L’enseignement et les profs visés par les économies de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles se réunit dès lundi prochain pour trouver 300 millions d’euros. Le rapport des experts souligne que la Fédération Wallonie-Bruxelles traîne aujourd’hui une dette de 14 milliards d’euros, soit davantage que ses recettes annuelles.
Le gouvernement se réunira lundi prochain pour trouver 300 millions d’euros.
Cette initiative mérite d’être soulignée : face à l’ampleur de l’effort budgétaire, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a fait appel à un comité d’experts. Ce groupe, constitué d’une dizaine d’économistes et dirigé par Pierre Crevits, CEO de Dexia, a dressé un constat sans équivoque : la reprise en main des finances de la FWB est une nécessité « absolue » et « urgente ». Le rapport, commandé en avril dernier, vient d’être publié et a été consulté. Il présente un catalogue détaillé de 41 pages destiné à structurer les négociations pour élaborer le budget 2026. Ce diagnostic ainsi que les propositions qui en découlent promettent d’animer les débats en dehors du cercle gouvernemental.
Les experts soulignent, en gras dans le texte, le « danger d’un emballement insoutenable de la dette ». En proie à un déficit chronique depuis des années, la Fédération Wallonie-Bruxelles est aujourd’hui alourdie par une dette de 14 milliards d’euros, dépassant ses recettes annuelles. La nouvelle majorité MR-Engagés souhaite réduire de 300 millions d’euros le déficit actuel d’ici 2029. Toutefois, selon le groupe d’experts, cela ne représente qu’une première étape. « Sans correction substantielle, la trajectoire budgétaire actuelle mettra en grave danger le financement de la FWB et de tous ses acteurs », indique le rapport, qui appelle à « accélérer » la cadence des économies.
L’école est au cœur des préoccupations.
Modifier le budget de la fédération signifie toucher à celui de l’enseignement, qui représente plus de 7 milliards d’euros par an, soit 54% du budget total de l’institution. Selon les experts, il est inévitable de débattre d’une réduction importante des dépenses dans l’enseignement obligatoire. « Sur base de comparaisons internationales », le rapport précise que « le nombre d’heures de cours par semaine des enseignants et le nombre d’élèves par enseignant est plus faible en FWB que dans beaucoup d’autres pays ».
Le rapport recommande plusieurs mesures qui, sans aucun doute, susciteront des réactions au sein du milieu scolaire :
– augmenter la charge horaire des enseignants du secondaire en rétablissant les charges horaires en vigueur avant le Pacte, suggérant par exemple d’augmenter la charge horaire des enseignants du secondaire supérieur à 22 périodes pour l’aligner avec celle des enseignants du secondaire inférieur.
– accroître significativement la charge horaire des professeurs d’éducation physique et d’éducation artistique et musicale à 24 périodes.
– réduire le nombre d’enseignants payés par la FWB mais non présents en classe, en activant divers leviers et en limitant les possibilités de détachement dans d’autres organisations.
– aménager le temps de travail des enseignants en fin de carrière pour qu’ils puissent rester en fonction plus longtemps.
– réduire le nombre de petites classes dans l’enseignement secondaire ordinaire des 2e et 3e degrés en 2022-23, où 16% des classes organisées ont des tailles moyennes inférieures à 10 élèves et 5% supérieures à 25 élèves.
Le gouvernement fédéral a annoncé que les économistes proposent de « revoir » voire de « mettre fin » au système de DPPR (Disponibilité précédant l’âge de la retraite), qui permet à de nombreux enseignants d’aménager leur fin de carrière. La réforme des pensions prévoit l’abolition de ce régime, mais nécessite encore une adoption par le parlement fédéral. La Fédération Wallonie-Bruxelles souhaite aussi supprimer les DPPR en suivant cette réforme.
Un autre point qui pourrait créer des tensions avec les partenaires sociaux est la suggestion du comité d’experts de « ne pas rémunérer davantage les enseignants ayant reçu une formation plus longue ». La réforme de la formation initiale des enseignants (RFIE) suscite de vives inquiétudes en raison de son impact budgétaire, avec des coûts estimés entre 500 millions et 1 milliard d’euros par an à pleine capacité. Les experts questionnent la pertinence de poursuivre cette réforme, déjà mise en œuvre depuis septembre 2023, suggérant d’ »éviter l’introduction d’un barème 401 supérieur à l’actuel barème 301 et de limiter l’accès à un barème 501″, signifiant ainsi qu’il n’y aurait pas d’augmentation salariale.
Le gouvernement envisage également de remplacer le statut des enseignants par un « CDI Enseignants ». Les experts estiment qu’ils sont légitimes, « dans le cadre du mandat qui leur a été confié, d’attirer l’attention des décideurs sur le nécessaire réalisme budgétaire ». Un groupe de travail a été lancé par les ministres Glatigny (Éducation) et Degryse (Budget), avec les partenaires sociaux, pour élaborer cette réforme. Les économistes alertent que « les analyses préliminaires indiquent que les surcoûts liés à cette révision du statut pourraient être très conséquents ».
