Aux États-Unis, la religion ne s’immisce pas dans l’État sous Donald Trump.
Le 7 février 2025, Donald Trump signe le décret créant le bureau de la foi, un acte symbolique immortalisé sur un cliché publié par la Maison Blanche. Ce même jour, il se trouve entouré de divers représentants religieux, dont sa conseillère spirituelle Paula White.
7 février 2025. Ce jour-là, dans le bureau ovale, Donald Trump signe le décret créant le bureau de la foi. Ce moment fort et symbolique est immortalisé. Sur la photo publiée par la Maison Blanche, le président américain est entouré de divers représentants religieux, dont sa conseillère spirituelle, Paula White. Presque tous ont une main posée sur lui.
Trump, le « chosen one », l’élu, n’est pas seulement vu ainsi par les Américains, mais aussi par Dieu, selon ses convictions. Il a échappé à une tentative d’assassinat lors de sa campagne présidentielle et a déclaré lors de son investiture, le 20 janvier, qu’il avait été « sauvé par Dieu ».
Le 7 février 2025, cela fait moins de trois semaines depuis son investiture. Pendant ce temps, le président nouvellement élu a signé de nombreux décrets. En créant le bureau de la foi, le conservatisme religieux a rapidement trouvé sa place à la Maison Blanche, témoignant de l’organisation du président et de son équipe. Le second mandat a été préparé.
La veille, lors du National Prayer Breakfast au Capitole, Trump a prononcé un discours très marqué par la religion, affirmant que « l’Amérique est et sera toujours une nation sous le regard de Dieu ». Il a répété plusieurs fois « Bring religion back », ce qui parle à une majorité d’Américains.
« Ce qui est important à comprendre, c’est le lien entre patriotisme et religion aux États-Unis », explique Caroline Sagesser, chercheuse au Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP). « Il y a une forme de religion civile, peu importe l’Église à laquelle on est affilié, il faut croire en Dieu, croire en la providence et croire dans la destinée de l’Amérique. Le patriotisme est vu comme une composante inséparable de la religion. C’est ‘God bless America’. Depuis les années 50, ce mélange existe : le bon chrétien est aussi celui qui exalte la grandeur de l’Amérique. Et donc, dans son slogan ‘Make America Great Again’, il y a – quasi sous-entendu – sous le regard de Dieu ».
Une réalité qui s’inscrit dans un pays où la séparation entre l’Église et l’État est instaurée, et où le premier amendement de la Constitution protège la liberté religieuse.
## Pour une poignée de dollars
Si ses discours parlent à une majorité d’Américains, Donald Trump touche particulièrement la droite chrétienne conservatrice. Le bureau de la foi a tout pour séduire cet électorat. Ce bureau de la Maison Blanche n’est pas une nouveauté ; il avait été créé sous la présidence de George W. Bush pour unir les communautés religieuses. Trump le réactive, mais choisit sa conseillère spirituelle, Paula White, connue pour ses prêches ultra-conservateurs et polarisants.
C’est à Paula White que Trump confie la direction de ce bureau censé promouvoir la liberté religieuse. Elle a même menacé tous ceux qui ne votaient pas pour lui d’aller en enfer, appelant aux démons. Partie de rien et devenue très riche, elle propose sur son site un kit de purification pour 1 000 dollars. Elle partage avec Trump son côté femme d’affaires et souhaite favoriser une orientation chrétienne conservatrice plutôt que de gérer le pluralisme religieux.
Comment expliquer ce retour en force de la religion dans la politique américaine ?
## Naissance d’un soutien évangélique
En 2024, selon le Pew Research Center, la majorité des protestants étaient affiliés au Parti républicain, formant le groupe religieux le plus important aux États-Unis. Les évangéliques représentent plus de 30 % de l’électorat et ont largement contribué à la victoire de Trump.
« L’électorat évangélique est fondamental. Pourtant, Donald Trump n’a jamais manifesté un intérêt pour ces personnes et leurs idées », analyse Jérôme Jamin, professeur en sciences politiques à l’ULiège, auteur du livre « Make America Great Again – Naissance d’une idéologie ».
« Donald Trump n’a pas manipulé l’électorat évangélique, mais les communautés évangéliques ont réussi à mettre la main sur Donald Trump », déclare-t-il.
