Belgique

Les experts recommandent des économies sur l’enseignement et les profs en FWB.

Le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a consulté un rapport de 41 pages commandé en avril 2023, soulignant la nécessité « absolue » et « urgente » de reprendre en main les finances de la FWB. Actuellement, la Fédération Wallonie-Bruxelles traîne une dette de 14 milliards d’euros, soit davantage que ses recettes annuelles.


La démarche mérite d’être soulignée. Étant donné l’ampleur de l’effort budgétaire, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a fait appel à un comité d’experts. Ce groupe, composé d’une dizaine d’économistes et présidé par Pierre Crevits (CEO de Dexia), tire un constat sans appel : il est « absolu » et « urgent » de reprendre en main les finances de la FWB. Le rapport, commandé en avril dernier, vient de sortir et a été consulté. Il s’agit d’un document détaillé de 41 pages destiné à structurer les négociations en vue de l’élaboration du budget 2026. Ce diagnostic et ces propositions risquent d’intensifier les débats en dehors du gouvernement.

Les experts mettent en évidence, en gras dans le texte, le « danger d’un emballement insoutenable de la dette ». En déficit chronique depuis des années, la Fédération Wallonie-Bruxelles accumule aujourd’hui une dette de 14 milliards d’euros, soit plus que ses recettes annuelles. La nouvelle majorité MR-Engagés a exprimé sa volonté de réduire le déficit actuel de 300 millions d’euros d’ici 2029. Cependant, le groupe d’experts considère que cela n’est qu’une première étape. « Sans correction substantielle, la trajectoire budgétaire actuelle mettra en grave danger le financement de la FWB et de tous ses acteurs », avertit le rapport, qui appelle à « accélérer » la mise en œuvre des économies.

Toucher au budget de la fédération, c’est toucher à celui de l’enseignement. Plus de 7 milliards d’euros par an, représentant 54 % du budget global de l’institution. Selon les experts, il est inévitable d’engager le débat sur une réduction drastique des dépenses dans l’enseignement obligatoire. « Sur base de comparaisons internationales », souligne le rapport, « le nombre d’heures de cours par semaine des enseignants et le nombre d’élèves par enseignant est inférieur en FWB comparé à de nombreux autres pays ».

Le rapport propose une série de mesures qui susciteront sans aucun doute des réactions de divers acteurs du monde éducatif :

– **Augmenter la charge horaire des enseignants** de l’enseignement secondaire en rétablissant les charges horaires en vigueur avant le Pacte. Le comité propose, par exemple, d’augmenter la charge horaire des enseignants du secondaire supérieur à 22 périodes pour l’aligner avec celle des enseignants du secondaire inférieur.
– **Augmenter significativement la charge horaire des professeurs d’éducation physique et d’éducation artistique et musicale (24 périodes)**.
– **Réduire le nombre d’enseignants** payés par la FWB mais non présents en classe en activant différents leviers et en **limitant les possibilités et les durées de détachement** au sein d’autres organisations.
– **Aménager le temps de travail des enseignants en fin de carrière** pour qu’ils puissent rester en fonction plus longtemps.
– **Limiter le nombre des petites classes** dans l’enseignement secondaire ordinaire des 2e et 3e degrés en 2022-23 (16 % des classes organisées ont des tailles moyennes inférieures à 10 élèves et 5 % ont des tailles moyennes supérieures à 25 élèves).

Comme l’a annoncé le gouvernement fédéral, les économistes recommandent de « revoir », voire de « mettre fin » au système de DPPR (Disponibilité précédant l’âge de la retraite). Ce dispositif permet à de nombreux enseignants de aménager leur fin de carrière « en douceur ». La réforme des pensions prévoit de supprimer ce régime, son adoption par le parlement fédéral étant encore attendue. La Fédération Wallonie-Bruxelles envisage de suivre cette réforme et d’éliminer les DPPR.

Un autre élément susceptible de provoquer des tensions entre les partenaires sociaux est la suggestion du comité d’experts de **ne pas rémunérer davantage les enseignants ayant une formation plus longue**. La Réforme de la formation initiale des Enseignants (RFIE) suscite de vives inquiétudes chez les analystes en raison de son impact budgétaire. Les dernières estimations chiffrent le coût entre 500 millions et un milliard d’euros par an en rythme de croisière. Le comité s’interroge sur la pertinence de poursuivre cette réforme, déjà mise en œuvre depuis septembre 2023. Les experts proposent de « éviter » l’**introduction d’un barème 401** supérieur à l’actuel barème 301 et de **limiter l’accès à un barème 501**, signifiant ainsi pas d’augmentation salariale.

