Belgique

Trafic de stupéfiants : Bruxelles et Marseille présentent des similitudes, selon le Procureur de Marseille.

Le Procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, est en visite à Bruxelles pour discuter des trajectoires judiciaires de ces deux villes, où le trafic de drogue et la violence ont explosé ces dernières années. En 2023, 50 personnes ont été assassinées et 116 blessées à Marseille, où le narcotrafic « mine un certain nombre de cités ».


Marseille et Bruxelles, deux villes où le trafic de drogue et la violence ont fortement augmenté ces dernières années. C’est à Bruxelles que le Procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, se rend pour examiner les parcours judiciaires des deux villes, à l’invitation du procureur du Roi de Bruxelles, Julien Moinil. Quels sont les liens unissant ces villes ? Quels enseignements peut-on en tirer ?

Après une journée de travail avec son homologue bruxellois, Nicolas Bessone remarque de « points de comparaison très forts » entre Bruxelles et Marseille. Dans les deux cas, il souligne que le narcotrafic « mine un certain nombre de cités », que les trafiquants affichent « une organisation quasi tayloriste » de leur travail, qu’il y a « une ultraviolence assez décomplexée », ainsi que des règlements de compte impliquant des individus de plus en plus jeunes. À Marseille, on évoque désormais le terme « narcomicide », en raison des victimes collatérales dans ces règlements de comptes.

Nicolas Bessone exprime sa surprise face au nombre de similitudes entre les deux villes, insistant sur l’importance pour les autorités belges de prendre conscience du phénomène afin de l’enrayer. « Vous n’en êtes pas, fort heureusement, encore au nombre d’assassinats qu’on a à Marseille », ajoute-t-il. En 2023, Marseille a enregistré 50 homicides et 116 blessés.

Ces derniers mois, environ cinquante Belges ont été arrêtés par la justice marseillaise dans le « Grand Sud », s’étendant de la frontière espagnole à la frontière italienne, parmi lesquels une vingtaine étaient de Bruxelles. Selon le Procureur, il s’agissait principalement de « petites mains du trafic ». Cependant, deux Belges ont aussi été interpellés alors qu’ils étaient armés de Kalachnikov et étaient là pour réaliser un contrat.

Nicolas Bessone note que l’arrivée de Belges dans le sud de la France pour des activités liées à la drogue a surtout débuté en 2023, en raison des « guerres terribles » avec des assassinats sur les points de deal, poussant les jeunes Marseillais à ne plus se livrer au trafic de stupéfiants. L’utilisation des réseaux sociaux a facilité le recrutement de main-d’œuvre extérieure, notamment belge. Par ailleurs, quelques Marseillais se sont établis à Bruxelles pour se livrer au narcotrafic.

Concernant la répartition des rôles, Nicolas Bessone indique que la tête du trafic n’est pas nécessairement à Marseille, ni que les petites mains soient uniquement en Belgique. « Il peut arriver que des criminels belges fournissent des systèmes marseillais », ajoute-t-il, tout en rappelant le rôle clé du port d’Anvers dans le transit de drogue.

Nicolas Bessone note toutefois une « marque de fabrique marseillaise » dans les actes de violence observés récemment à Bruxelles, semblant indiquer une « exportation des méthodes marseillaises » d’ »ultra-violence » pour la conquête de territoires. Des phénomènes tels que l’extorsion et la corruption, facilitées par des moyens considérables, sont aussi signalés, tout comme l’usage d’armes de guerre.

Pour lutter contre le narcotrafic, Nicolas Bessone préconise « une approche globale ». Selon lui, il est crucial de ne pas se contenter de réagir après les faits, mais de travailler sur les organisations. Il insiste sur la nécessité de « remonter les vecteurs de blanchiment », de garder une « présence policière » sur le terrain pour « harceler » et « fragiliser » les trafiquants, ainsi que de mener des « enquêtes de longue haleine » ciblant « les circuits de financement ».

Il souligne également le potentiel de la loi adoptée en France en juin 2025, qui offre des outils de lutte plus efficaces, conseillant à la Belgique d’endurcir sa législation. Regrouper les narcotrafiquants dans des prisons de haute sécurité semble également prometteur, leur permettant de mieux contrôler leurs affaires en détention.

Nicolas Bessone insiste sur l’importance de la coopération internationale, ses déplacements à Bruxelles étant justifiés par le fait que les narcotrafiquants ne connaissent pas de frontières. Il précise que cela ne suffit pas et qu’une approche sociétale et sociale est essentielle. Les narcotrafiquants créent une « contre société » en opposition à l’État, incitant les jeunes des cités à choisir entre devenir footballeur professionnel ou trafiquant de drogue.

Enfin, Nicolas Bessone aborde la question de la consommation de drogues, affirmant que « si vous arrivez à faire baisser la demande, vous limitez l’offre et vous limitez les capacités financières considérables de ces réseaux ». Interrogé sur la nécessité de déployer des militaires dans les rues, comme envisagé en Belgique, il préfère la présence de policiers menant des enquêtes.