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Le discours de Donald Trump ne profitera-t-il pas à la Chine ? Analyse.

Donald Trump a exprimé ses critiques envers les Nations Unies et l’Europe lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, qui a duré près d’une heure. Il a affirmé avoir mis fin à sept conflits dans le monde, bien que beaucoup de ces conflits soient loin d’être résolus.


Donald Trump a lancé mercredi une critique sans réserve contre les Nations Unies et l’Europe, appelant le monde entier à adopter son agenda anti-immigration et climatosceptique.

Comment analyser ce discours du président américain ? Serge Jaumin, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB et codirecteur du Centre interdisciplinaire d’étude des Amériques (AmericaS), y voit une démonstration de force médiatique. Cette provocation à l’égard de l’ONU et du multilatéralisme pourrait, en réalité, profiter à… la Chine. « Quand les États-Unis se retirent de toute une série d’organismes multilatéraux, ils laissent une place. Et la Chine est prête à prendre cette place », explique Serge Jaumin dans un entretien avec Ghizlaine Kounda.

**Donald Trump s’est donc exprimé à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU pendant presque une heure. Que retenir de ce discours ?**

« Donald Trump, une fois encore, affirme sa puissance, sa capacité à s’imposer comme un leader de premier ordre dans le monde. Par exemple, il ne respecte aucune règle. Normalement, chaque représentant a droit à dix minutes de discours et ensuite une lumière rouge s’allume. Dans son cas, il a parlé près d’une heure sur des sujets très variés, parfois sans lien avec le thème principal. »

« Pour lui, il est crucial de voir à quel point les caméras du monde entier sont braquées sur lui, même si son discours peut sembler décousu et aborde une multitude de sujets. »

« Sa volonté est d’être à l’écran, tout en montrant à ses électeurs qu’il impose sa stature à l’échelle mondiale. L’ONU est la plateforme idéale pour rencontrer des chefs d’État et pour critiquer, non seulement cette institution, mais aussi plusieurs dirigeants. »

« Donc, il souhaite marquer les esprits, surtout ceux de son électorat. De ce point de vue, c’est certainement une réussite pour lui. »

**C’est une provocation dans le « temple » du multilatéralisme ?**

« On sait que Donald Trump est critique envers toutes les organisations multilatérales. Sous sa présidence, les États-Unis ont déjà quitté plusieurs organismes. Il méprise ces institutions et le fait savoir. »

« C’est une façon de faire valoir que les États s’en sortent mieux en se concentrant sur leurs propres intérêts. Trump veut montrer que les États-Unis, sous son mandat, représentent un véritable modèle à suivre pour le monde. »

« En 2018, il avait déjà affirmé qu’aucun autre président américain n’avait accompli autant que lui pour positionner les États-Unis sur la scène internationale. »

« À l’époque, son affirmation avait suscité des rires. Aujourd’hui, il a tenu un discours similaire, voire plus affirmé, sans provoquer de réaction. Cela démontre qu’il impose désormais son point de vue, face à une opposition de moins en moins nombreuse. »

**Le président américain a affirmé un certain nombre de mensonges, notamment qu’il a mis fin à sept conflits dans le monde. Est-ce une manière d’imposer également sa force ?**

« Il est connu pour ses mensonges et ses contrevérités. Bien qu’il ait effectivement été impliqué dans plusieurs conflits, la plupart d’entre eux demeurent non résolus. »

« Certaines parties lui reconnaissent un rôle limité dans la pacification de certaines régions. »

« Il tente de mettre en avant son rôle, conscient qu’il vise le Prix Nobel de la paix. Cela lui permet également de dire, indirectement, que lui, Donald Trump, joue le rôle que l’ONU devrait jouer. »

« Rappelons qu’un des objectifs de l’ONU est de maintenir la paix dans le monde. Trump essaie de faire valoir qu’il a agi puissamment dans divers conflits, tout en accusant l’ONU de ne pas l’avoir soutenu. »

