Dénatalité : impact sur les écoles de la FWB, trois ou quatre élèves perdus chaque année.
Ce mardi 30 septembre, date butoir de comptage des élèves dans toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), Anne Soyeur, directrice de l’école communale de Romsée, à Fléron, va devoir se séparer d’un mi-temps pour la deuxième fois en deux ans. Entre 2017 et 2023, les effectifs de l’enseignement fondamental en FWB ont diminué de près de 5%, passant de 527.423 élèves à 501.709, selon l’Administration Générale de l’Enseignement (AGE).
Annoncer une mauvaise nouvelle est toujours une tâche délicate. Ce mardi 30 septembre, date limite pour le comptage des élèves dans toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), Anne Soyeur, directrice de l’école communale de Romsée à Fléron en province de Liège, va devoir informer ses équipes qu’elle doit se séparer d’un mi-temps. C’est la deuxième fois en deux ans qu’elle prend une telle décision, à contrecoeur.
« L’année passée, j’avais déjà perdu l’équivalent d’un mi-temps du primaire. Cette année, le nombre d’élèves inscrits dans mon école continuant de baisser, je vais à nouveau perdre un mi-temps. Donc sur deux ans, j’aurais perdu l’équivalent d’un temps plein complet », explique-t-elle.
Dans cette école de 170 élèves, le nombre d’inscrits n’a cessé de diminuer : « On a 20 élèves de moins sur deux ans, maternel et primaire confondus », soupire la proviseure. Pour Anne Soyeur, la baisse de la natalité « est une grande inquiétude ».
Avec une diminution de 274 enfants (de 0 à 12 ans) dans la population fléronnaise au cours des six dernières années, l’un des dix établissements scolaires situés dans un rayon de treize kilomètres a subi un sort encore plus tragique. L’école « Place aux enfants », à Retinne, a fermé ses portes en février dernier en raison d’un nombre insuffisant d’élèves.
Les menaces de fermeture d’écoles ou de classes, ainsi qu’une diminution de l’encadrement des élèves et des baisses de dotation pour la FWB sont autant de conséquences de la dénatalité dans l’enseignement.
**Moins 15% d’élèves d’ici à 2040**
Cette diminution du nombre d’élèves n’est pas un phénomène isolé. Sur l’ensemble du territoire de la FWB, les chiffres de l’Administration Générale de l’Enseignement (AGE) sont sans appel. Entre 2017 et 2023, les effectifs de l’enseignement fondamental ont chuté de près de 5%, passant de 527.423 élèves à 501.709, selon l’AGE.
Cette chute est particulièrement marquée dans les écoles maternelles, où les effectifs ont diminué de plus de 10,6% entre ces deux dates, soit 20.090 jeunes écoliers en moins. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir, selon les projections de l’AGE jusqu’en 2038.
Le démographe précise que « c’est très difficile de projeter combien d’enfants en moyenne les femmes auront dans les 20 prochaines années. » À terme, le Bureau du Plan table sur 1,6 enfant par femme en moyenne dans les trois régions.
Cependant, plusieurs obstacles continueront de peser sur la décision d’avoir des enfants, notamment la conciliation entre vie professionnelle et familiale, l’instabilité relationnelle et professionnelle, ainsi que la hausse du coût du logement, comme le soulignent les experts du Bureau du Plan et de l’Université d’Anvers. À Bruxelles, deux autres facteurs viennent s’ajouter : la « périurbanisation des bébés », avec des familles qui choisissent de quitter la capitale pour obtenir un logement plus spacieux à moindre coût, et un changement dans la population étrangère, où la forte immigration, notamment en provenance du Maroc, Congo ou Turquie, a été remplacée par des personnes issues de l’Union européenne, qui ont un taux de fécondité plus faible.
**Normes minimales**
Avec moins de bébés nés ces dernières années, les écoles maternelles, qui accueillent les plus jeunes, sont les plus menacées de fermeture. Pour rester ouvertes, elles doivent respecter des « normes de rationalisation », qui déterminent les conditions à remplir pour pouvoir maintenir une école ou une installation. Une école est considérée comme respectant ces normes si, à la date du 30 septembre de l’année en cours, elle atteint, par école, par implantation et par niveau d’enseignement, les minimums de population fixés.
Ce cas reste toutefois exceptionnel, selon Luc Toussaint, président de la CGSP-Enseignement. Il estime que ce seront les enseignants temporaires qui subiront le plus d’impact suite à la dénatalité et aux fermetures de classes et d’écoles conséquentes. « S’il y a une diminution de la population scolaire, le temps d’attente des personnes temporaires pour obtenir une ouverture de classe sera encore plus long. »
Du côté du cabinet de la ministre Valérie Glatigny (MR), on confirme que « ce qui est certain, c’est que quoi qu’il en soit, les nommés ou engagés à titre définitif seront affectés », tandis que « les temporaires pourraient ne pas être reconduits ».
Cette potentielle réduction des postes pourrait être bénéfique face à la pénurie actuelle de professeurs, selon le cabinet de la ministre. « Chaque année, 7% des enseignants quittent le métier, généralement pour partir à la pension. Même si le nombre d’élèves baisse d’environ 10% dans les dix ans, à savoir 1% par an… On n’est pas spécialement inquiet, les choses s’équilibreront un peu d’elles-mêmes ».
