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En Ouganda, l’éducation des hommes favorise l’émancipation féminine.

95% des femmes ougandaises déclarent avoir subi des harcèlements ou des abus sexuels. En 2019, 13 tribunaux de 6 villes ougandaises se sont fixés pour objectif de juger 700 affaires de violences sexuelles.


La violence sexiste en Ouganda est un phénomène omniprésent : 95 % des femmes ougandaises affirment avoir subi des harcèlements ou des abus sexuels.

Les organisations locales indiquent que les abus et les harcèlements à caractère sexiste sont largement banalisés et restent souvent silencieux. La peur de la stigmatisation et le manque de confiance envers la justice découragent les victimes de porter plainte. Isolées et dépourvues de mécanismes de protection efficaces, elles se retrouvent sans recours, tandis que l’impunité des agresseurs maintient un cycle de violences difficile à rompre.

Cependant, les femmes tentent de rompre ce cycle, notamment grâce à des soutiens économiques externes. Pour les réseaux de volontaires et de femmes, il est primordial d’éduquer les hommes à une culture non patriarcale.

Appelé *la perle de l’Afrique* par Winston Churchill, l’Ouganda est un pays en développement qui accueille actuellement près de 2 millions de réfugiés et de demandeurs d’asile provenant de la République démocratique du Congo, du Soudan et du Soudan du Sud.

La crise humanitaire touche fortement le nord et l’est du pays. Les guerres civiles et les campagnes militaires menées par le chef militaire Joseph Kony – actuellement jugé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre – ont ravagé ces régions.

Les exactions de l’Armée de résistance du Seigneur de Kony, dont les violences sexuelles, reflètent une stratégie récurrente des groupes armés rebelles, comme cela a été récemment observé en République démocratique du Congo.

La position sociale des femmes en Ouganda est, selon les associations humanitaires internationales, préoccupante : il s’agit d’une société fortement patriarcale où les hommes exercent fréquemment un contrôle sur les décisions et sur le corps des femmes, y compris des jeunes filles. Un chiffre alarmant, lié au taux de fécondité élevé, illustre cette réalité : 33 % des femmes accouchent avant l’âge de 18 ans.

Les résultats d’une étude menée à l’Université de Lira, dans le nord de l’Ouganda, révèlent que dans le camp de réfugiés de Palabek, quatre adolescentes sur dix sont enceintes, influencées par des facteurs individuels, communautaires et liés au système de santé. Selon les chercheurs, « cela met en évidence les vulnérabilités dans les camps de réfugiés et incite à donner la priorité à la santé sexuelle et reproductive des adolescentes dans ces camps ».

Ces filles sont souvent victimes de rapports sexuels non consentis, tant dans le cadre familial que dans l’espace public. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les grossesses précoces rencontrent de nombreux obstacles et peuvent s’avérer mortelles pour les jeunes filles.

En outre, en Ouganda, les jeunes mères sont privées d’accès à l’éducation de base, car la prise en charge des enfants et des responsabilités familiales repose sur elles, tandis que les suivis médicaux demeurent insuffisants.

Un exemple concret de violences sexuelles publiques en Ouganda, mais aussi au Kenya et dans la région de l’Afrique de l’Est, est celui des Disco Matanga — littéralement « discothèques funéraires ». Ces événements, organisés en soirée après les enterrements et souvent prolongés tard dans la nuit, voient des hommes, fréquemment sous l’emprise de l’alcool ou de drogues, payer de jeunes femmes pour danser.

Les fonds ainsi collectés servent à couvrir les frais d’enterrement. Plusieurs ONG de défense des droits humains dénoncent toutefois ces rassemblements, qui dégénèrent parfois en prostitution forcée et en violences sexuelles.

Le 7 octobre 2024, après les pressions des réseaux de femmes et des ONG humanitaires, le gouvernement ougandais a officiellement interdit les Disco Matanga.

Les violences enregistrées dans les rapports dénoncent une crise humanitaire : les condamnations prévues, qui vont jusqu’à la peine capitale, ne sont pas toujours infligées aux agresseurs. Pour les femmes ougandaises, la justice est absente et ses procédures sont largement ralenties.

En 2019, 13 tribunaux de 6 villes ougandaises se sont fixés comme objectif de juger 700 affaires de violences sexuelles.

