Les pays du flanc Est de l’Europe s’accordent sur un mur anti-drones.
L’Union européenne, sous l’impulsion du Commissaire européen à la Défense Andrius Kubilius, développe un dispositif anti-drones en impliquant une dizaine de pays. Selon Thierry Bon, directeur chez Thalès, la détection des drones nécessite une combinaison de plusieurs technologies, y compris des radars spécialisés et des systèmes d’intelligence artificielle, pour centraliser les informations dans des postes de commandement.
Face aux incursions de drones, l’Union européenne prend des mesures. Le Commissaire européen à la Défense, l’ancien Premier ministre lituanien Andrius Kubilius, a proposé de créer un dispositif, un « mur », pour contrer ces drones, en collaboration avec une dizaine de pays concernés.
### Radar, laser, IA : un mur très technologique
Les drones, qu’ils soient légers ou lourds, à courte ou longue portée, se déplacent à diverses vitesses. Leur détection nécessite une combinaison de technologies évolutives, comme l’explique Thierry Bon, directeur des solutions de lutte anti-drones chez Thalès : « Il y a des radars spécialisés qui surveillent les pistes des aéroports pour assurer la sécurité des départs et des arrivées des avions. »
> « Ce qui est important, c’est que toutes ces informations soient centralisées dans des postes de commandement opérés par des êtres humains et aidés par des capacités d’intelligence artificielle. »
*Thierry Bon, directeur chez Thalès*
« Nous parlons de technologie hybride, » ajoute Thierry Bon. Un unique système ne suffira pas à détecter et neutraliser les drones. Des radars de haute performance, capables de détecter sur plusieurs kilomètres, seront complétés par d’autres technologies, comme l’écoute des signaux entre les télécommandes et les drones, associée à des caméras électro-optiques et infrarouges.
« Il est crucial que toutes les informations soient centralisées pour réduire la charge cognitive des opérateurs humains et leur permettre de prendre des décisions efficaces face à une menace. Ce dispositif est constitué de technologies déjà disponibles et d’autres en développement, en réponse à l’évolution des menaces, » conclut Thierry Bon.
### Comment neutraliser un drone ?
Pour combattre les drones, diverses technologies, capteurs et armes seront nécessaires, ainsi que des systèmes de brouillage. Ces moyens seront gérés soit par l’OTAN, soit par l’Union européenne, intégrant des méthodes de « soft kill » pour neutraliser les drones sans les abattre, en évitant de toucher des zones sensibles comme des aéroports.
Les ondes électromagnétiques seront employées, explique Thierry Bon : « Il y a aussi le ‘hard kill’ avec des lasers pour abattre un drone, jusqu’à des canons ou des missiles, et même des systèmes qui envoient des micro-ondes pour endommager l’appareil. »
### Savoir-faire ukrainien
Le Commissaire Kubilius s’appuie sur l’expérience acquise par les forces ukrainiennes, qui ont développé un écosystème regroupant « des données en ligne, des ingénieurs, des innovateurs, et des analystes numériques » pour optimiser leur défense.
« Nous sommes prêts à partager notre expérience en matière d’interception de drones russes avec l’UE, l’OTAN et les pays voisins, » a affirmé Denys Chmygal, ministre ukrainien de la Défense, à l’issue d’une réunion.
L’Ukraine doit faire face à des centaines de drones russes chaque nuit. Elle est l’un des rares pays européens à produire des drones anti-drones, moins coûteux que les missiles ou les chasseurs utilisés par l’OTAN contre les drones russes.
### Une solution ambitieuse
Le Commissaire espère établir rapidement un système coordonné. Cependant, des solutions anti-drones existent déjà en Europe, ayant été utilisées lors des Jeux olympiques de Paris, mais leur compatibilité est parfois remise en question, selon le ministre finlandais de la Défense, Antti Häkkänen.
L’approche repose sur trois piliers : la détection via la surveillance et des radars, les mesures contre les drones, et la destruction à moindre coût grâce à de nouveaux systèmes d’armement. Le Commissaire prévoit un budget pour ces projets, grâce aux 150 milliards d’euros prévus pour les achats d’armement en commun. Cependant, il est difficile d’évaluer le coût total d’un système s’étendant sur des milliers de kilomètres, le plus cher étant la mise en place de capacités d’interception.
La Commission vise à finaliser ce « mur » dans les plus brefs délais, bien que cela puisse prendre plus d’un an, en donnant la priorité aux zones les plus vulnérables, comme la Pologne.
### Stratégie hybride
Michel Liégeois, professeur en relations internationales à l’UCLouvain, souligne que la menace des drones est complexe. « Ce qui est frappant avec ces stratégies hybrides, c’est qu’elles sont souvent difficiles à interpréter, » note-t-il, ajoutant que cela soulève des interrogations quant à l’auteur et aux objectifs de ces incursion.
Les objectifs des drones semblent variés, touchant diverses infrastructures, engendrant des incertitudes pour la population, comme le sentiment de conflit avec la Russie. Les Européens restent divisés, ce qui compromet l’unité européenne alors même que le projet de mur est en cours d’élaboration.
La Commission n’a initialement invité que sept pays de l’Est à discuter de ce projet, laissant de côté la Hongrie et la Slovaquie, jugés trop proches de Moscou. Cependant, après intervention, ces deux pays ont été invités à participer aux discussions, soulignant la nécessité d’une réponse unifiée face à la menace. Tous les pays participants se sont accordés sur l’importance d’un mur anti-drones équipé de technologies avancées pour la détection et l’interception, avec des discussions prévues lors d’une réunion informelle à Copenhague.

