La Bamba, Jingle Bells, We Will Rock You : la catégorisation des rythmes par le cerveau.
Dix-huit participants ont été soumis à des rythmes de catégories différentes, certains ayant une formation musicale ou en danse, tandis que d’autres n’avaient aucune formation. Les résultats montrent que le cerveau cartographie automatiquement ces rythmes, même sans mouvement, suggérant que cette fonction pourrait ne pas être sous contrôle volontaire.
Coiffés d’un casque équipé d’électrodes, dix-huit participants ont été exposés à divers rythmes. Parmi eux, certains avaient une formation musicale ou en danse, tandis que d’autres n’en avaient aucune, afin de généraliser les résultats à la population dans son ensemble.
Pour écouter ces 13 blocs de rythmes différents, les participants devaient soit taper en rythme avec leur index sur un appareil connecté, soit se contenter d’écouter sans effectuer de mouvements inutiles ni de tensions musculaires. Dans ce dernier cas, ils devaient fixer une croix affichée devant eux pour minimiser les mouvements des yeux et des muscles.
Durant ce processus, l’équipe de recherche, dirigée par Sylvie Nozaradan, professeure à l’Institute of Neuroscience de l’UCLouvain, enregistrait l’activité cérébrale des participants.
L’originalité de cette recherche réside dans la capture de la manière dont les neurones et l’activité du cerveau catégorisent le rythme, indépendamment de notre comportement, ce qui contraste avec les études antérieures qui évaluaient cette perception via nos mouvements.
« Jusqu’à présent », explique Sylvie Nozaradan, « les recherches qui s’étaient intéressées à la perception du rythme ont utilisé des tâches qu’on faisait faire aux participants. Par exemple, bouger en rythme sur des rythmes qui sont présentés, ou bien leur demander de discriminer des rythmes, c’est-à-dire faire la différence entre un rythme et un autre rythme. Et ce que nous avons fait dans notre expérience, c’est directement enregistrer l’activité cérébrale des rythmes du cerveau en réponse aux rythmes qui ont été joués aux participants. Et c’est ce qui permet en fait d’avoir accès au traitement de l’information rythmique directement. »
Les résultats indiquent que le cerveau mappe automatiquement ces rythmes, même en l’absence de tout mouvement. Ce n’est donc pas le mouvement qui catégorise les rythmes, mais notre simple activité cérébrale. Cela suggère que la reconnaissance et la catégorisation des rythmes sont des fonctions largement automatiques du cerveau humain, possiblement non sous contrôle volontaire.
« Par exemple », raconte la professeure Sylvie Nozaradan, « on a utilisé un rythme qui est très souvent employé dans la musique à travers le monde, de manière quasi universelle. C’est le rythme que l’on retrouve par exemple dans Jingle Bells, la chanson de Noël. C’est un rythme présent dans We Will Rock You de Queen, ou dans de nombreuses musiques, avec une structure relativement simple. On a joué différentes versions de ce rythme. Une version très précise, puis d’autres versions légèrement distordues, c’est-à-dire s’éloignant du rythme initial. Cependant, le cerveau a réagi de la même manière à ces variations. Cela nous montre que le cerveau généralise et interprète ces différentes versions selon une même structure rythmique. »
Mais cette capacité est-elle totalement innée ou acquise ? Pour le déterminer, il sera nécessaire de tester et de comparer différentes tranches d’âge, allant du nourrisson qui ne parle pas encore à l’adulte. Ce sera l’objet d’une autre recherche en cours qui permettra de suivre, par l’activité cérébrale, l’évolution de notre capacité à reconnaître et classifier les rythmes tout au long de la vie.
Cette étude a été publiée dans la revue Science Advances.

