Belgique

QRÂ : La prise de pension à la demande désorganiserait-elle le système ?

Le système de pension en Belgique repose sur trois piliers : la pension légale, la pension complémentaire et l’épargne pension. Selon Jean Hindriks, le système actuel est fragilisé car « le nombre de pensionnés augmente plus vite que le nombre de travailleurs », avec 1,7 travailleur par pensionné.


Guy Van Rinsveld, d’Evere, a posé la question suivante : « Est-ce que prendre sa pension quand on le désire, en tenant compte de ce qu’on a cotisé au préalable, désorganiserait le système ? »

Le système de pension en Belgique s’articule autour de trois piliers :

1. La pension légale, accordée par l’État belge, dès l’âge légal (66 ans) ou à un âge permettant une pension anticipée.
2. La pension complémentaire, généralement organisée par des compagnies d’assurance, permettant à chaque travailleur de mettre de l’argent de côté pour sa retraite.
3. L’épargne pension ou l’épargne à long terme, proposée par les banques.

### La pension légale : un système par répartition imparfait qui organise une solidarité

Le montant de la pension légale, perçue par le travailleur à 66 ans (ou un peu avant), est calculé en fonction du salaire perçu durant la carrière et du nombre d’années travaillées, mais il s’agit d’un système collectif. Chaque travailleur ne cotise pas « pour lui-même » mais pour les pensionnés actuels via les cotisations sociales et patronales.

Ce premier pilier, qui assure la plus grande partie des revenus des pensionnés jusqu’à leur décès, est qualifié de « par répartition ». Les cotisations sociales de 2025 financent ainsi les pensionnés de 2025.

« Ce système fonctionne assez bien tant qu’il y a suffisamment de travailleurs actifs pour financer les retraites des pensionnés », indique Jean Hindriks, professeur à l’UCLouvain et spécialiste du système des pensions. « Mais il est actuellement fragilisé car le nombre de pensionnés augmente plus rapidement que celui des travailleurs. » On estime qu’il y a actuellement 1,7 travailleur par pensionné.

Ce premier pilier mutualise, d’une certaine manière, les risques : « On peut dire qu’il garantit une certaine solidarité », précise l’expert.

Les très hauts revenus cotisent généralement beaucoup plus que ce qu’ils toucheront de l’État à la retraite.

> « Si chacun devait effectivement survivre après sa pension uniquement avec ce qu’il a de côté, on aurait des milliers de Belges au CPAS ou à la rue », souligne Jean Hindriks.

Inversement, ceux qui n’ont pas les moyens de financer leur retraite à l’aide de leurs économies perçoivent, grâce à ce système, une pension jusqu’à leur décès, quel que soit leur espérance de vie. « Si chacun devait effectivement survivre après sa pension uniquement avec ce qu’il a de côté, on aurait des milliers de Belges au CPAS ou à la rue », illustre Jean Hindriks.

Néanmoins, ce système est critiqué tant à gauche pour être considéré comme peu généreux (60% du salaire moyen durant la carrière), qu’à droite pour être jugé trop généreux envers ceux qui ont peu travaillé.

Cela étant dit, ce système repose sur l’idée de mutualisation des risques et de solidarité. Toutefois, si, comme le propose Guy Van Rinsveld, « chacun pouvait prendre sa pension quand il le souhaite en fonction de ce qu’il a cotisé », cela impliquerait deux choses :

– D’une part, que chacun cotise pour lui-même, ce qui n’est pas le cas dans le système actuel de pension légale.
– D’autre part, que ceux qui seraient tentés de prendre leur pension plus tôt, après avoir beaucoup cotisé, seraient probablement les plus hauts revenus. Le système ne serait alors peuplé que de bas et moyens salaires, insuffisants pour mutualiser les risques et garantir la solidarité de ce système.

On peut alors conclure qu’une telle proposition désorganiserait le système, faute de financement. Un système basé uniquement sur des cotisations personnelles favoriserait les hauts revenus qui cotiseraient abondamment, mais laisserait des dizaines de milliers de Belges avec une pension faible, voire inexistante, les contraignant à recourir au CPAS.

### La pension complémentaire : par capitalisation

Cela signifie-t-il qu’il n’existe aucune solution pour les hauts revenus qui souhaitent cotiser pour eux-mêmes ? Non. C’est là qu’entrent en jeu les deuxième et troisième piliers de pension.

Le deuxième pilier comprend ce que l’on appelle les pensions complémentaires : chaque mois, l’employeur dipose d’une partie du salaire de l’employé, quelques pourcents, versés à une compagnie d’assurance au nom de l’employé. Cette compagnie va non seulement sécuriser cet argent jusqu’à l’âge de la retraite, mais également l’investir pour le faire fructifier. Après une carrière complète, les montants peuvent largement dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Il s’agit ici d’un système par capitalisation où chacun cotise pour lui-même. La personne touchera à l’âge de la pension, le montant qu’elle a elle-même investi, augmenté des intérêts des investissements. « Ce système est actuellement géré par des entreprises privées, mais en Suède par exemple, c’est l’État qui s’en charge, ce qui réduit les frais de gestion et les frais administratifs », précise Jean Hindriks, qui propose de s’inspirer d’un tel mécanisme en Belgique pour diminuer la dépendance au premier pilier.

Le montant de la pension peut donc être considérablement augmenté de cette manière, mais cela ne permet en aucun cas de partir plus tôt. « C’est un peu le rêve du mouvement ‘FIRE’, précise Jean Hindriks. Cela signifie ‘financial independence, retire early’ (indépendance financière, retraite précoce, NDLR). » Cependant, tant le premier pilier de pension que la retraite complémentaire ne sont délivrés qu’à un certain âge, celui de la pension légale ou anticipée.

Il en va de même pour le troisième pilier, qui comprend l’épargne-pension ou l’épargne à long terme. Il consiste en une épargne volontairement placée par chaque citoyen auprès de banques et d’assurances, laquelle donne droit à des réductions d’impôts. Cette épargne n’est restituée aux citoyens qu’au moment de la pension.

### En résumé

En Belgique, l’État accorde une pension à ses citoyens selon un modèle par répartition : ce sont les cotisations sociales des actifs qui financent les pensions des retraités. Dans ce système, les travailleurs ne cotisent donc pas pour eux-mêmes, mais son fondé sur une mutualisation des risques et une solidarité.

Si chaque travailleur prenait sa pension au moment qu’il aurait choisi, par exemple après avoir beaucoup cotisé, le système solidaire de la pension légale ne tiendrait plus financièrement.

Pour augmenter le montant de la pension, il est possible de se constituer une pension complémentaire (2e pilier) ou une épargne-pension (3e pilier), mais ces options ne permettent pas de partir plus tôt.

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