Belgique

L’éolien et le solaire ne sont pas responsables du black-out en Espagne et au Portugal.

En deux jours, plus de 34.000 publications accusaient les renouvelables d’être responsables du black-out en Espagne et au Portugal. Selon le gouvernement espagnol et le principal opérateur du réseau électrique, ni le solaire, ni l’éolien ne sont en cause dans cette panne.


Dès les premières heures, les réseaux sociaux ont connu une intense activité : accusations de cyberattaque russe, propos fictifs attribués à Ursula von der Leyen, fausses déclarations incorrectement attribuées à Red Eléctrica en Espagne ou à REN, le gestionnaire du réseau électrique au Portugal. En conséquence, en seulement deux jours, plus de 34 000 publications ont désigné les énergies renouvelables comme responsables du black-out, d’autant plus que l’Espagne et le Portugal dépendent maintenant largement de ce type d’énergie.

Cependant, les enquêtes réalisées par le gouvernement espagnol et par le principal opérateur du réseau électrique indiquent clairement que ni le solaire ni l’éolien ne sont impliqués. La panne serait plutôt le résultat d’une gestion opérationnelle défaillante et d’un contrôle inadéquat de la tension. Un rapport du Centre d’analyse des politiques européennes résume la situation en affirmant que « la panne d’électricité en Espagne était due à une défaillance de la gestion, pas à un problème technologique ».

Cet incident a cependant engendré un large débat sur les énergies renouvelables et leur capacité à rendre l’Europe susceptible de futures crises. L’idée selon laquelle ces énergies augmenteraient le risque de coupure de courant a largement circulé à la suite de cet événement, les énergies renouvelables étant présentées comme des coupables idéaux sur les réseaux sociaux.

Contrairement aux générateurs conventionnels, les énergies éolienne et solaire ne disposent pas de ce qu’on appelle l’inertie de rotation, ce qui signifie que lorsque l’apport mécanique à une turbine diminue, celle-ci continue de tourner un moment, offrant ainsi une résistance aux variations soudaines et contribuant à la stabilité de la fréquence du réseau. Les énergies solaire et éolienne, quant à elles, s’appuient sur des onduleurs pour fonctionner à la fréquence correcte. Étant donné que les apports éoliens et solaires fluctuent naturellement, une gestion rigoureuse de ces réseaux est essentielle pour garantir leur bon fonctionnement.

Cette vulnérabilité ne résulte pas tant des technologies elles-mêmes, mais de leur intégration au sein d’un réseau. « Blâmer les panneaux solaires ou les éoliennes revient à blâmer l’eau pour une fuite dans une canalisation », résume Anaïs Maréchal, éditrice scientifique de Sciencefeedback, une ONG dédiée à la vérification des informations scientifiques. De plus, cette vulnérabilité n’est pas inéluctable. Avec les bons outils — telles que des batteries de stockage, des interconnexions entre pays et un suivi en temps réel — il est possible de stabiliser le réseau.

Concernant le risque de cyberattaques, l’intégration numérique et le caractère décentralisé de ces réseaux ouvrent davantage de voies d’entrée pour les cyberattaques. Ces dernières ont explosé ces dernières années : 1500 intrusions par semaine en 2024 selon l’Agence internationale de l’énergie. Cette menace touche également les secteurs du gaz, du pétrole et du nucléaire. Selon divers observateurs, l’Union européenne accuse un retard préoccupant par rapport à l’Amérique du Nord et à l’Asie en matière d’investissements dans la cybersécurité.

Sur la question de la compatibilité entre énergies renouvelables et nucléaire, cette idée est en grande partie fausse. L’énergie nucléaire a retrouvé une certaine popularité ces dernières années, plusieurs États membres de l’UE et des institutions telles que la Banque mondiale ayant réaffirmé leur soutien à son rôle dans la lutte contre le changement climatique. Défenseurs des énergies renouvelables et partisans de l’énergie nucléaire s’affrontent souvent, certains affirmant que le recours au nucléaire aurait pu empêcher la panne, tandis que d’autres avancent que ces deux types d’énergie se considèrent comme mutuellement exclusifs.

La réalité est plus nuancée : plusieurs pays (France, Finlande, Pays-Bas, etc.) développent les deux options en parallèle. En outre, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne que la mise en œuvre de projets nucléaires peut être lente et coûteuse, à l’inverse du solaire et de l’éolien, qui peuvent être déployés bien plus rapidement.

Au-delà des débats techniques, cet épisode révèle un enjeu conséquent : le combat pour l’opinion publique. Les énergies renouvelables sont au cœur de la transition énergétique, mais aussi au centre de stratégies de désinformation.

En France, trois ONG, dont ScienceFeedback, ont lancé « Climate Safeguards », un outil capable de détecter automatiquement les fausses informations sur le climat diffusées par 18 chaînes de télé et radio. « Il nous permet d’utiliser l’intelligence artificielle pour repérer la désinformation. Nous produisons ensuite des articles de vérification sur les affirmations les plus fréquentes. Enfin, nous signalons les cas de désinformation les plus problématiques à l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel français, afin que des sanctions soient appliquées ou du moins pour que les chaînes d’information traitent mieux ce sujet lié au climat », déclare Anaïs Maréchal.

Dans le premier trimestre 2025, 128 cas de désinformation ont été recensés. « Une moyenne de plus de 10 cas par semaine », précise Anaïs Maréchal, qui observe que la mobilité et l’énergie sont les thèmes les plus concernés. « 60 % des cas de désinformation portent sur des solutions de lutte contre le changement climatique, notamment les énergies renouvelables ».

Sous l’impulsion du CSA, la Belgique francophone vient de rejoindre cet Observatoire des médias. Les données récoltées sont en cours d’analyse, et les premiers résultats seront annoncés dans quelques semaines.