« Ce discours frappe fort, car il laisse entendre que c’est lui qui impose un nouvel ordre mondial. »

**Il s’en prend aux Nations Unies, il critique aussi l’Europe. Comment agir avec un président qui rejette aussi ouvertement le multilatéralisme ?**

« Il a toujours été très critique envers l’Union européenne, considérant cette dernière comme un organisme qui méprise les États-Unis. Ce n’est pas facile pour l’Union européenne de traiter avec lui, même si les dirigeants européens parfois n’ont d’autre choix que d’essayer de trouver un compromis. »

« Le constat actuel montre que ceux qui essaient d’atteindre un compromis avec lui ne sortent guère gagnants. »

« Trump établit des relations en tenant compte de la force de chacun, et il adopte souvent une posture conflictuelle, comme il l’a encore affirmé dans son discours. »

« Il n’accorde de compromis à personne et cherche à affirmer sa puissance, ne reconnaissant que les puissances susceptibles de dialoguer avec lui. C’est pourquoi il s’adresse à la Chine, qu’il considère comme un adversaire majeur des États-Unis, créant ainsi un vide autour de lui. »

**Donald Trump a à nouveau manifesté sa déception vis-à-vis de Poutine.**

« Son approche des relations internationales se fonde sur un dialogue ‘d’homme à homme’. Lorsqu’il a reçu Poutine aux États-Unis, c’était avec tous les honneurs, pensant que cela influencerait la politique du président russe et pourrait impacter la guerre en Ukraine. Il n’en a rien été. »

« Au contraire, la pression russe sur l’Ukraine s’intensifie. Ce constat met en lumière les limites de la stratégie diplomatique de Trump, qui se présente comme un faiseur de paix, mais avec des résultats très mitigés, contrairement à ses affirmations. »

« Lui qui avait imaginé mettre fin à la guerre en 24 heures ne l’a pas fait. Il espérait également résoudre le conflit avec l’Ukraine pour ainsi se valoriser en vue d’un Prix Nobel de la paix. »

« Concernant le conflit israélo-palestinien, qui fait l’actualité, Trump reste quasi inactif. »

**Quelle conclusion tirer de ce discours ?**

« En écoutant son discours, on constate qu’il aborde des sujets divers, mais l’objectif principal de Donald Trump reste de se mettre en avant. Les médias ont notamment relevé ses remarques sur les escalators inopérants de l’ONU et son téléprompteur en panne. »

« Trump sait que ces éléments feront le tour du monde, bien qu’ils soient insignifiants. Ils contribuent néanmoins à son image et lui permettent de transformer la tribune de l’ONU en un auditoire pour faire passer son message. »

« Pour lui, la médiatisation est essentielle, même s’il n’hésite pas à proférer des mensonges ou des anecdotes pour ce faire. Il demeure avant tout un homme de médias. »

**Donald Trump a quitté plusieurs organisations internationales. Comment réagir face à cela ?**

« C’est la question que se posent de nombreux dirigeants à travers le monde. Les stratégies sont diverses : certains essaient de l’amadouer, d’autres tentent de s’opposer vigoureusement à lui, mais ces tentatives échouent souvent. »

« Actuellement, des organismes multilatéraux continuent de fonctionner sans les États-Unis, permettant aux autres États de persister et de s’opposer à cette puissance. C’est un point important. »

« Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que la Chine prend de plus en plus d’importance, car lorsque les États-Unis se retirent de divers organismes multilatéraux, cela laisse une place vacante. La Chine est prête à occuper cette position. »

« À l’avenir, il est probable que la stratégie de Donald Trump entraîne un affaiblissement significatif des États-Unis sur la scène internationale. »

« Il existe un fossé important entre les déclarations de Donald Trump et la réalité des faits. Pour beaucoup, les États-Unis ne sont plus un allié fidèle et fiable. »