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Aider son enfant à dire « NON au racisme et à l’antisémitisme » avec Marion Joseph, journaliste à Astrapi

Le livre « Le petit livre pour dire NON au racisme et à l’antisémitisme », paru le 10 septembre dernier chez Bayard, est destiné aux enfants de 7 à 11 ans. Marion Joseph, rédactrice en chef du magazine Astrapi, y aborde les manifestations du racisme et de l’antisémitisme ainsi que les dommages qu’ils peuvent causer, tout en fournissant des outils pour réagir.

Qu’est-ce que le racisme et l’antisémitisme ? Pourquoi sont-ils graves ? Que faire si l’on en est victime ou témoin ? Telles sont les questions abordées dans Le petit livre pour dire NON au racisme et à l’antisémitisme, publié le 10 septembre dernier par Bayard.

Ce livre, destiné aux enfants de 7 à 11 ans, est écrit par Marion Joseph, rédactrice en chef du magazine Astrapi et du podcast Salut l’info (coproduit avec France Info). Elle y propose des clés de compréhension et des outils pour réagir.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Depuis un certain temps, je souhaitais aborder ce sujet de front et expliquer aux enfants comment le racisme et l’antisémitisme se manifestent, ainsi que les dommages qu’ils peuvent causer. Dans le cadre de mon travail, je passe beaucoup de temps à discuter avec des enfants et des enseignants dans les écoles, et depuis le 7 octobre, j’ai observé de nombreux amalgames qui pourraient alimenter ces problèmes, qui existent depuis bien avant, bien entendu. En particulier, certains enfants ont eu l’impression qu’ils devaient choisir un camp ou qu’ils appartenaient à un camp, ce qui renforce l’idée que le racisme est totalement différent de l’antisémitisme, et qu’il faudrait lutter soit contre l’un, soit contre l’autre. Alors qu’en réalité, quelle que soit la forme de rejet de l’autre en question, cela reste un fléau. Nous vivons aussi une période marquée par un vent d’intolérance, et les enfants en sont également affectés. L’idée était donc d’expliquer quels amalgames et confusions peuvent se produire, mais aussi comment la généralisation et les préjugés mènent systématiquement à des catastrophes humaines, tant au niveau individuel que collectif.

À qui s’adresse ce livre ?

Ce livre est conçu pour une lecture directe par l’enfant, mais il peut également être lu en famille ou utilisé comme support en classe. Il contient des témoignages d’enfants directement touchés par le racisme ou l’antisémitisme, ainsi que des bandes dessinées sur des figures emblématiques telles que Nelson Mandela, Rosa Parks, Simone Veil ou encore Rami Elharan et Bassam Aramin, deux parents endeuillés, l’un palestinien, l’autre israélien, qui militent depuis longtemps pour la paix au sein de l’association du Cercle des Parents. Une partie interactive propose également « 7 idées archi fausses » et des exemples de « petites phrases qui tuent » que les enfants peuvent entendre, ainsi que des clés pour réagir. De plus, j’ai cherché à montrer comment le racisme se manifeste concrètement dans notre pays, en utilisant des mots adaptés pour parler, par exemple, du contrôle au faciès ou de la discrimination à l’embauche.

Le racisme et l’antisémitisme sont-ils des notions particulièrement complexes et sensibles à aborder avec les enfants ?

Si vous demandez aux enfants ce qu’est le racisme, ils savent généralement ce que c’est et que ce n’est pas bien. Cependant, il leur est parfois plus compliqué de comprendre à quel point de tels comportements peuvent s’immiscer facilement dans leur quotidien et dans la société, et à quel point il est important d’être vigilant. Nous pouvons tous être influencés par des stéréotypes à un moment donné, et il est utile que les enfants apprennent à se questionner là-dessus, car se laisser emporter par un emballement collectif peut arriver rapidement. Je suis convaincue que nous pouvons expliquer beaucoup de choses aux enfants et qu’il est important de clarifier et de nommer les choses. Les enfants ne sont pas indifférents à ce qui se passe autour d’eux. Actuellement, beaucoup de problèmes sont attribués aux étrangers ou aux migrants, et le racisme et l’antisémitisme augmentent aussi parce que des amalgames sont faits avec la politique, la géopolitique, etc. Il est intéressant de leur expliquer la réalité, de leur apprendre à bien différencier les choses et de leur montrer concretment que les différentes facettes de la haine envers l’autre n’apportent rien de positif, que ce soit collectivement, socialement ou individuellement.

Pourquoi est-il crucial de sensibiliser les enfants à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dès le plus jeune âge ?

Dans la préface, l’historien Vincent Lemire dit quelque chose qui me touche énormément : « offrons ce cadeau à nos enfants, car les pages de ce livre les rendront plus citoyens, mais aussi simplement plus humains, et plus heureux ». Se préparer face à ces enjeux permet de devenir un citoyen plus conscient et peut-être de contribuer de manière plus positive à la société, mais c’est aussi tout simplement vivre mieux avec les autres. Cela relève d’une question de bonheur individuel et n’est pas seulement une question sociétale.

Ce livre a aussi pour objectif de donner aux enfants les outils pour réagir et lutter contre le racisme et l’antisémitisme ?

Il est essentiel de réagir systématiquement si l’on est victime mais aussi si l’on est témoin. Il faut apprendre à ne jamais banaliser une parole ou une blague raciste. Ne pas hésiter à en parler à des adultes, car ce sont des problématiques importantes et graves. Chaque fois que nous réagissons à une parole ou à un acte raciste et antisémite, nous semons une petite graine d’humanité et, à notre niveau, nous devenons un peu des champions de ces luttes essentielles. Enfin, il est également important de s’ouvrir à la différence, que ce soit en apprenant une langue étrangère, en s’intéressant à d’autres cultures… C’est aussi une façon de lutter contre le racisme, qui découle souvent de l’ignorance.

Quand et comment aborder ces sujets avec les enfants ?

Je pense qu’il est crucial d’aborder ces sujets avec les enfants avant qu’ils n’y soient confrontés. D’abord, parce qu’ils le sont souvent plus tôt que ce que l’on imagine, et ils ne vont pas forcément en parler en rentrant de l’école. Ils peuvent assister à des situations, réagir ou non sur le moment, puis oublier. On peut commencer par leur demander s’ils ont déjà vu ou entendu des choses, qu’ils soient concernés directement ou non, et ouvrir le dialogue. Pour moi, aborder ce sujet avec ses enfants est une double responsabilité de parent et de citoyen.