« Inside Gaza » : documentaire sur le quotidien des journalistes gazaouis en enfer
Le 6 octobre, les journalistes gazaouis ne peuvent plus sortir, et dès octobre 2023, la fermeture des points de passage empêche toute présence de journalistes étrangers. Depuis le 7 octobre 2023, près de 200 journalistes ont été tués dans la bande de Gaza.
Le 6 octobre, le temps était frais. On pouvait profiter de la mer. Il n’y avait pas de son, pas d’odeur de poudre, ni le bruit assourdissant des drones. Ce jour-là, si l’ennui se faisait sentir, on pouvait se rendre au café pour cinq shekels, soit 1 €, et passer du temps au bord de la mer avec ses amis. C’était ça, la vie, le 6 octobre. Le lendemain, j’ai ouvert les yeux en entendant le bruit des roquettes tirées depuis Gaza vers Israël.
raconte Mohammed Abed, photographe pour l’AFP.
Les premiers témoins de la guerre
Depuis octobre 2023, la fermeture des points de passage empêche la présence de journalistes étrangers, tandis que les journalistes gazaouis ne peuvent plus sortir. La zone devient une prison à ciel ouvert, et la couverture du conflit repose sur eux. Un défi qu’ils relèvent chaque jour, malgré les menaces qui pèsent sur leur travail. « Certaines de nos photos, celles prises par des Palestiniens, ont été remises en question par l’armée israélienne. Par exemple, celle que j’ai prise de ce petit garçon dans les bras d’un proche attendant son enterrement. Il avait perdu tellement de sang que sa peau était presque transparente. Le lendemain, l’armée israélienne a affirmé qu’il s’agissait d’une poupée. C’est pour cela que j’espérais la présence de journalistes étrangers. Pour que personne ne puisse mettre en doute la vérité du terrain. »
Outre les attaques israéliennes, ils subissent également l’hostilité des habitants : « Après la prise de pouvoir par le Hamas à Gaza, les journalistes ont beaucoup souffert. Au début, ils nous étaient plus hostiles qu’envers Israël. J’ai été détenu au moins 20 fois par le Hamas. Une fois, ils m’ont menacé avec un pistolet simplement parce que j’avais couvert un assassinat et donné l’information, » explique Adel Al Zanoon, chef de l’AFP à Gaza.
Le travail en deuil
Couvrir la guerre dans son propre pays, où vivent ses proches, complique sérieusement leur situation : « Être reporter de guerre dans sa région, son pays, entouré de sa famille et de son peuple, est totalement différent de couvrir d’autres conflits. Ici, tu as peur pour tes propres enfants et ta propre famille, » souligne Mohammed Abed.
En plus d’assister à des attaques meurtrières, les journalistes deviennent rapidement des cibles de Tsahal. Une situation qui inquiète l’AFP, qui essaie de les faire évacuer : « L’AFP a tout mis en œuvre pour tenter d’évacuer les familles des journalistes. Elle était prête à payer 5 000 $ par personne pour l’évacuation. Elle était consciente que non seulement les journalistes étaient en danger, mais aussi leurs familles. »
Ces tentatives se révèlent vaines : Mai Yaghi, reporter à l’AFP malgré sa bi-nationalité suédoise, ne parvient pas à être évacuée. Elle décrit la dure réalité du terrain : « À chaque instant, la mort paraissait imminente, une possibilité qui n’est pas seulement effrayante, mais qui te coupe de la réalité. Je ne tenais plus compte de ma mort. Jour après jour, je priais : ‘Mon Dieu. S’il est temps de mourir, fais en sorte que ce soit rapide. Oh Dieu, si ce n’est pas la mort, si je suis blessée, que ce soit une amputation, mais pas des brûlures.' » Elle finit par quitter le pays pour se réfugier à Londres. Là-bas, elle confie : « Je ressens une grande fierté pour le rôle que nous avons joué, et qu’il joue encore. Si le point de passage rouvre et que la guerre se poursuit, je reviendrai sans hésitation pour couvrir. »
Depuis le 7 octobre 2023, près de 200 journalistes ont été tués dans la bande de Gaza.
« Inside Gaza », un film écrit et réalisé par Hélène Lam Trong, sera diffusé mercredi 24 septembre à 20h20 sur la Une et en streaming sur Auvio. Le documentaire sera suivi par « QR le débat » présenté par Sacha Daout à 21h30.

