Perpignan : Appel à témoins 30 ans après la disparition de Tatiana Andujar.
Tatiana Andujar, une adolescente de 17 ans, s’est volatilisée à Perpignan le 24 septembre 1995, et sa disparition reste totalement inexpliquée. Un appel à témoins a été lancé ce mardi par les enquêteurs de la section de recherches de Montpellier pour aider à avancer dans les investigations concernant ce dossier, transféré au pôle « cold cases » de Nanterre en mars 2022.

Une photo d’identité datant de près de trente ans montre le sourire de Tatiana Andujar, une adolescente aux longs cheveux bruns. Agée de 17 ans, elle a disparu à Perpignan le 24 septembre 1995. Malgré le passage du temps, cette disparition demeure inexpliquée. L’affaire a été transférée en mars 2022 au pôle « cold cases » de Nanterre, spécialisé dans les crimes non élucidés. Deux ans et demi plus tard, un appel à témoins a été lancé ce mardi pour aider les enquêteurs de la section de recherches de Montpellier à recueillir des informations susceptibles de faire avancer l’enquête.
« C’est la preuve qu’il faut faire appel aux citoyens pour les affaires anciennes afin de tenter de découvrir de nouvelles informations », explique à 20 Minutes Jacques Dallest*. Ce magistrat honoraire, ayant exercé comme procureur à Marseille et procureur général près la cour d’appel de Grenoble, a dirigé entre 2019 et 2021 un groupe de travail sur l’amélioration du traitement des affaires non résolues. « Cela constitue une démarche essentielle lorsque l’on réexamine une vieille affaire. Le pôle l’a fait plusieurs fois », précise-t-il. En juin 2024, un appel à témoins avait été lancé concernant le meurtre de Ginette Naime, retrouvée morte le 13 avril 2000, avec un suspect interpellé six mois plus tard.
« L’espoir de réveiller un souvenir »
Ce nouvel appel à témoins représente pour la famille de Tatiana un dernier espoir de découvrir la vérité sur sa disparition. Après avoir passé un week-end à Toulouse, elle prend le train pour Perpignan à 16h55. Pendant le trajet, elle fait la connaissance d’un militaire et d’un étudiant. À leur arrivée, le trio se dirige vers des cabines téléphoniques devant la gare. « Au moins un appel téléphonique a été passé depuis l’une de ces cabines par le militaire », précise l’appel à témoins. Ce dernier lui aurait proposé, en vain, de la raccompagner. Ils se séparent vers 19h45. Tatiana aurait voulu rejoindre la route de Thuir pour essayer de rentrer chez elle, à Llupia, une commune d’environ 2.200 habitants au sud-ouest de Perpignan. Elle n’a plus été revue depuis.
« À mon avis, le pôle a voulu communiquer à cette date anniversaire pour signaler qu’ils ont pris en charge le dossier et qu’ils le suivent. Cet appel à témoins est pour nous un espoir de raviver un souvenir chez quelqu’un », déclare à 20 Minutes Me Philippe Capsié, l’avocat de la famille de Tatiana. « Mais cela peut également être – je n’en sais rien – une stratégie des enquêteurs. Ils peuvent avoir une piste plus précise et espérer déclencher une réaction chez quelqu’un », ajoute-t-il.
« Montrer aux proches qu’on n’abandonne pas »
La diffusion de cet appel à témoins permettra-t-elle aux enquêteurs de retrouver les éléments manquants ? « Plus les faits sont anciens, plus cela sera difficile, reconnaît Jacques Dallest. Bien sûr, certains diront avoir vu des choses, mais il y aura aussi des appels sans intérêt ou fantaisistes. Cela fait partie des effets pervers de cette approche. Toutefois, on ne sait jamais. On peut parfois recueillir de nouvelles informations, des témoignages utiles. Parfois, ce peut être un proche de l’auteur qui a reçu des confidences, ou un prisonnier qui entend parler de l’affaire par un codétenu. »
Cette initiative est d’autant plus cruciale que le corps de la jeune femme n’a jamais été retrouvé. « C’est le pire des scénarios, une disparition, car il n’est pas possible de mener une enquête scientifique. Sans corps, la recherche d’ADN est impossible. Les meurtriers savent qu’ils doivent détruire les preuves », souligne Jacques Dallest.
« Chaque année, des dizaines de milliers de personnes disparaissent. Certaines affaires ne seront malheureusement jamais résolues, car l’auteur ne se dénoncera jamais, ou parce qu’il peut être décédé », admet l’ancien magistrat. « Même si cet appel à témoins n’aboutit pas, cela aura été fait », ajoute-t-il. Avant de conclure : « Cela prouve qu’il est possible de continuer à travailler sur ces dossiers, même après trente ans. Cela montre aux proches, tant qu’il en reste, qu’on ne les abandonne pas, même si la probabilité de succès est faible. »
La mère de Tatiana, quant à elle, reste optimiste. « Cet espoir se renforce avec des initiatives comme celle-ci, avec des gardes à vue, et le fait que le pôle s’implique dans ce dossier », déclare Me Capsié. « Le problème, c’est lorsque les résultats escomptés ne se matérialisent pas. Cela peut alors se transformer en grande déception, difficile à gérer. »
* « Cold cases, un magistrat enquête », de Jacques Dallest, éditions Mareuil, 382 pages, 22 euros.