Indexer le minerval pour les étudiants européens.
Les experts évoquent également la situation précaire de l’enseignement supérieur. Les différents acteurs, dont les universités, revendiquent depuis longtemps un refinancement. Le rapport souligne que « entre 2006 et 2021, l’enseignement supérieur a vu sa population étudiante augmenter de près de 50%, tandis que son budget n’augmentait (en termes réels) que de 15% ». Aucun refinancement ne sera mis en œuvre. Les réflexions se concentrent sur une hausse des recettes, avec une augmentation prévue du minerval, « qui n’a pas été indexé depuis 2011 », selon le rapport. Le comité propose également une réforme des allocations d’études et envisage une meilleure contribution des étudiants européens tout en soutenant la mobilité internationale. « Vu le mécanisme de compensation du minerval actuellement en vigueur, l’augmentation de la contribution des étudiants européens permettrait de réaliser des économies pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. »
Forfait mensuel pour toutes les crèches.
Concernant la petite enfance, le rapport aborde la modification de la facturation des absences en crèche. Le comité propose de remplacer la facturation à la journée des familles dont l’enfant fréquente une crèche subventionnée par un forfait mensuel, comme c’est le cas dans les crèches non subventionnées reconnues par l’ONE. Cela pourrait considérablement affecter la facture finale des parents. Actuellement, dans une crèche subventionnée, les parents ne paient que lorsque l’enfant est présent, évitant ainsi des frais lors d’absences dues à la maladie.
Le rapport souligne la nécessité de créer de nouvelles places en crèche, un objectif fixé par le gouvernement. Les économistes critiquent cependant une réforme antérieure, la MILAC, prévoyant que l’ONE prendra en charge dès janvier prochain le financement de 1,5 puéricultrice par tranche de 7 enfants. Le coût de cette réforme est estimé à 106 millions, et le comité exprime « de fortes réserves sur la pertinence de ce budget », qui ne crée « aucune place supplémentaire ». Faut-il également anticiper une réduction des dépenses pour l’ONE ?
Encore des économies pour la RTBF ?
Le rapport des experts rappelle que « la dotation de la RTBF représente 84,7% du budget audiovisuel et multimédias de la FWB ». Cette dotation s’élèvera en 2025 à 376 millions d’euros. À son entrée en fonction, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a décidé de supprimer l’indexation et a gelé l’augmentation de 2% de la dotation. La RTBF a récemment mis en place un plan d’économies de 132 millions d’euros d’ici 2028 pour s’inscrire dans cette trajectoire budgétaire. Les experts estiment qu’il est encore possible de « revoir certaines modalités de travail » et « de remettre en question une série d’initiatives ou de projets non indispensables ».
Fini les tarifs seniors dans la culture ?
Les experts insistent sur l’importance de « sauvegarder la diversité et la vivacité culturelle » de la Fédération. Toutefois, ils avouent leur « étonnement » face « au modèle économique de nombreux opérateurs culturels ». De façon générale, le rapport estime qu’il faut « mieux cibler pour un impact accru de la dépense publique », notamment en limitant les subventions. Les moyens consacrés à la culture ont augmenté de 80 millions d’euros entre 2017 et 2021.
Parmi les recommandations, la question de la gratuité pour tous est soulignée. Les experts « encouragent les acteurs culturels à revoir leur politique tarifaire afin de limiter la gratuité et les entrées à prix réduits à ceux qui en ont vraiment besoin ». À cet égard, le comité s’interroge sur la pertinence des tarifs préférentiels pour les seniors.
Les experts recommandent également de réformer la gestion des cabinets et de l’administration.
Actuellement, deux tiers des membres des cabinets sont en réalité des fonctionnaires détachés de l’administration, qui continue de les rémunérer. Les cabinets ne versent qu’une prime, le coût repose sur leur administration d’origine. Les experts mandatés par la Fédération Wallonie-Bruxelles recommandent d’abolir cette pratique et de revoir le détachement d’agents de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans les cabinets ministériels. Ils suggèrent d’adopter le système en vigueur en Communauté flamande, où les ministres doivent reverser aux administrations d’origine les salaires des fonctionnaires, même lorsqu’il s’agit d’un détachement à un même niveau de pouvoir.
À l’instar de la réforme projetée pour l’ensemble de la fonction publique, les experts conseillent de réduire le nombre de mandataires au sein de l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le groupe d’experts qui a rédigé le rapport est présidé par Pierre Crevits et comporte Henri Bogaert, Etienne de Callatay, Philippe Defeyt, Fanny Dethier, Etienne Denoël, Alexandre Girard, Marie Goransson, Jean Hindriks, Delphine Van Hoolandt et Magali Verdonck.