Rosemary Kyomugasho, une femme d’affaires de 38 ans, a déclaré que sa sœur avait été traumatisée après avoir été victime d’un vol puis d’un viol collectif. En 2018, elle avait dénoncé la lenteur de la procédure judiciaire :

« Nous allons devant les tribunaux depuis deux ans mais l’affaire est toujours reportée. »

Le sentiment d’injustice des femmes, qui sont effectivement laissées pour compte par les autorités, s’est peu à peu transformé en la création de réseaux de partage et de solidarité, soutenus par des aides économiques étrangères, ainsi que par des bénévoles des réseaux humanitaires.

La lutte pour l’égalité des sexes en Ouganda s’intensifie, soutenue par le suivi du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, les interventions des rapporteurs spéciaux et l’aide financière de l’Union européenne. Cependant, certaines des initiatives les plus remarquables émergent de l’intérieur, grâce à des réseaux de femmes mobilisées contre les violences sexistes.

Parmi ces réseaux, l’ONG des réseaux pour les femmes ougandaises UWONET (*Uganda Women’s Network*) joue un rôle clé dans la promotion de l’émancipation féminine. L’un de ses projets récents, particulièrement novateur, met l’accent sur un enjeu essentiel : l’éducation des hommes au consentement et à la sexualité, ainsi que la création d’espaces sûrs et d’opportunités pour les jeunes femmes.

Ce projet fait partie des actions humanitaires de l’ONG AMREF Health Africa, active en Europe et en Afrique.

Le projet *Action to Scale Up Reduction of Teenage Pregnancies Among Vulnerable Girls in Eastern Uganda* (Mesures visant à réduire davantage le nombre de grossesses chez les adolescentes vulnérables dans l’est de l’Ouganda) est un plan éducatif et de soutien de deux ans, financé également par l’Union européenne, qui repose sur des approches communautaires participatives.

La formation de leaders locaux, l’équipement des structures sanitaires et la promotion de la participation des hommes pour favoriser l’égalité des sexes constituent les bases de ce projet. Des exemples de succès notables, comme la création de petites entreprises par de jeunes filles et le mentorat d’autres jeunes filles, soulignent l’impact durable du programme.

Dolly Ajok, chef de projet, précise que ce programme ne vise pas seulement à soutenir les jeunes femmes, mais également à créer un projet éducatif, solidaire et collaboratif entre les hommes, qui sont au cœur des dynamiques de violence à briser.

Lors des activités liées au projet, lancé début 2025, des études ont été réalisées : selon une enquête, 62,7 % des personnes interrogées estiment que les jeunes n’ont ni le choix ni le droit de décider d’avoir un enfant, malgré une ouverture apparente des communautés aux droits en matière de santé sexuelle et de contraception.

Une analyse plus approfondie dans la région révèle que 58 % des adolescentes entretiennent des relations sexuelles en échange de biens, 66 % tombent enceintes avant un mariage précoce et 34 % après. Ces chiffres mettent en lumière la diversité des chemins menant à des grossesses adolescentes, soulignant ainsi la pertinence et l’urgence du projet.

Dans l’est de l’Ouganda, 200 hommes ont participé au programme de soutien mis en place par l’UWONET. Leur rôle est de devenir des « Model Men », des figures de référence engagées dans la lutte contre les violences sexistes. Formés aux valeurs d’un respect envers les femmes et les filles, ces volontaires agissent comme mentors auprès des jeunes garçons pour promouvoir des relations responsables. Ils orientent également les femmes victimes de violences vers des services d’assistance et de santé appropriés.

« J’ai perdu mes parents, et cela m’a poussé à abandonner l’école », témoigne Souleyman Tenywa, un jeune ougandais. « Avant ce projet, j’étais un mauvais exemple pour notre communauté. »

« Aujourd’hui, je suis déterminé à ne pas laisser ma souffrance et mon abandon scolaire définir mon avenir. Je m’engage à devenir un homme responsable et un modèle positif pour les autres. »

Le projet se poursuivra en 2026 dans d’autres territoires de l’est de l’Ouganda, alors que le pays traverse une phase politiquement délicate – le président Yoweri Museveni ayant déjà annoncé sa candidature aux élections prévues pour janvier 2026 – l’attention se portera désormais sur les dynamiques qui accompagneront ce tournant crucial.