C’est un mauvais calcul selon Luc Toussaint, qui critique les politiques qui « continuent à se bercer d’illusions en disant que la pénurie se résoudra d’elle-même via la diminution de la population scolaire. » Selon lui, des « mesures efficaces pour lutter contre cette pénurie » doivent être mises en place.
Une étude menée par des chercheurs du Cerpe (UNamur) indique qu’entre 2023 et 2029, il y aura 2.383 équivalents temps plein de professeurs en moins en FWB.
**Qui dit moins d’élèves, dit moins de subventions pour les écoles**
Une diminution du nombre d’élèves signifie également moins de subventions de fonctionnement pour les établissements, avertit Ghislain Maron, président de l’Association inter-réseaux des directions d’école (Aide). « Il y a des frais incompressibles dans les écoles qui ne dépendent pas du nombre d’élèves. Le coût du chauffage, de l’électricité et de toutes ces charges fixes n’a pas changé. » Ces effets financiers impactent particulièrement les écoles du réseau libre, qui ne reçoivent pas de soutien communal.
À une échelle plus vaste, si cette dénatalité se confirme, la FWB pourrait subir des pertes financières significatives. Environ 70% de ses recettes proviennent de la « dotation TVA fédérale », calculée en fonction du nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement officiel pour les deux communautés du pays. D’ici 2029, le cabinet Glatigny estime que la dénatalité pourrait coûter 170 millions d’euros à la communauté.
Cette prévision coïncide avec la volonté de la ministre de ne pas réviser les normes minimales, notamment demandées par les députés socialistes pour les écoles maternelles : « On ne peut pas se permettre de garder des écoles avec trop peu d’élèves », rappelle son cabinet.
**Pédagogie et qualité de l’enseignement**
Dominique Luperto, qui plaide pour le maintien des écoles de proximité, conteste cet argument financier. « Si nous devions réduire le nombre d’établissements et rationaliser en fusionnant les petites structures avec des plus grandes, nous ferions face à la question des transports scolaires, qui aurait également un coût pour le gouvernement. »
Ce ne sont pas les seuls frais que la FWB aurait à supporter, selon Bénédicte Linart (Ecolo). À moyen terme, la communauté devra également gérer les conséquences négatives de la fermeture des écoles sur la pédagogie. « Nous savons bien que, dans le temps, des élèves qui n’arrivent pas à adhérer aux apprentissages se dirigent vers l’échec. Et le coût du redoublement est très élevé pour la FWB », souligne-t-elle.
Selon les données administratives, le coût du redoublement est évalué à 402 millions d’euros par an pour la FWB. C’est pourquoi Bénédicte Linart estime qu’il est impératif de procéder « à un vrai travail sur l’impact de la dénatalité dans les différentes écoles » pour les maintenir ouvertes, ce qui « permettrait de renforcer les apprentissages des élèves dès leur jeune âge. »
Dominique Luperto acquiesce, affirmant que cette baisse de la natalité « ne peut pas avoir un effet positif », que ce soit « sur la qualité de l’enseignement, en termes d’encadrement, ou de stabilité ». Il rappelle que la qualité de l’enseignement dépend aussi de la professionnalité des enseignants et de la stabilité des équipes.
**Un projet de décret**
Cette situation commence à susciter des inquiétudes parmi certains élus. Le 3 septembre 2025, huit députés socialistes ont déposé un projet de décret visant à « geler temporairement les normes de maintien dans l’enseignement maternel ». Ils s’inquiètent que « des établissements soient actuellement menacés de fermer car il leur manque quelques élèves pour atteindre les normes minimales d’inscriptions prévues par la FWB ».
Ce projet prévoit un moratoire de douze mois afin de « sauver cette année toutes les écoles maternelles n’ayant pas obtenu de dérogation et d’offrir un délai pour revoir les normes de maintien ». Selon ces députés, des normes trop rigides « mettent en difficulté des familles et menacent des emplois ».
La rapporteure du projet, Dorothée De Rodder (PS), cite sa commune de Tournai comme exemple où un moratoire a reçu un soutien unanime des groupes politiques pour les écoles maternelles menacées de fermeture. Cela montre que « les élus du terrain, confrontés à la dénatalité, souhaitent réfléchir à ce grand sujet de société ».
Le cabinet de la ministre défend que « ces normes restent avantageuses, notamment pour les écoles en zones rurales et les petites écoles de moins de 50 élèves ». Par exemple, une école isolée en milieu rural doit avoir douze élèves en maternelle ou en primaire, et 20 pour un établissement fondamental, contre 60 requis dans une école situação dans une commune de plus de 500 habitants au kilomètre carré.
Pour éviter de fermer, une école peut également se restructurer ou fusionner avec une autre, comme dans le cas de l’école secondaire d’Attert, en février dernier. « Un mécanisme peu utilisé actuellement », regrette la députée Stéphanie Cortisse (MR), ajoutant que lorsque cela se produit, « c’est généralement avec succès ».
Quant au projet de décret, après avoir reçu cinq votes favorables (du PS, d’Ecolo ou du PTB) et huit défavorables (du MR et des Engagés), il a été rejeté en Commission Éducation pour l’instant. La prochaine étape sera un vote en séance plénière le 1er octobre devant tous les députés de la FWB, avec peu de chances d’adoption.