Les experts soulignent également la situation préoccupante de l’enseignement supérieur. Les différents acteurs, dont les universités, réclament depuis de nombreuses années un refinancement. Le rapport constate : « entre 2006 et 2021, l’enseignement supérieur a vu sa population étudiante augmenter de près de 50 %, tandis que son budget n’augmentait (en termes réels) que de 15 %. » Concernant ce refinancement, il n’en sera rien. Les réflexions se concentrent sur une augmentation des recettes, passant par la revalorisation du minerval, « qui n’a plus été indexé depuis 2011 », précise le texte. Le Comité propose également une réforme des allocations d’étude et suggère d’étudier la possibilité d’une « contribution plus importante des étudiants européens tout en soutenant la mobilité internationale des étudiants ». « Vu le mécanisme de compensation du minerval actuellement en vigueur, l’augmentation de la contribution des étudiants européens permettrait de réaliser des économies au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles. »

Concernant la petite enfance, le rapport propose de **modifier la facturation des absences en crèche**, en suggérant de remplacer la facturation journalière des familles dont l’enfant fréquente une crèche subventionnée par un **forfait mensuel**, comme c’est le cas dans les crèches non subventionnées reconnues par l’ONE. Cela pourrait avoir un impact significatif sur la facture finale des parents. Actuellement, dans une crèche subventionnée, les familles ne paient que pour les jours d’absence, ce qui évite d’être facturées pour un mois complet, même si l’enfant n’y est pas resté à cause d’une maladie.

Le rapport rappelle l’importance de créer de nouvelles places en crèche, un objectif défini par le gouvernement. Cependant, les économistes sont critiques à propos d’une réforme du précédent gouvernement, la réforme MILAC, qui prévoit que l’ONE financera 1,5 puéricultrice par tranche de 7 enfants, à compter de janvier prochain. Le coût de cette réforme est estimé à 106 millions. Le comité exprime « de fortes réserves sur la pertinence de ce budget », qui ne créerait « aucune place supplémentaire ». La diminution des dépenses en vue pour l’ONE est donc à envisager.

Le rapport des experts mentionne également le cas de la RTBF, indiqué comme représentant 84,7 % du budget audiovisuel et multimédias de la FWB, pour un montant de 376 millions d’euros en 2025. Dés son entrée en fonction, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a décidé de supprimer l’indexation et de geler l’augmentation de 2 % de la dotation. La RTBF a récemment mis en place un plan d’économies de 132 millions d’ici 2028 pour s’adapter à cette nouvelle donne. Les experts jugent qu’il est encore possible de « revoir certaines modalités de travail » et « de remettre en question une série d’initiatives ou de projets non indispensables ».

Concernant le secteur culturel, les experts soulignent l’importance de « sauvegarder la diversité et la vivacité culturelle » de la Fédération mais expriment leur « étonnement » sur « le modèle économique de nombreux opérateurs culturels ». Globalement, le rapport préconise de mieux cibler les dépenses publiques pour en accroître l’impact, notamment en limitant l’octroi de subventions. Les experts notent qu’entre 2017 et 2021, les moyens alloués à la culture ont augmenté de 80 millions d’euros.

Parmi les recommandations, la question du ticket gratuit pour tous est mise en avant. Les experts « encouragent les acteurs culturels à revoir leur politique tarifaire afin de limiter la gratuité et les entrées à prix réduits à ceux qui en ont vraiment besoin ». Le comité s’interroge également sur la pertinence d’offrir des tarifs préférentiels pour les seniors.

Actuellement, deux tiers des membres des cabinets proviennent en réalité de l’administration, qui continue de les rémunérer, pendant que les cabinets ne paient qu’une prime. Les experts recommandent de mettre fin à cette pratique et de revoir le détachement des agents de la Fédération Wallonie-Bruxelles au sein des cabinets ministériels. Ils suggèrent également un système semblable à celui de la Communauté flamande, où les ministres doivent reverser les traitements des fonctionnaires à leur administration d’origine, même en cas de détachement à un même niveau de pouvoir.

Dans le cadre d’une réforme de l’ensemble de la fonction publique que le gouvernement souhaite mener, les experts proposent de réduire le nombre de mandataires au sein de l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le groupe d’experts qui a rédigé le rapport est présidé par Pierre Crevits et se compose de Henri Bogaert, Etienne de Callatay, Philippe Defeyt, Fanny Dethier, Etienne Denoël, Alexandre Girard, Marie Goransson, Jean Hindriks, Delphine Van Hoolandt et Magali Verdonck.