienne dans l’événementiel, qui a pris en main l’organisation de cet EVGJF commun. « Un vrai travail à plein temps » avec une trentaine d’invités, 500 euros chacun, dans une grande maison soigneusement décorée à Saint-Malo, avec chasse au trésor, spa intérieur, et raclette conviviale… Pour réduire les coûts, Gabrielle a même combiné l’événement avec deux autres célébrations très en vogue : une baby shower et une gender reveal. « Beaucoup étaient soulagés de ne pas avoir à prendre l’avion et de condenser tous ces moments sur un seul week-end. »