Pour Jamin, « c’est à partir de 2015 que plusieurs personnes lui font comprendre que pour être élu, il doit prendre en compte ce public. Cela se fait progressivement. Le Trump de 2025 est beaucoup plus formaté pour être aimé et soutenu par les évangéliques qu’il ne l’était en 2015 ».
Pourtant, cela n’était pas gagné d’avance, compte tenu de la personnalité du milliardaire, qui s’écarte des préceptes religieux de la droite chrétienne. Trump, décrit comme un « Cyrus des temps modernes », est un « païen » qui aurait su rassembler les croyants au VIe siècle avant Jésus-Christ. Les chrétiens évangéliques ont utilisé cette référence, soulignant qu’il ne fallait pas le juger sur ce qu’il était mais sur sa capacité à déplacer des montagnes, notamment celles de l’enseignement considéré trop athée, de la religion trop peu présente, de la famille traditionnelle, etc.
Un débat idéologique s’en est ensuivi, aboutissant au soutien des électeurs évangéliques. Jérôme Jamin conclut que « Donald Trump n’a pas manipulé l’électorat évangélique, mais les communautés évangéliques ont réussi à mettre la main sur Donald Trump ».
## La veuve et le président
La montée du conservatisme religieux à la Maison Blanche ne se limite pas à Paula White ou au vice-président JD Vance. Jusqu’à son assassinat par balle le 10 septembre dernier, Charlie Kirk, jeune influenceur, était une figure emblématique du nationalisme chrétien, prônant une Amérique pour et par les chrétiens, et se battant sur les campus universitaires à travers son organisation Turning Point USA.
Kirk, avec ses convictions religieuses conservatrices, était au cœur du mouvement MAGA et a été un soutien important pour Trump durant la campagne présidentielle de 2024. Selon le New York Times Magazine, en février 2025, il avait visité la Maison Blanche jusqu’à cent fois durant le premier mandat de Trump.
Son assassinat n’est pas un point final ; il a été instrumentalisé. Un rassemblement géant a eu lieu au stade Glendale en Arizona le 21 septembre, qualifié de « miroir entre le meeting religieux et le meeting politique » par Isabelle Saint-Paul, professeure de culture américaine. 65 000 partisans s’y sont rassemblés, certains attendant longtemps avant d’entrer. De nombreux membres de l’administration Trump ont également participé.
Sur scène, le président et la veuve de Kirk se sont succédé. Le contraste était flagrant. Alors qu’Erika Kirk a déclaré qu’elle pardonnait au tueur de son mari, Donald Trump a pris ses distances avec la croyance de Charlie Kirk, affirmant qu’il « déteste » ses adversaires : « Je ne leur souhaite pas le meilleur, désolé ».
## Mais au fond, quelle est la croyance de Trump ?
Donald Trump a été baptisé dans une église presbytérienne à New York. En grandissant, il écoutait les prêches du pasteur Norman Vincent Peale, représentant de la Reforme Church in America, une grande Église protestante.
Peale, décédé en 1993, prêchait la « pensée positive », théorisée dans son best-seller The Power of Positive Thinking. Il est vu comme un précurseur de l' »Évangile de la prospérité », qui enseigne que la richesse est un don de Dieu et la pauvreté une punition, une notion soutenue aujourd’hui par Paula White.
En 2020, Trump a cependant déclaré qu’il ne se considérait plus comme presbytérien, se définissant comme chrétien non confessionnel, sans affiliation à une église précise.
Son côté « béni par Dieu » a atteint un sommet en juillet 2024 avec une tentative d’assassinat pendant sa campagne présidentielle. Se déclarant « sauvé par Dieu », Trump a utilisé cet événement, photo à l’appui, pour sa campagne.
D’un autre côté, de nombreux chrétiens progressistes critiquent son approche. Le révérend Shannon Fleck, directrice de Faithful America, a déclaré que « une personne animée d’un véritable programme chrétien devrait se soucier avant tout d’aider ceux qui ont été mis à l’écart ». L’évêque Mariann Edgar Budde a aussi appelé à la miséricorde envers les migrants et la communauté LGBTQIA+ le 21 janvier 2025, le jour suivant son investiture.
Si Trump n’est pas un fervent pratiquant, il manie habilement son image médiatique pour séduire les chrétiens de droite. Que ce soit lors de l’hommage à Charlie Kirk, lors de la vente de bibles à 60 dollars pendant la campagne de 2024, ou de ses photographies avec sa conseillère spirituelle, la stratégie politique de Trump est indissociable de la montée de la religion conservative dans la société américaine.

